AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782916749310
672 pages
Les Fondeurs de Briques (16/10/2012)
4.35/5   13 notes
Résumé :
A partir des années 1930, Alan Lomax a parcouru la région du delta du Mississippi - ses plantations, ses prisons, ses églises et ses bouges - allant à la rencontre des interprètes de la musique populaire traditionnelle. Afin de survivre, les Noirs du Delta ont gardé vivace leur héritage africain à travers les chants, les danses et la musique. Pour eux, le blues a toujours été une manière d'être autant qu'une façon de chanter. Alan Lomax sera le premier à enregistrer... >Voir plus
Que lire après Le pays où naquit le bluesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un livre essentiel pour tous les amoureux du blues.

Alan Lomax est le musicologue américain le plus connu, et, avec Harry Smith ou John Hammond, l'un des instigateurs du revival qui a tout déclenché.

Dans ce livre, il raconte ses pérégrinations dans le Sud rural des Etats-Unis, le pays où naquit le blues, donc. Il se sert de ses propres mésaventures avec les autorités locales (on est dans les années 30, 40, 50, et un blanc qui fraye avec les noirs n'est pas le bienvenu) pour commencer à nous faire comprendre le fond du problème local. En tant que citoyens de seconde zone, les noirs sont soumis à l'arbitraire, aux vexations, au mépris permanents. Et ceux qui se rebiffent ont droit aux rigueurs de la justice et des fermes pénitentiaires, comme celle de Parchman où il retournera plusieurs fois enregistrer les détenus. Ce contexte très lourd est omniprésent, parce qu'il explique pour Lomax le désespoir contenu dans les chants et musiques blues.

En musicologue, Alan Lomax repère aussi les éléments africains sous-jacents, et trace ainsi les origines de cette musique. Mais l'autre grande partie de l'ouvrage, ce sont ses descriptions des chants collectés et la recopie de leurs paroles. Et c'est un monde dur, très dur, mais aussi admirable qui se découvre.

Cette édition inclut un CD avec quelques exemples, mais on peut maintenant aller beaucoup plus loin puisque tous les enregistrements de Lomax sont disponibles gratuitement sur internet.

Quoi d'autre ? Frantz Duchazeau s'est inspiré de ce livre pour son excellente BD Lomax, au point d'en recopier certains dialogues. Ce qui fait sa BD un complément agréable à ce livre.
Commenter  J’apprécie          154
Voici le Pays où Naquit le Blues, les Mémoires du ramasseur sonore de blues le plus emblématique de l'histoire. le constat est très simple : sans les enregistrements commandités à Alan Lomax par la Bibliothèque du Congrès américain, la musique du XXe siècle ne présenterait pas le même visage. Des collectages aujourd'hui disponibles en ligne. A partir de 1933, Alan et son père John, parcourent le Sud profond, c'est-à-dire le Delta du Mississipi, pour immortaliser le folklore local. Ils aménagent l'arrière de la voiture avec un matériel primitif de gravure sur cylindres. Ils s'arrêtent dans les rues, les exploitations agricoles, les chantiers des nombreuses digues, les pénitenciers, les églises de campagne, les bars louches. Dès qu'un Noir chante ou joue, ils actionnent l'engin. Ils suscitent la parole. Ils collectent les confidences. A partir de 1940, Alan, aussi devenu guitariste pour mieux comprendre (photo), prospecte seul. Entré sans autorisation sur les terres, souvent pris à partie, le jeune Texan se retrouve parfois face au shérif. Et ne doit d'éviter les barreaux qu'à la lettre de mission officielle dûment estampillée de Washington! le résultat des cavalcades laisse pantois. Lomax (photo ci-contre, dans les années soixante-dix), décédé en 2002 à l'âge de 87 ans, rapporte propos et péripéties de ceux qui ont dressé les bases de la musique d'aujourd'hui. le précieux témoignage dévoile un pan de l'histoire américaine. Devant les micros s'assoient les légendes : Leadbelly, Son House, Muddy Waters, Fred Mc Dowell, Honeyboy Edwards, et des dizaines d'autres monuments du blues. Leadbelly? Il découvre Huddie Leadbetter en 1936 : le chanteur croupit au fond d'une prison du Texas.
Lomax identifie la mère du célèbre Robert Johnson, dans le Comté de Coahoma. La rencontre date de 1941. Maman Johnson démonte le mythe de la Musique du Diable. Son fils n'aurait pas signé de pacte avec Satan au croisement de deux chemins en pleine nature, à minuit. L'explication? « Il a toujours joué comme ça... » Eddie James, dit Son House? le pionnier de la sono le rencontre quelques jours plus tard, aux environs de Clarksdale. A cette époque, le bluesman conduit un tracteur. Lomax emmène le guitariste dans la grange. le contremaître blanc interrompt la séance... Lomax finit au poste : le shérif lui passe un savon. A la question "Connaissez-vous d'autres artistes qui jouent dans le coin?", Son House l'orientera vers Muddy Waters. Il n'habite pas loin. le chasseur de blues ne loupe pas l'occasion. Il branche la machine devant celui qui, avant d'émigrer vers Chicago et d'électrifier sa musique, est connu de son vrai nom : McKinley Morganfield. Dès les premières paroles, Muddy prononce les mots Rolling Stone!
Dans les derniers chapitres de l'ouvrage (670 pages), Lomax relate plusieurs conversations (avec Big Bill Broonzy, Memphis Slim et Sonny Boy Williamson II, en 1946-1947). Les interviews se déroulent à New-York. Loin du Sud, les langues se délient. On a parfois du mal à concevoir dans quel enfer de mépris racial et de meurtres, les Noirs vivaient. Lomax publie l'article sous un pseudo, en voilant les identités, pour qu'ils ne soient pas inquiétés. Les anecdotes fourmillent sur les acteurs d'un langage à la source de la musique populaire du siècle. Un CD 10 titres, en fin de l'ouvrage, propose rien moins que les premières bandes des géants. Ces chansons fondatrices placeront sur orbite les jeunes Blancs qui changeront la face de la musique. D'Elvis Presley à Bob Dylan. Des Rolling Stones à Fleetwood Mac. C'est dire l'importance entre 1933 et 1947, des expéditions de l'archiviste, par ailleurs homme de radio et producteur de disques. Black-listé pendant la Chasse aux Sorcières, le chercheur d'or opèrera durant les années cinquante en Europe. Avant de reprendre les chevauchées dans son pays, jusqu'en 1985. Jacques Vassal assure la traduction du témoignage inouï de Lomax. Traducteur de Woody Guthrie (En Route pour la Gloire), de la Bio de référence de Dylan (signée Robert Shelton), de Léonard Cohen, spécialiste incontesté du folklore anglo-saxon, Vassal connaît l'affaire. Il nous guide à travers le Pays où Naquit le Blues. Son travail vaut tous les visas. le livre nous transporte, dans tous les sens du terme.
[Bruno Pfeiffer dans le blog de Libé]
Lien : http://jazz.blogs.liberation..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Il y avait une bassine qui bouillonnait et il faisait si chaud que Son House et ses copains se mirent torse nu tout en jouant. De tous les moments que le blues m'a donnés, celui-ci fut le meilleur, meilleur que Leadbelly, meilleur que Josh White, Sonny Terry et tous les autres. Il y avait un harmoniciste qui hurlait et gémissait dans son instrument comme un chien de chasse sur une piste brûlante. Il y avait un mandoliniste qui ne jouait pas de son instrument avec délicatesse, mais qui étirait des cascades d'accords argentés qui illuminaient la poursuite de l'harmonica comme le clair de lune des nuits torrides du Sud au coeur de l'été. Un deuxième guitariste jouait en obbligato sur les basses en suivant les pieds paysans qui tapaient le rythme et transformaient toute la maison en tambour africain géant. Au centre de tout cela, Son House, transfiguré, n'était plus l'homme calme et affable que j'avais rencontré, mais possédé par le chant, comme le sont les Gitans en Espagne, comme rendu aveugle par la musique et la poésie.
[...] Et chez Son, le chagrin du blues n'était pas hésitant, ou réservé, ou ironique. Son corps entier pleurait pendant que, les yeux fermés, les tendons de son cou puissant soulevés par la violence qu'il ressentait, son visage brun enfiévré, il chantait d'une voix terrifiante le Death Letter Blues.
Commenter  J’apprécie          100

Videos de Alan Lomax (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alan Lomax
Charles Kuralt interviews Alan Lomax, part 4 of 4 (1991)
autres livres classés : EthnomusicologieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (46) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1088 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}