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EAN : 9782070132904
128 pages
Gallimard (19/01/2012)
3.89/5   14 notes
Résumé :
Dans une ville du nord du Mexique, la vie quotidienne de Lobo (le loup), un baron de la drogue. Chanteur de corridos, Lobo incarne la plus ancienne tradition de la poésie populaire de cette région. Il est chargé de chanter les louanges de son seigneur et de faire la propagande pour le cartel. Fidèle à son chef, il joue également pour lui le rôle d'espion et de confident. Premier roman.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je vois Les travaux du royaume comme un exercice litteraire tres reussi. Comment elever un gang de narcotrafiquants au rang de legende pour mieux detruire cette legende. Comment mettre l'esthetique au service de l'ethique.

Un jeune chanteur de rues, petit troubadour misereux, enchante un roi par sa musique et est admis a sa cour. Il habitera le palais et sera promu l'Artiste. Il y cotoiera la compagne du Roi, aux dons malefiques, que tout le monde appelle la Sorciere, ainsi que L Heritier, le Gerant, le Joaillier, le Journaliste, et d'autres, prenommes d'apres leur origine, le Chicano, le Gringo. Il chantera les prouesses du Roi et de son monde et en remerciement on lui donnera une jeune fille presque pubere, la Fillette. Ebloui en un premier temps par les fastes de la Cour et le courage de ses composants, il finit par discerner les intrigues souterraines qui se trament. Peu a peu l'Artiste passe de l'admiration au doute, pour finir dans de la deception. Il se rend compte qu'il n'y a nulle grandeur dans le Roi mais seulement recherche egoiste de pouvoir et cruaute non contenue. Aucune loyaute non plus parmi les courtisans, qui se pietinent les uns les autres pour arriver en haut de la pyramide et peut-etre, comme l'Iznogoud d'un autre conte, devenir Roi a la place du Roi. Chacun voit son prochain comme un Mort en vie, et justement pour ca est terrorise par son prochain. Ayant ecrit une derniere chanson qui laisse supposer les faiblesses du Roi, l'Artiste devra fuir, comme la jeune femme qu'il a commence a aimer, la Quelconque.

Nous ne trouverons pas en ces pages les mots crus de gangs, de cartels de narcotiques, de trafiquants de drogues, ni les noms crus de Mexique, ou de USA, ni de villes comme Tijuana ou Ciudad Juarez, on ne parle que de la ville, et de la frontiere. Mais tout est clair, et les trafics, et les guerres de gangs. Et derriere l'ecran de la fable, la “vida narca", la vie des gangs, autour des chefs, des sicaires, des courtisans et courtisanes, des rivalites internes et des conflits externes, est refletee plus crument que dans nombre de rapports journalistiques, plus durement que si l'auteur s'etait exprime en une veine realiste. L'esthetique sert l'ethique.

L'esthetique des noms surtout. Dans le Palais il n'y a pas de noms propres, que des noms de fonctions, d'attributs. On ne peut retrouver son nom que si on en sort, que si on abandonne le gang. le chanteur de rues s'appelle Lobo. Il perd son nom en s'engageant, pour devenir un prototype interchangeable, l'Artiste. Il ne reprend son nom que quand il fuit, quand il quitte la bande. Et avec lui la femme qu'il aime, la Quelconque, qui deviendra une fois dehors Elle. Il ne connait pas son nom, il ne l'a jamais connu, mais elle n'est plus quelconque, elle est devenue sa moitie feminine, Elle, la seule Elle.

Un autre pari esthetique est la concentration sur ce que disent les personnages, sur leurs comportements, et sur ce que comprend le heros, plutot que sur une action trepidante. le chanteur de rues composait toutes sortes de chansons, des boleros et des corridos pour des passants. L'Artiste n'ecrit plus que des corridos, des chanson de geste a l'eloge du Roi ou des Grands de la Cour. Il devient le bouffon de la Cour et ne voit plus en son entourage que du materiel pour des corridos. Il se deshumanise. Meme la Fillette le chapitrera: “Que veux-tu que ce soit, petit con ? dit-elle avant que l'Artiste ne sorte, eux, ce sont des fils de pute, et toi, tu es un clown. […] Tu ne t'es pas entendu parler ? Tu parles deja comme n'importe lequel de ces salauds qui font des bijoux.” Mais selon les canons de la fable, il doit etre sauve. L'auteur fait sortir l'Artiste du Palais juste avant que tout se degrade, donnant a l'histoire une saveur de bildungsroman, de roman d'apprentissage: “L'Artiste vit le dernier garde s'en aller et il sentit qu'avec le battement des portes il imprimait une derniere marque sur le mur. Desormais aucun roi n'aurait le pouvoir de baptiser les mois de sa vie. […] Il etait maitre de chaque morceau de lui-meme, de ses mots, de la ville qu'il n'avait plus besoin de chercher, de son amour, de sa patience et de la decision de retourner à son sang a Elle, ou il avait senti, comme dans une source vive, son propre sang.”

Oui, j'ai pu voir dans ce livre un conte allegorique sur la vie des narcogangs, et un roman d'apprentissage ou se font face l'art, le pouvoir, et la violence. Un livre sur les relations entre l'art et le pouvoir.

Mais c'est surtout un livre admirablement ecrit. Pour rester dans son sillage je devrais dire princierement ecrit.
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Chanter les louanges des caïds de la drogue comme on chantait ,déjà , Pancho Villa. Voilà ce que cette jolie fable même sombre et triste, met en scène. Un artiste vivant dans le royaume du roi, le troubadour moderne, celui qui racontera ce que le roi voudra bien entendre, sa gloire et ses exploits, jusqu'à ce que...Le roi étant un important narco trafiquant, on devine ce qu'est ce royaume. Un royaume à la frontière Mexique /États-Unis, un royaume de fêtes, de fusils, de filles, de guerres sanglantes pour l'appropriation du marché, un royaume dont on connait la fin...
Une métaphore racontant le monde de la drogue, ses loyautés mais surtout ses trahisons comme son orgueil et sa cupidité. Une petite pépite de 128 pages.
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Original, prenant, frustrant. le premier roman du mexicain Yuri Herrera, enfin traduit en français (il date de 2003), est un conte médiéval chargé d'allégories pour décrire la réalité du Mexique d'aujourd'hui, celle des narcotrafiquants, barons de la drogue, dont certains sont devenus des héros populaires avec des aventures complaisamment déclinées dans des romans policiers tout à leur gloire. Dans Les travaux du Royaume, nous trouvons donc L'Artiste (le trouvère), le Roi (le chef du cartel), L'Héritier, La Fillette (la prostituée), le Joaillier, le Traître, le Journaliste, La Sorcière, le Gringo ... bref, toute une cour des miracles qui chante les louanges du seigneur, quand elle n'intrigue pas contre lui, lequel, entre deux bacchanales, offre des cadeaux à son peuple, renforçant son image de protecteur des pauvres. En moins de 120 pages, Yuri Herrera pastiche avec verve et ironie les us et coutumes de ce microcosme mélangeant tradition narrative du Moyen-âge et événements on ne peut plus modernes et violents. La fable est transparente, soit, mais la greffe prend dans ce court récit (moins de 120 pages), témoignage accablant d'une société dominée par des règles sanglantes, par les relations équivoques entre artistes, journalistes, politiques, etc, et mafieux tout puissants. Bel exercice de style qui laisse un peu sur sa faim à cause de sa brièveté et donne envie de lire le deuxième roman de Herrera, qui évoque l'immigration clandestine vers les Etats-Unis, publié en 2009 au Mexique. Vite, une traduction !
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Si vous faites mon portrait je deviens inutile

Une véritable cour des miracles avec des personnages hauts en couleur : le Roi, le Joaillier, le Gérant, la Fillette, le Chicano, l'Héritier, le Gringo, La Sorcière, Quelconque « Il regarda son visage : un visage alerte ; il y a des visages qui ressemblent à des accidents, mais pas ce visage dont les différentes parties riment entre elles, pas cette peau de sable chaud qui façonne les pommettes rondes, la petite bouche, les dents qui mordillent une lèvre, pas ce visage qui à présent se déploie pour lui-même. », le Journaliste, le Docteur, etc.
Un héros troubadour « Elles existent. Toutes ces paroles. de sa composition. Déposées là, sans autre finalité que celle de féconder l'esprit. Elles existent. Elles broient la feuille de papier entre des rouleaux d'insomnie, elles mettent en garde, elles taquinent la blancheur aride du papier et du regard. » : l'Artiste de son vrai nom Lobo « Ils lui laissèrent l'accordéon pour qu'il aille dans les tavernes, c'est là qu'il apprit que pour les boleros on peut garder un visage doux mais que les corridos demandent que l'on s'investisse et que l'on joue l'histoire que l'on chante. »
Une sorte de conte subtil et poétique.
« Dire quelque chose, rêve, cruche, terre, percussion.
Dire n'importe quoi.
Écouter l'addition de tous les silences.
Nommer la largesse prometteuse.
Puis se taire. »
Une espérance d'amour, et en arrière plan, lancinante, omniprésente la violence entre hommes et femmes, « Bien qu'il butât presque contre lui, c'est à peine s'il remarqua, avant de quitter les lieux, le cadavre du paon qui avait été égorgé » sociale et, sans qu'elle nommément citée, celle de la drogue et des narcotrafiquants.
L'alliance réussie de la magie des contes et du noir « Regarder et regarder et regarder encore, puis ne pas regarder : il n'y a pas moyen, il n'y a rien qu'un amoncellement de dégoût de soi. Une grimace superbe, un monde paresseux. »
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Les travaux du royaume de Yuri Herrera est le premier livre de narco-littérature que je lis. J'ai été agréablement surprise par ce récit. L'auteur mexicain chercher à ne pas aborder ce thème courant au Mexique comme tout le monde. Il met en place tout au long du récit la métaphore filée du monde de la drogue comme un royaume dirigé par le roi c'est à dire le chef du cartel de drogue. le roi vit dans un palais avec autour de lui des courtisans et un héritier.
le récit présente la vie d'un cartel de drogue à travers les yeux de l'Artiste qui tout d'abord découvre ce monde, s'y adapte et fini par se rendre compte de la réalité du monde des cartels. Cela nous permet de découvrir comme lui ce qui se passe et suivre sa réflexion, au fil des pages, sur le cartel de drogue.
Chaque chapitre pourrait être indépendant, chacun présentant un moment de la vie du cartel ou une réflexion sur celui-ci : les grandes fêtes, les contrats avec les barons, la guerre des gangs, les traîtres, etc. C'est la réflexion de l'Artiste sur le cartel qui est le fil conducteur de l'histoire.
L'auteur ne donne jamais de nom ou de prénom à ses personnages, ils sont définis par leur métier (l'Artiste, le Joaillier, le Journaliste, le Docteur, …), un trait du personnage (la sorcière, le Chicano, le Gringo, …), ou à leur position dans le cartel de drogue (le Roi, l'Héritier, le Gérant, …). Et aucun lieu ou aucune date précis ne sont donnés ; même si quelques indices nous permettent de nous positionner au Mexique proche de la frontière des États-Unis. Cela donne une universalité au récit : il peut se passe n'importe, n'importe quand et avec n'importe quel cartel de drogue. On retrouve également cette idée d'universalité dans certaines parties de l'histoire : le roi demande à l'Artiste d'aller chanter dans le cartel ennemi pour les espionner, l'Artiste se rend alors compte que tout est comme dans le royaume de son roi, les cartels sont tous les mêmes.
le récit pose également la réflexion du pouvoir et de l'art. L'artiste ne perd-t-il pas sa liberté d'expression lorsqu'il se met à la disposition d'un mécène ? L'auteur se questionne.
J'ai vraiment apprécié ce récit qui est bien construit et qui a une réflexion intéressante.
Lien : http://passionlecture-biblio..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Il apprit aussi les vérités suivantes: Être ici, ce n'est qu'une histoire de temps et de malheur. Il y a un Dieu qui dit: Serre les dents, les choses sont comme elles sont. Et, peut-être, le plus important: Éloigne-toi de l'homme qui est sur le point de vomir.
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Ils lui laissèrent l’accordéon pour qu’il aille dans les tavernes, c’est là qu’il apprit que pour les boleros on peut garder un visage doux mais que les corridos demandent que l’on s’investisse et que l’on joue l’histoire que l’on chante.
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Il regarda son visage : un visage alerte ; il y a des visages qui ressemblent à des accidents, mais pas ce visage dont les différentes parties riment entre elles, pas cette peau de sable chaud qui façonne les pommettes rondes, la petite bouche, les dents qui mordillent une lèvre, pas ce visage qui à présent se déploie pour lui-même.
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Dire quelque chose, rêve, cruche, terre, percussion.
Dire n’importe quoi.
Écouter l’addition de tous les silences.
Nommer la largesse prometteuse.
Puis se taire.
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Elles existent. Toutes ces paroles. De sa composition. Déposées là, sans autre finalité que celle de féconder l’esprit. Elles existent. Elles broient la feuille de papier entre des rouleaux d’insomnie, elles mettent en garde, elles taquinent la blancheur aride du papier et du regard.
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