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EAN : 9782809713435
96 pages
Editions Picquier (01/03/2018)
3.92/5   18 notes
Résumé :
Le Japon des éditions Philippe Picquier

C'est bien au Japon que l'on cultive et admire les mousses modestes, que l'Occident ignore si souvent. En elles se lisent pourtant l'éternité des dieux, la constance du coeur, l'accord avec le temps qui passe et se dépose sur les pierres. Entrer dans l'univers des mousses, c'est accéder aussi à ces valeurs fondamentales de l'esthétique japonaise : sobriété, naturel, goût pour la patine et les marques du temps qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Louange des mousses est un ouvrage très intéressant, mais pas toujours d'un abord facile. Mêlant explications et envolées poétiques, Véronique Brindeau traite d'un élément à la fois banal et extraordinaire : les mousses. En Occident, nous en faisons peu de cas, voire on y va de son produit anti-mousse pour les éliminer. Au Japon, ces mousses sont partie intégrante des jardins et bosquets ornementaux. D'ailleurs, le vocabulaire nippon pour les différencier les unes des autres est très riche et imagée, comme souvent.

Par cet présentation de ces végétaux qui vivent quasiment en apesanteur, s'abreuvant non par les racines mais par le dessus grâce aux eaux de pluie, l'auteure rend hommage à leur beauté modeste et à leur extrême endurance. Quelques photos illustrent des jardins de mousses dans des temples et parcs de l'archipel. Il est à Kyoto d'ailleurs un temple surnommé le temple des mousses où sols, roches et arbres semblent revêtus d'une couverture ouatiné d'un merveilleux vert. Je ferme les yeux et m'imagine devant ce sous-bois où les rayons du soleil ocellent le parterre émeraude en jouant entre les feuilles des cèdres et paulownias.
La description du minutieux travail d'entretien de ces mousses par les moines du temple offre un vibrant modèle de patience et de dévotion. C'est assis et en avançant lentement qu'il faut retirer des étendues vertes chaque brindille, feuilles, bouts d'écorces et autres éléments apportés par les vents ou la pluie. Un véritable travail de Sisyphe!

En tout cas, Louange des mousses, outre m'éclairer un peu plus sur l'esthétisme japonais, m'a amenée à changer de regard autour de moi et à repérer ces végétations. En ville ou en milieu rural, elles se faufilent partout et n'attendent qu'une légère humidité pour renaître et rejaillir.
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La louange des mousses est un livre de voyage à travers l'espace et le temps, à travers, l'art, la religion et la philosophie. Écrire sur la mousse devient l'occasion de parler d'une oeuvre musicale, d'un haïku, d'une représentation théâtrale… la mousse est un voyage minuscule qui démultiplie les références, les distances, la mousse c'est le lieu où l'on déterre les vieux os comme l'entomologiste Fabre ou un Bachelard, sans parler de Proust. Elle devient un espace de découverte : comment l'on constitue un jardin traditionnel, comment doit être conçu le lieu pour une cérémonie du thé. L'auteure nous fait redécouvrir cette mousse via le prisme japonisant corrélé à notre culture : entre opposition (comme le latin froid des dénominations et les noms poétiques nippons) et complémentarité (l'influence d'un temple du 17ème siècle sur les fondateurs du Bauhaus).

Ce petit livre est aussi joli que décevant. Ce voyage au pays des mousses est l'occasion pour l'auteure de nous faire découvrir, ou redécouvrir certains faits littéraires, artistiques, philosophiques et religieux. le tout en moins de 90 pages. Donc superficiel pour le néophyte, le béotien. Si l'on se réjouit des belles descriptions comme celle du travail des jardiniers, d'une main qui caresse la neige par un petit trou dans la porte de papier d'une maison traditionnelle, ou de la chasseuse Subtile qu'est mademoiselle Tanaka, le lecteur s'endormira très vite par les lourdeurs stylistiques : voulant trop bien faire, l'auteure devient laborieuse, pesante… nous faisant perdre le flux du chapitre. À vouloir faire trop stylisé, on en perd la beauté simple des mousses. Donc mission ratée pour ce petit livre.

Autre point négatif, les photographies. Chaque chapitre, s'ouvrant sur une photo (non légendée, c'est encore mieux), manque justement de clichés car ces illustrations sont franchement magnifiques. L'auteure s'extasie devant un temple, un lieu mais pas de photos. Seulement des descriptions parfois bien rendues, parfois ampoulées et soporifiques. Et l'on se réveillera par les rares haïkus (à l'instar de ceux nostalgiques de Kobayashi Issa), par quelques éléments de la cérémonie du thé…

En résumé, un beau livre bien décevant…
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Elles sont quasi invisibles à des yeux non japonais, dédaignées, quand elles ne sont pas impitoyablement éliminées à coup d'herbicides : les mousses. Au Japon, il en va tout autrement et ces petits végétaux sont cultivés au même titre que d'autres, offrant un riche registre d'espèces variées qui composent de magnifiques tapis verts admirés pour eux-mêmes dans les jardins d'agrément ou au pied des bonsaïs. Un temple à Kyôto, de son petit nom le Koke-dera (« temple des mousses ») n'en fait-il pas même la célébration ? Ce court essai écrit par une fine connaisseuse de la culture du pays du Soleil-Levant, Véronique Brindeau, dessille nos yeux sur bien plus encore, car au-delà du végétal, c'est tout une esthétique qui se révèle à nous. Au fil de belles pages littéraires, exigeantes par endroits, nous cheminons en effet vers la compréhension du sabi, concept esthétique qui loue la patine du temps, la sobriété, le naturel, et du non moins prisé wabi, la quiétude.
Un petit bonheur de poésie qui changera à jamais votre vision des mousses !
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les Japonais cultivent, bien mieux que nous, ces beautés fragiles cachées dans l'ombre que sont les mousses. Evoquer ces végétations humbles, simples, modestes, discrètes, c'est parler de l'acceptation du temps qui passe, de la constance du coeur, de la compréhension de soi et du divin. C'est pratiquer le wabi-sabi (l'attrait pour le calme, le retrait du monde et la simplicité élégante) et voir, à travers les mousses, une occasion de découvrir la notion de cérémonie et d'art à la japonaise.

Avec émerveillement, simplicité, douceur et justesse, Véronique Brindeau chante le nom des mousses (mousse-cyprès, pinceau du Yamato, givre qui se dépose, grande ombrelle, mousse-lanterne, mousse-phénix) et attire notre attention sur l'infime, infini miniature qui « restitue le monde à son silence ».

Qu'elle nous entraîne dans des jardins zens ou dans des sous-bois à la Miyazaki, d'un temple à une maison de thé, la promenade reste sereine, calme et reposante. On savoure à plaisir les magnifiques photos – regrettant parfois que certains lieux évoqués ne soient pas présents visuellement- et la belle sélection de haïkus qui ponctue agréablement ces réflexions esthétiques, qui m'ont parfois rappelé l'esprit de Gaston Bachelard.
Lien : http://www.delitteris.com/no..
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Cet essai court, mais d'une grande densité, est un voyage tout en poésie dans les jardins de mousses japonais. Ces végétaux simples aux noms évocateurs sont une source de quiétude et d'émerveillement infini pour qui apprend, comme nous y invite l'auteure, à s'enchanter des petites choses.
Me touche particulièrement la philosophie du jardinier de mousses, qui ne lutte pas contre le temps qui passe mais accompagne le mouvement naturel de la végétation. J'ai aussi aimé visualiser les jeux de texture avec les pierres, leur symbolique fluide et la place laissée au vide pour rendre au jardin ce "surplus de sens" cher aux poètes japonais.
Documenté et extrêmement bien écrit, ce livre l'est parfois à l'excès : certaines phrases sont difficiles à comprendre tant elles sont longues et alambiquées. Chaque chapitre débute néanmoins avec une jolie photo et la mise en page sert véritablement d'écrin à un texte de qualité, dont l'écriture est à l'image des jardins qu'elle décrit : exigente, mais d'un grand raffinement.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
De ce temps d’avant l’histoire, les jardins japonais se
souviennent. Ils en témoignent avec soin, comme de tout ce
qui garde trace du grand âge, lui font place autour des temples
et portent au rang de trésor la mousse la plus simple comme
nous le faisons de chênes vénérables, d’arbres majestueux ou
rares, de roses. Il est ainsi à Kyôto, où vibrent pour les Japonais
les plus délicates tonalités d’une nature où ils aiment à se
reconnaître, un Temple des parfums de l’ouest, plus connu
sous le nom de Temple des mousses, dont la parure végétale
se résume à cet hôte ordinaire des forêts, la plus pauvre et
la moins délibérée des parures : don du temps qui passe, que
l’attention des jardiniers transforme en frais drapé d’émeraude
courant entre les érables, les camphriers, les cèdres. Au point
que ce haut lieu du bouddhisme zen, dont le nom d’origine
rappelle à la fois l’orientation, à l’ouest de la ville, et la direction
du couchant, paradis du Bouddha, figure aujourd’hui l’un des
archétypes du jardin japonais, admiré à l’égal des jardins secs
les plus fameux, et tout premier nommé au panthéon horticole
du Japon. Car c’est bien au Japon, et là seulement, que l’on
cultive et admire ces mousses modestes, détestées de nos
jardiniers, tout occupés au contraire à les détruire. Quand le
Japon les apprécie, les entretient et les cultive, l’Occident les
ignore le plus souvent ou les chasse : ennemies jurées de la
divinité pelouse, elles ne font guère les délices que de quelques
botanistes.
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Les mousses du toit
fleurissent elles aussi
et puis se dispersent
     
Kobayashi Issa
     
(Est-ce d’avoir traversé tant de deuils ? Issa, toujours, est du côté des oiseaux, des enfants, d’une certaine nudité du monde connue de ceux-là seuls que la souffrance dépasse ; et parfois il sourit ; admire le monde et sourit ; ses haïkus, il les égrène telles des stèles au long d’un sentier, celui-là est écrit après la mort de son deuxième enfant à peine né.)
     
‘Les mousses du temple Hônen.in' – p. 90
     
- - -
     
Et puis encore la « mousse d’argent », la plus répandue de toutes peut-être, l’une des plus résistantes aussi, que l’on trouve jusqu’au sommet du mont Fuji, et dont la couleur cendrée de cinéraire se reconnaît aussitôt (…) Que la plus ordinaire des mousses, qui pousse pour ainsi dire sous nos pas de citadins, porte un nom si précieux nous restitue un peu du délicat Pavillon d’argent de Kyôto et de son énigmatique aire de sable où vient briller la lune dont l’éclat lui donne son nom, bien plus que les feuilles d’argent qui ne vinrent jamais parachever le toit rêvé par le shôgun Yoshimasa, il y a cinq siècles. Voici la « grande ombrelle » et le « petit cyprès », la « mousse des sables », la « mousse-cigare » si commune aux murets de clôture dont les feuilles, par temps sec, virent au brun et se rétractent – puis s’ouvrent à nouveau, et verdissent, à la première ondée ; celle encore que l’on surnomme « écureuil » et qui grimpe en effet en spirale rousse sur les branches ; et puis la « mousse-phénix », à la double rangée de feuilles le long de l’empennage de sa tige, dont mon guide de poche affirme le plus doctement et le plus naturellement du monde qu’elle est en tout point semblable aux plumes de l’oiseau merveilleux, avec cette même assurance que l’on trouve au Sakutei-ki, le premier traité de l’art des jardins au Japon, au XIè siècle…
     
‘Noms de mousse' – pp. 16-17
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On se souvient de l'étonnement des critiques de cinéma en découvrant la place de la caméra dans les films d'Ozu. La fenêtre sur le jardin, la buée d'une théière s'élevant au premier plan, sur une table tout près du plancher, une tranche de pastèque sur un plat étaient vues depuis une position abaissée par rapport à notre regard habituel. Le bas du kimono des personnages y devenait parfois plus présent que les visages, les déplacements des êtres dans la scène tout entière révélaient les mouvements d'une danse à la fois subtile et banale, depuis que les chevilles enveloppée de chausses blanches nous apparaissent avec une telle proximité. Chaque élément du cadre était perçu dans une lumière autre, et la plus citadine des scènes d'intérieur prenait d'un coup une sorte d'assise rurale, les tables et les objets nous apparaissant pour ainsi dire de chant plutôt qu'en plongée, comme lorsque l'on marche dans un chemin creux d'où les prairies et la racine des noisetiers qui les bordent vous viennent aux épaules. Dans ce cinéma japonais, les lignes fuite avaient changé, l'horizon s'était abaissé. Chacun se tenait là, dans le commerce ordinaire des êtres, depuis une position moins dominante sur les choses - et quelle merveille pour les enfants que le monde ainsi fait, où les adultes ne sont plus si grands ni les meubles si hauts, où l'on peut tomber de son lit ou de sa chaise, mais où l'on s'endort sur un coussin au même niveau que ses parents qui continuent de converser ou se taire, dans l'amical tintement des menus bruits de la vie. Se tenir assis sur ses talons pour observer la nature au plus près du sol est peut-être au Japon une attitude plus naturelle qu'elle ne l'est pour nous, habitués que nous sommes à embrasser le monde du regard en interrompant seulement notre marche, même s'il ne s'ensuit pas que ce regard soit nécessairement celui d'une conquête ou d'une emprise. (Est sans doute Victor Hugo, exilé à Guernesey, debout devant son écritoire au faîte de sa maison de Hauteville, face à l'Océan, voyait le monde d'une autre manière, lui qui voyait aussi, comme aucun autre, les chardons bleus sur la dune.)
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Il arrive que l'inspiration fasse défaut dans ces petits jardins de ville, et l'espace alors n'a plus rien d'un champ de force, se réduit à une combinatoire d'éléments décoratifs inertes, un répertoire de poncifs. Mais lorsque l'esprit du jardin de thé y demeure sensible, et son appel serein vers un retrait du monde,alors la mousse est là aussi une substance primordiale, comme sur le chemin précédant le pavillon où se déroule la cérémonie du thé. Le nom délicat de "terre de rosée" (roji) donné à ce chemin, plein de la fraîcheur associée aux mousses qui le recouvrent, ne doit pas faire oublier la résonance bouddhique, car la rosée délicieuse s'évaporera tantôt, comme est transitoire ici notre passage. ("Monde de rosée / c'est un monde de rosée / et pourtant et pourtant", dira le poète Kobayashi Issa à la mort de son premier enfant.) Dans le Japon du XVIe siècle où se développe l'engouement pour le rite du thé, d'abord parmi l'aristocratie guerrière puis bientôt auprès d'une classe marchande en plein essor, plus encore qu'un tableau de l'aube et de l'évanescence de toute chose, cette "terre de rosée" évoque immanquablement la parabole bouddhique de la "maison en flammes" dans le Soutra du lotus, soutra que révérait le moine zen Dôgen: dans maison en proie à l'incendie, les enfants absorbés par leurs jeux ne prêtent pas attention à la voix de leur père s'efforçant de les attirer au dehors en un lieu sûr, qui porte dans la parabole le nom de "terre de rosée".
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Mais lorsque l'esprit du jardin de thé y demeure sensible, et son appel serein vers un retrait du monde, alors la mousse est là-aussi une substance primordiale comme sur le chemin précédent le pavillon où se déroule la cérémonie du thé. Le nom délicat de "terre de rosée" (Roji) donné à ce chemin, plein de la fraicheur toujours associée aux mousses qui le recouvrent, ne doit pas faire oublier la résonance bouddhique, car la rosée s'évaporera tantôt, comme est transitoire ici notre passage.
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