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EAN : 9782330064570
352 pages
Actes Sud (02/11/2016)
3.93/5   21 notes
Résumé :

Dans un village de Sibérie, Petka, un petit garçon toujours pieds nus, va chaque jour à la gare voir passer les convois militaires qui parfois s'arrêtent. Nous sommes en 1945, et la guerre ici n'est pas tout à fait finie, une offensive contre les Japonais est imminente, mais dans ce village du bout du monde la vie suit son cours...

Petka, traité de "fils de pute" parce qu'il n'a pas de père, vit chez ses grands-parents avec sa mère. Persécuté... >Voir plus
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1945, Razgouliaevka, un village au fin fond de la Sibérie, non loin de la frontière chinoise, isolé dans la steppe et encerclé de loups. Non loin du village, un camp de prisonniers où séjournent Fritz,Hongrois et Japonais.Les Japonais étant les premiers arrivés, on continue d'appeler cette communauté qui trime dans une mine de charbon, "Japs".
Dans ce village, qui doit son nom à la gnôle , produit de contrebande qu'en fait le village avec les chinois de l'autre rive, habite Petka, un enfant "sans père", un garnement qui n'a pas froid aux yeux. Il a dû grandir vite pour survivre. Confiné à une famille, qui a peu d'amour à lui donner, pieds nus, le ventre vide, il trouve la chaleur dans un louveteau ramassé dans la steppe, qu'il cache dans la grange de ses grand-parents, avec leurs chèvres (!). Ce sacré gamin fume et discute avec le lieutenant chef du camp, cherche Hitler disparu de Berlin, avec son pote Valerka, près de la rivière , (des fois on ne sait jamais, il aurait pu atterrir par là)......et chaque soir se pointe à la gare pour voir passer avec béatitude les convois militaires, qui parfois s'arrêtent. Il rêve d'une mort à la guerre.

Dans le camp de prisonnier, un prisonnier, médecin japonais , Miyanaga Hirotaro soigne tout le camps,prisonnier, soldats...sans exception,avec des herbes qu'il cueille dans la steppe. Il survie grâce à sa passion pour ces herbes et l'écriture. Il écrit et dessine dans un cahier, l'histoire de ses ancêtres à travers rites et coutumes de l'époque, pour ses fils restés à Nagasaki, que nous aussi aurons le loisir de lire.

Petka et Hirotaro, deux univers, deux personnages qui n'ont strictement rien en commun, ni l'âge, ni la culture, à part la proximité et la vie misérable et dure qu'ils mènent.Et pourtant.......une rencontre "magique".
Non, ce n'est pas un conte..........

La prose de Guelassimov , dont le mérite est sûrement dû en partie à l'excellente traduction est magnifique. La nature sauvage, la survie dans la steppe dans la misère, l'univers foisonnant tragique des deux protagonistes et le burlesque qui fait parti intégrante de la vie quotidienne du village et du camp, nous donne un récit épique, dense, pleine de poésie et surtout beaucoup d'humour.
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Au début, je n'étais pas très convaincue, j'ai cru que je ne pourrais pas m'attacher à ce gamin, que je n'allais pas accrocher à cet univers rude d'où toute trace de tendresse semblait bannie, pas retrouver ce qui m'avait tant plu dans La Soif.
Je me trompais. Guelassimov nous offre un drôle de mélange doux-amer, finalement bien savoureux, de dureté du monde qu'il décrit, d'humour, d'humanité souvent assez étonnante, parfois cruelle, parfois tendre et poétique. On part du très sombre et puis on se dit comme Petka qu'on a cinq doigts à chaque main, cinq à droite pour compter les bonnes choses, cinq à gauche pour les injustices, «Si à une main il en avait eu huit par exemple et à l'autre trois, on aurait encore pu discuter», mais là, c'est clair, ça s'équilibre.
Et je l'ai beaucoup aimé ce môme, batard, va-nu-pieds, rêvant d'avoir pour père le camarade Staline, rêvant sa vie héroïque, gravant sans cesse avec son clou des gros mots sur Hitler et découvrant le coeur battant qu'à chaque mot gravé par lui les troupes russes prenaient des grandes villes.
«Enfin, bien sûr, les nôtres s'étaient battus avec acharnement et d'ailleurs, ils étaient les meilleurs soldats du monde, mais Petka, à sa façon, n'y était pas pour rien.»
Et puis j'ai été complètement sous le charme d'Hirataro, un personnage que j'ai trouvé extraordinaire. le prisonnier japonais a avec le monde, la vie et ses injustices une relation très particulière. Il est très décalé, avec une belle dimension étrange et poétique, du fait d'abord qu'il s'est considéré pendant longtemps comme mort. Il s'était mis à rédiger son journal pour envoyer depuis le royaume des morts un message aux vivants. Mais l'écriture a sur lui un effet secondaire non négligeable puisqu'elle réveille son intérêt pour la vie et le pousse à prêter une attention nouvelle à ce qui l'entoure.
Bref, j'ai adoré la façon dont Guelassimov nous embarque en compagnie de ces deux-là dans ce lieu bien étrange pour nous, Razgouliaevka, un trou paumé dans les steppes de Transbaïkalie, tout près de la Chine. Un roman étonnant, qui nous rend si proches des personnages si différents et qui transfigure avec tant de générosité et d'originalité un univers âpre et déprimant au départ que j'en ressors émerveillée.
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Un roman plein de vitalité à l'image de Petka qui en occupe le centre. Ce gamin vif et futé, petit polisson qui observe, cherche, questionne, nous entraîne à sa suite dans ses rêves et ses cabrioles pieds nus à travers le village de Razgouliaevka situé en Sibérie orientale près de la frontière chinoise ; village qui "doit indirectement son nom à la gnôle puisque sa racine est issue du verbe "gouliat" dont un des sens est "faire la bringue". La vie de ses habitants retracée à travers Petka y oscille entre bouffonnerie et tragédie.
S'il est solitaire et se sent très proche du louveteau qu'il a recueilli, sa curiosité l'entraîne vers bien des aventures où il prend des coups et en donne. Parmi les enfants, Il a un ami de son âge Valerka, un ennemi Lionka l'Atout qui mène les autres gamins du village. Quant aux adultes il adore les berner que ce soit la grand-mère Daria et ses chèvres, le grand-père Artiom qui va se fournir en alcool de contrebande en Chine avec sa carriole tirée par sa jument la "Petite Étoile" ou les gardes du camp de prisonniers japonais. Il s'y fera un autre ami en la personne d'un médecin japonais Hirotaro qu'il ira chercher pour sauver son ami Valerka.
La guerre occupe également une grande place dans l'imaginaire de l'enfant, qui voudrait devenir un héros, et dans la vie du village déserté par les hommes. Une guerre où ses oncles et son père inconnu sont partis et qui n'est pas tout à fait finie dans ces terres des confins même si l'on est en 1945....
" A Razgouliaevka, les femmes se battaient toujours avec les hommes. (...) Mais lorsque la guerre débuta et que les hommes furent envoyés au front, le silence s'instaura dans les cours. Personne ne bondissait plus hors de chez lui en sous-vêtements, ne hurlait plus comme un enragé au milieu de la nuit, ne se cachait plus dans les granges. Les haches, les fourches, les pelles et les râteaux étaient fastidieusement utilisés à bon escient. Personne ne les brandissait au-dessus de sa tête, ne les jetait chez les voisins par-dessus la palissade. La vie s'était arrêtée.
Cela, il est vrai, jusqu'à ce que les grands-pères et les grands-mères se souviennent qu'eux aussi étaient "maris et femmes" et que les lois, en amour, étaient les mêmes pour tous.
Et alors, les vieux se mirent peu à peu à se bagarrer." p 38-39

Un beau livre où se croisent le loup et l'alouette, animaux qui sont en accord avec Petka qui vit de manière instinctive en suivant ses intuitions mais sait aussi composer avec la réalité. La légèreté de l'oiseau l'habite quand il rêve de voler et de voir le monde d'en haut et pour ce faire grimpe sur le toit de la grange de ses grands-parents. Ces deux animaux totems vont faire se rejoindre intimement Hirotaro le médecin japonais et l'attachant petit va-nu-pieds russe dans une belle leçon de vie et de poésie ...
"Hirotaro s'assit à la table et, à la lumière de la lampe que grand-père Artiom tenait au-dessus de sa tête, il écrivit directement sur un dessin un autre haïku.
Une alouette dans les hauteurs...
Et hier encore, en folâtrait
Une autre au même endroit" p 330
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Ce récit se déroule en 1945. Si la seconde guerre mondiale s'achève en occident, elle ne touche pas encore à sa fin dans ce petit village de l'extrême orient soviétique où bon nombre de prisonniers triment encore dans des mines et bon nombre de soldats sont encore au combat.

Les soldats. Il y a ceux qui partent dans des trains bondés chargés d'engins militaires qui n'en finissent pas de faire rêver le jeune Petka. Et ceux qui reviennent, médaillés, estropiés - les deux parfois - tenant debout grâce à la gnôle qui coule des gorges aux veines. Petka, le bâtard ou fils de pute du village, qui fait l'objet des pires violences de la part des gamins, mais aussi des adultes, espérait rejoindre les premiers ; mais ce sont les seconds qui vont débarquer dans sa vie...

"si Petka avait eu à décider, il n'aurait pas pris Mitka Mikhaïlov comme père. Mais sa maman, même si on lui avait donné le choix entre cinq mille autres, il l'aurait choisie".

Beaucoup de violence, directe ou sous-jacente, dans les dieux de la steppe. Petka, sa mère, le jeune Valerka, son ami à la santé fébrile et bien d'autres la subissent, mais presque de manière "naturelle" comme si c'était la norme. La faim, le froid, la cruauté font partie intégrante de leur vie. Et la guerre n'y est pas forcément pour grand chose.

"Il n'y avait pas beaucoup de cafards, parce qu'ils vivent là où il reste au moins quelque chose à avaler, et Valerka et sa maman ne laissaient rien dans la maison. C'est tout juste s'il y avait assez à manger pour eux. Ils ramassaient les miettes dans le creux de leur main et devant les cafards affligés, ils se les fourraient soigneusement dans la bouche. Comme pour le charbon à la mine. Un, deux et hop dans le wagonnets".

On suit parallèlement à l'histoire de Petka, la vie d'un des prisonniers japonais qui travaille à la mine : Hirotaro. On devine que ces deux-là vont finir par se rencontrer, mais quand ? La raison, on la devine, mais Andreï Guelassimov prend son temps pour installer ses personnages, leur vie et nous ouvre peu à peu à la découverte de ce que certains appellent l'âme russe, entre poésie, douleur, abnégation et résistance...

"tu ne peux pas connaître ton destin.
Peut-être replieras-tu tes ailes au milieu des steppes..."

Peut-être...
Lien : https://page39web.wordpress...
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En 1945, la guerre touche à sa fin. Dans les steppes de Sibérie, un petit village désolé survit, dont les habitants sont assez rustres. C'est là que vit Petka, entre une mère très effacée et des grand-parents qui le rudoient. Ce petit garçon sans père est rejeté par les autres et essuie en permanence brimades et insultes. Ses principaux tortionnaires sont une bande de gamins brutaux qui le poursuivent pour le rosser. Loin de s'apitoyer sur son sort, Petka encaisse les coups et réinvente sa vie. Son imaginaire, nourri par la guerre, est peuplé de chars d'assaut et de combats héroïques. A son seul ami, un enfant maladif, Petka montre le louveteau qu'il vient d'adopter et qu'il fait passer pour un chiot.

Près du village, des militaires soviétiques dirigent un camp de prisonniers japonais qu'ils font travailler dans une mine.
Parmi les prisonniers de guerre se trouve Hirotaro, un médecin japonais, qui a eu l'opportunité d'être libéré mais a préféré, par sens du devoir, rester dans le camp. C'est un vieil homme cultivé, exempt de haine, qui soigne aussi bien les russes que ses compatriotes. Issu d'une lignée de samouraï, il écrit en cachette l'histoire de sa famille sur un cahier, à l'intention de ses fils. Il espère que ce cahier leur parviendra un jour.

Petka est un enfant exalté qui projette de devenir un grand héros soviétique en mourant pour sauver sa patrie.
Hirotaro est un homme âgé qui s'évertue à transmettre son héritage car il est convaincu qu'il ne survivra pas à la guerre.

Les tribulations de ces deux «morts en puissance» oscillent entre le tragique et le cocasse.

La confrontation de leurs univers respectifs, pourtant si différents, liera Petka et Hirotaro l'un à l'autre, dans un dernier chapitre poétique et fabuleux.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Des oiseaux qu'on avait tués, il en avait vu des quantités, mais il n'avait jamais eu l'occasion d'en rencontrer qui soient morts comme des gens, de vieillesse ou de maladie. Pourtant s'ils étaient morts tout seuls, ils devaient traîner quelque part. Impossible en effet de tomber du ciel ailleurs que sur la terre. Mais ni à Razgouliaevka même, ni aux alentours, Petka n'avait vu d'oiseaux morts par terre. Seulement des oiseaux tués par les chats ou par une bande de gamins. Par conséquent, ils s'envolaient ailleurs pour mourir. Ou bien, ils ne mouraient pas du tout. p 149
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Debout dans la sépulture d'un de ses camarades, Hirotaro eut la sensation soudain qu'il était lui aussi déjà mort. Il lui semblait toujours que la maladie rendait l'homme meilleur et qu'elle lui était envoyée comme une chance de purification, mais à présent, il sentit que ce n'était pas seulement la maladie, mais aussi la mort qui jouait ce rôle. il ne pouvait pas encore formuler définitivement ce nouveau sentiment, mais le silence des pins, des nuages, des tombes et du sable dans le ravin lui suggérait de façon inexplicable qu'il avait raison.
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Aprés, à l'hôpital, un instructeur politique, qui était aussi commotionné , m'a dit qu'à Königsberg, Il y avait un philosophe allemand du nom de Kant qui était enterré là.Et alors ce philosophe disait qu'il est très facile d'être heureux. Il suffit seulement d'en vouloir moins. p. 95
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Les alouettes planaient si haut sur la steppe qu'elles pouvaient voir tout Razgouliaevka, d'un bout à l'autre, jusqu'aux derniers potagers. Et même bien plus loin. Elles pouvaient voir le facteur, le père Ignat, qui arrivait au village dans des nuages de poussière ; et les gamins qui s'accrochaient à la perche qu'il n'avait toujours pas ôtée de la charrette et qui dépassait à l'arrière comme un canon de char pointé, et puis de toute façon, c'était bientôt la fenaison et il faudrait la remettre en place ; (...)
On voyait d'en haut grand-père Artiom excitant du fouet sa Petite Étoile en fonçant de plus en plus vite du côté des hauteurs, et juste à l'aplomb des alouettes, grand-mère Daria poursuivant son petit-fils Petka dans la cour, bousculant les chèvres abruties par la chaleur et la poussière, et essayant de l'atteindre avec son gros bâton. p 7-8
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Tout le monde se tut. Quelque part, non loin, la première alouette se réveilla. L'oiseau s'envola bruyamment vers le ciel et se figea sur place en agitant les ailes, invisible pour l'instant dans la brume grise.
(...) Hirotaro demeurait immobile regardant vers l'endroit où le soleil devait bientôt se lever. La steppe d'avant l'aube s'étendait devant lui, promettant en silence une multitude de chemins, l'entraînant à faire un pas, à se fondre en elle, à devenir absinthe. L'air était immobile comme la tristesse, comme la perte d'un être proche, ou comme un grand artiste qui n'a pas besoin de gestes pour exprimer les sentiments les plus profonds. p 338
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