C'est un article du quotidien "Le Monde" du 1er septembre dernier par
Ariane Chemin avec le titre étrange "Le livre oublié de Buchenwald" qui m'a incité à lire ce témoignage du camp d'extermination nazi par un rescapé français, publié intégralement 78 ans après les faits, le 21 juillet 2022 grâce à la petite maison d'édition Ampelos.
Je n'arrive pas à comprendre qu'un ouvrage si important et d'une telle rare qualité littéraire, dont
Elie Wiesel avait d'ailleurs, déjà en avril 1985, recommandé par lettre à son auteur la publication, ne soit disponible que maintenant, 30 ans après sa mort !
Sylvain Vergara (1925-1992) était un jeune résistant, encore quasiment un adolescent, lorsqu'il fut arrêté par la Gestapo et transféré au camp horrible de Buchenwald, près de Weimar en Allemagne, et dont il a été libéré le 11 avril 1945.
Ce témoignage concentrationnaire s'inscrit dans la catégorie des
oeuvres majeures sur cet univers infernal, tels "
Si c'est un homme" de
Primo Levi et de "
La nuit" d'
Elie Wiesel, pour me limiter à 2 des plus considérables.
Sylvain Vergara a écrit cet ouvrage, par nécessité, pour pouvoir survivre. Il ne s'agit donc pas d'un récit linéaire dans le temps, mais une série d'impressions, pensées et expériences sur une bonne centaine de pages, sans pré- ou postface, ni notes en bas de page.
Personnellement, je trouve que la grande valeur du livre réside dans sa façon de nous donner une image fidèle d'une existence abominable à l'ombre des fours crématoires en nous présentant très brièvement plusieurs codétenus et leur triste sort.
Ainsi, il y a le tout jeune Emmanuel, manifestement l'alter ego de l'auteur, et son ami Luis Santamaria d'Espagne, qui lui promet de lui faire rencontrer sa fiancée Dolorès, mais qui mourut dans
la nuit.
Il y a le médecin belge Léon avec qui Emmanuel a des conversations réconfortantes ; le Marseillais qui sortait des poèmes où le mot "soleil" revenait sans cesse ; le père Wladislas Krimka de Pologne et son fils que les SS laissaient mourir ensemble ; le Russe Tchéminkov qui se pend en pensant à sa femme et sa fille Tatiana. L'Allemand Schutzbaum de Cologne qui voit dans le vol d'une abeille la promesse d'un retour à la vie au bout de 4 ans de camp. Brissard qui achète pour 5 cigarettes une image de la Vierge Marie....
Je vous laisse découvrir les autres misérables prisonniers qui ont croisé le chemin de l'auteur, qui "n'était pas mort et cependant n'arrivait pas à acquérir la certitude qu'il était réellement vivant."
Je vous suggère vivement de lire dans l'article du Monde précité les propos qu'
Ariane Chemin a recueillis auprès de la fille de l'auteur, Anne Vergara, en août dernier à Bruxelles, entre autres sur la vie de son père après la guerre.