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EAN : 9782754829335
152 pages
Futuropolis (11/01/2023)
4.36/5   262 notes
Résumé :
En 1833, dans les Alpes du Sud, Fortuné Chabert est un instituteur itinérant. De village en village, il enseigne avec bonheur lecture, écriture et calcul aux enfants. Ce nomadisme enseignant est appelé "l'université des chèvres". Fortuné devra renoncer à son sacerdoce, et se retrouvera, des années plus tard, chez les Hopis de l'Arizona, aux États-Unis.
En 2018, Sanjar parcourt la montagne afghane avec son tableau sur le dos. Lui aussi pratique l'université de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (52) Voir plus Ajouter une critique
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Je ne connaissais pas cette pratique des instituteurs itinérants qui avaient cours au XIXème siècle en France et notamment dans les villages les plus reculées des vallées alpines. On va suivre l'un d'eux dans un parcours tout à fait intéressant.

Je ne m'attendais pas à passer à une seconde histoire se déroulant dans l'Ouest américain avec ce même homme qui se retrouve au sein d'une population indienne. A vrai dire, j'ai été un peu dérouté par cette nouvelle direction du récit.

Il y a un troisième chapitre consacré à une descendante de cet homme qui est une journaliste envoyée en Afghanistan. Elle sera confrontée à un enseignant qui fait la même chose que son ancêtre dans un univers où les femmes essayent de se battre contre une société résolument patriarcale.

Le thème central est l'éducation et l'instruction qui doivent se réaliser afin d'émanciper les populations face à l'obscurantisme. On ne peut s'empêcher de penser à Samuel Paty, cet enseignant investi et aimant son métier, soucieux de leur réussite et apprécié par les élèves qui fut lâchement assassiné et décapité par les tenants de cet obscurantisme. La liberté a été durement acquise grâce aux livres et aux enseignants, il ne faut jamais l'oublier !

On aura droit à une horrible fin qui s'apparente un peu à un fait divers pour le moins marquant. On quitte un pays en guerre. On croit trouver la sécurité dans nos pays occidentaux mais c'est de là où peut survenir des dangers insoupçonnés liés également à une forme de stupidité humaine alimentée par des discours haineux de responsables politiques tel que Donald Trump pour ne citer que l'exemple dans cette oeuvre. Oui, il y a encore beaucoup de travail à accomplir afin de pacifier les esprits.
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Col de la Rousse, novembre 1833. C'est ce chemin qu'emprunte, par tous les temps, Fortuné Chabert, colporteur en écriture, autrement dit instituteur itinérant. Et ce sont surtout pendant ces longs mois d'hiver qu'il se rend auprès des enfants, alors non assujettis aux travaux des champs. Trois plumes ornent son chapeau car son savoir est triple : lecture, écriture et chiffres. Alors qu'il se rend au hameau des Guions, où, comme à chaque fois, les parents lui fournissent gîte, couverts et salle de classe, il est malheureusement sommé, par le curé, de quitter les lieux, sous prétexte qu'il n'a pas à faire classe aux filles, pour qui seul doit compter la lecture du catéchisme. Et la loi de Guizot, alors ministre de l'instruction publique, impose désormais d'avoir un brevet pour pouvoir enseigner. Sonné et anéanti, Fortuné laisse s'envoler ses trois plumes et décide de devenir colporteur de livres...
En 2018, en Afghanistan, dans la province du Pandjchir, Sanjar parcourt les montagnes, un tableau noir sur le dos, pour enseigner aux enfants. Malheureusement, sa présence n'est plus souhaitée. le nouveau mollah a, en effet, décrété qu'il n'y aura plus qu'une école coranique et donc que les filles n'iront plus à l'école. Chassé à coup de pierre, il deviendra fixeur pour l'armée américaine. Son chemin croisera celui d'Arizona Florès, journaliste au Phoenix Post qui fait un reportage sur les femmes de ce pays...

Des Alpes enneigées aux villages arides d'Afghanistan, en passant par Phoenix, ville grouillante, du début du 19ème siècle à nos jours, Lax nous offre une saga mettant en lumière l'éducation, la culture et la transmission du savoir mais également l'hostilité et le refus d'une partie du monde (la plupart étant des hommes) à cette transmission qui voit en l'instruction une puissance extérieure, une force, une certaine forme d'émancipation... de Fortuné Chabert, colporteur malheureux qui finira chez les Hopis à Sanjar, qui se bat pour instruire les enfants des villages, en passant par Arizona, jeune journaliste qui dénonce la violence à l'école et le lobbying des armes et qui va tenter de montrer au monde ce qui se passe au pays des Talibans, tous ces personnages, volontaires, téméraires et parfaitement crédibles, portent haut ces valeurs que sont le droit au savoir et à l'éducation. Bien que fictionnel, L'université des chèvres est basé sur des faits réels, Lax s'étant fort documenté afin de rendre hommage à tous ces enseignants de tous pays. Tragique et sensible, habile par sa mise en scène, cet album regorge avant tout d'une profonde humanité. Graphiquement, Lax, par son trait délicat et subtil, parfois épuré, donne à voir de magnifiques paysages, que ce soit ces montagnes enneigées ou ces déserts américains, et de profonds portraits. Sa palette de couleur, douce et harmonieuse, met parfaitement en lumière ce récit original et fort.
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L'éducation est l'arme la puissante pour changer le monde. – Nelson Mandela
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition de cet ouvrage date de 2023. Il a été réalisé par Lax (Christian Lacroix), pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte cent-quarante-quatre pages de bandes dessinées. Il se termine avec une postface de deux pages, rédigée par Pascal Ory, de l'Académie française. Dans celle-ci, il commence par évoquer la célèbre maxime d'Héraclite : on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il reprend les principales phases de l'intrigue en commentant sous l'angle de la vocation de l'instituteur, en consacrant la seconde moitié de son texte au paradoxe de l'école, à la fois métonymie d'une crise plus générale, à la fois lieu où cette crise pourrait trouver sa résolution. Il développe ensuite la force narrative des planches de cette bande dessinée, pour conclure sur le sens à donner au dénouement tragique du récit.

Col de la Rousse, novembre 1833. C'est par là que les colporteurs passent d'Ubaye en Durance, malgré la neige qui recouvre la trace avec obstination. Fortuné Chabert n'est pas un colporteur comme les autres. Les trois plumes d'oie glissée dans la ganse de son chapeau en sont l'attestation. Il est colporteur en écriture, autrement dit instituteur itinérant. Il transporte son savoir de village en village. Et principalement pendant les longs mois d'hiver, quand les enfants ne sont pas assujettis aux travaux des champs. Et s'il a trois plumes, Fortuné, c'est que son savoir est triple. Il n'a que dix-sept ans mais il peut enseigner lecture, écriture et chiffres. Nombre de ses collègues n'ont pas la chiffre, n'arborant que les deux plumes de l'écriture et de la lecture. Dans chaque hameau, les parents fournissent gîte, couvert et salle de classe. Les frais d'écolage sont rétribués modestement, à hauteur de cent francs maximum. Familles et fondations pieuses y pourvoient.

Fortuné Chabert progresse lentement dans la neige et il croise Seyoz, un marchand ambulant, roi de la mercerie comme il le surnomme. Seyoz se rend au Lauzet d'Ubaye et souhaite connaître l'état du col pour le passer. Fortuné lui répond, et indique qu'il est attendu au hameau des Guions, au-dessus de Saint Crépin. Les deux voyageurs se saluent et poursuivent leur chemin chacun de leur côté. L'instituteur itinérant finit par arriver aux maisons du hameau et plusieurs enfants se dirigent à sa rencontre en courant. La classe peut commencer. Dans la journée, le curé vient le trouver : il indique qu'il a appris que Fortuné garde une fille en leçon de calcul. Il ajoute que c'est lui qui décide de ce qui est nuisible ou pas pour ses paroissiens. En réponse à une remarque de l'instituteur, il ajoute que du moment que les filles savent leur catéchisme, ça suffit, catéchisme sur lequel Fortuné ne s'attarde pas outre mesure, d'ailleurs. Mais le curé se félicite que Chabert ne va pas sévir bien longtemps. Il lui demande s'il a attendu parler des lois Guizot.

Le texte de quatrième de couverture annonce le programme : des Alpes françaises aux montagnes d'Afghanistan, du XIXe siècle à nos jours, l'école a toujours été martyrisée par les obscurantistes de toute obédience. En effet, le récit commence dans les Alpes françaises au XIXe siècle, pour se continuer aux États-Unis en suivant le personnage principal qui décide d'émigrer, et la seconde partie du récit se déroule au XXe siècle en suivant Arizona Florès, arrière-arrière-petite-fille de Fortuné Chabert, travaillant comme journaliste aux États-Unis et allant effectuer un reportage en Afghanistan, le passage de l'un à l'autre personnage s'effectuant en page cinquante-neuf. le premier apparaît au lecteur alors qu'il est un instituteur itinérant, la seconde exerce la profession de journaliste. L'un et l'autre sont liés par les liens du sang en descendance directe, ainsi que par l'université des chèvres, fondée par Fortuné Chabert, et dont la pancarte subsiste dans la propriété des parents d'Arizona Florès. L'un a exercé le métier d'instituteur et de professeur à deux reprises dans sa vie ; l'autre constate l'hostilité contre le lieu d'apprentissage qu'est l'école, sous deux formes très différentes, avec des pressions exercées par deux types de fondamentalistes de nature opposée.

La narration débute avec une très belle illustration en pleine page, majoritairement blanche pour rendre compte de la neige, avec juste la minuscule silhouette de Fortuné Chabert qui progresse laborieusement, la silhouette de deux rochers, et celle d'un flanc de montagne sur la droite. Vient ensuite une illustration en double page mettant en évidence la fragilité de la silhouette de l'homme qui s'appuie sur un solide bâton, et l'immensité des montagnes enneigées en premier plan et en arrière-plan, rendant dérisoire et insignifiante cette unique présence humaine. le blanc s'impose encore dans les deux pages suivantes, avant d'être progressivement habité et supplanté par l'activité des enfants et les solides constructions humaines en pierre. le lecteur apprécie également la qualité de la reconstitution historique, en plus de l'immersion hivernale dans les Alpes : les tenues vestimentaires, les maisons de pierre, l'équipement de l‘instituteur, les ardoises des enfants, sa mule et son chargement de livres quand il devient libraire ambulant à l'été. Puis, Fortuné Chabert décide de partir pour le nouveau monde, et le lecteur prend tout autant son temps pour admirer le paysage et la reconstitution historique : les montagnes de Californie et ses ruisseaux (peut-être) aurifères, le déplacement d'une colonne de chariots en territoire indien avec une lumière caractéristique de ces déserts montagneux, la communauté de Hopis avec leurs tenues et leurs outils agraires, et même un pensionnat dans une ville de colons, destinés à accueillir de jeunes Indiens pour les éduquer.

Dans la seconde partie du récit, le plaisir du voyage se trouve multiplié par deux : la petite ville dans la banlieue de Phoenix en Arizona, ploucs compris, et les différentes régions dans lesquelles le reportage emmène Arizona Florès en Afghanistan. le lecteur passe ainsi du siège social du journal Phoenix Post avec son bel immeuble moderne, à la province désertique de Nimroz, terre frontière avec l'Iran et le Pakistan, en passant par l'école de Tommy le fils d'Arizona, ou le tunnel routier de Salang (2.700m de longueur), passant sous le col de Salang, reliant la capitale Kaboul et le nord du pays. L'artiste sait donner à voir ces endroits d'une manière pragmatique et banal, reflétant leur caractère ordinaire pour ceux qui y habitent, à l'opposé d'une vision touristique tournée vers le spectacle, mais sans minimiser ou gommer leurs singularités, leur personnalité façonnée par les caractéristiques géographiques ou historiques. Lax dessine dans un registre naturaliste, sans chercher un niveau de détail photographique, plutôt en dosant la densité d'informations visuelles en fonction de la séquence : plus de précisions dans les décors pour permettre au lecteur de s'y projeter, ou bien une impression générale pour refléter une ambiance, un état d'esprit, des visages et des tenues vestimentaires détaillées pour pouvoir faire connaissance avec ces personnes et comprendre leurs conditions de vie, ou au contraire juste des silhouettes plus ou moins mangées par l'ombre.

Le lecteur suit donc avec le plus grand naturel, ce jeune homme qui se déplace de hameau en hameau pour enseigner lecture, écriture et calcul d'abord dans les Alpes françaises, puis de manière sédentaire dans un village hopi. Il accompagne ensuite Arizona Florès en Afghanistan, prise en charge par son fixeur Sanjar dès son arrivée à l'aéroport, puis de rencontre en rencontre. L'auteur commence par montrer comment l'instruction remet en cause des traditions peu accommodantes craignant toute forme de questionnement, puis comment ce même savoir est accueilli à bras ouvert dans une autre communauté qui sait le faire coexister avec sa culture et ses croyances. Au vingt-et-unième siècle, l'école provoque les mêmes réactions : un rejet de ce qui remet en cause des valeurs fondamentales d'une communauté, aussi bien aux États-Unis qu'en Afghanistan, une avidité d'apprendre, d'acquérir des outils qui permettent de comprendre. Lax ne fait que mettre en scène des faits historiques (les terrifiantes écoles pour (ré)éduquer les Indiens), la résistance de certains curés qui craignaient la remise en cause de traditions séculaires (à commencer par la place de la femme dans la société). Au vingt-et-unième siècle, c'est du pareil au pire : les ultraconservateurs qui récusent une partie de la science, ou les intégristes religieux qui ne peuvent pas tolérer quelque questionnement que ce soit sur le dogme (en particulier, encore une fois, la place et le rôle de la femme dans la société), c'est-à-dire la réalité de la similarité de certains comportements aussi bien dans les États-Unis de Donald Trump que dans l'Afghanistan des Talibans.

Une école sanctuarisée qui émancipe et qui libère : ce récit met en scène cet enjeu essentiel de chaque société, au travers du parcours d'un instituteur itinérant, puis d'une journaliste, dans quatre sociétés différentes, plus ou moins tolérantes, plus ou moins réfractaires ou enclines à instrumentaliser l'éducation en la biaisant. La narration visuelle atteint un tel niveau de maitrise qu'elle semble secondaire, presque inconséquente, alors qu'elle assure une narration d'une qualité extraordinaire, sans jamais paraître ostentatoire.
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Club N°51 : BD sélectionnée ❤️
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Le scénario est très bien construit avec ses multiples parcours liés, un dessin de très belle qualité et un regard sur le monde touchant.

Gwen
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Magnifique récit sur le combat pour la connaissance et de l'égalité des chances contre l'ignorance et la barbarie, servi par le superbe dessin en couleurs directes de Lax.

David
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Plaidoyer pour une école sanctuarisée.

Encore une superbe oeuvre de Lax sur un sujet toujours d'actualité.

Wild57
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Une histoire bien ficelée, intéressante, prenante...

Le dessin est tout aussi beau.

Morgane N.
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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Coup de coeur estival pour cette bande dessinée qui magnifie l'enseignement et sa diffusion dans toutes les couches de la société, des sociétés, et pour les deux sexes. C'est donc un message humaniste qui est porté par l'auteur de la plus belle manière, en déplaçant la narration d'un continent à l'autre, d'une temporalité à l'autre, d'un combat à l'autre.
Avec un fil rouge, celui de l'importance et des dangers de l'éducation dans son rôle d'émancipation.
Le message est subtil et trouve l'étroit chemin de crête qui évite de diaboliser une société au profit d'une autre, une époque par rapport à une autre.
C'est l'humain qui est mis au centre de ces quatre récits n'en formant qu'un et on oscille constamment entre l'espoir suscité par les héros successifs, vecteurs du bonheur d'apprendre et de partager ses connaissances et l'abattement provoqué par la bêtise humaine incarnée par certains détenteurs du pouvoir politique, symbolique ou tribal.
Tout ceci servi par un graphisme d'une beauté confondante, qui se fond dans les paysages et dans les âmes.
A découvrir absolument.
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critiques presse (2)
BDGest
03 mars 2023
Ce one-shot est d'une rare beauté poétique. Le découpage transporte dans des lieux éloignés, tout en apportant des mises en abîmes utiles au déroulement de l'intrigue. Un grand nombre de planches invitent à la contemplation, apportant une certaine douceur qui prend le contrepied des tensions ressenties.
Lire la critique sur le site : BDGest
BDZoom
23 janvier 2023
Partant de l’histoire d’un instituteur itinérant sous la monarchie de Juillet, lequel enseigne avec obstination et bonheur lecture, écriture et calcul aux enfants des Alpes du Sud — un nomadisme éducatif appelé « l’université des chèvres » —, l’auteur de tant chefs-d’œuvre nous transporte au temps de la conquête de l’Ouest, puis dans les États-Unis de Donald Trump et dans l’Afghanistan des talibans
Lire la critique sur le site : BDZoom
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
26 mars 2018. On roule enfin vers Nafiza. Elle nous a donné rendez-vous dans un village du sud-Badakhchan. Cette province du nord-est se prolonge par un doigt qui se glisse avec insolence entre Tadjikistan et Pakistan pour aller taquiner la Chine. Même entre 1996 et 2001, sous la dictature de l’émirat islamique afghan, les étudiants en religion n’ont quasiment jamais pointé leur barbe dans ces montagnes de l’Hindu Kuch. Mais ici, les Afghans sont aussi durs que le climat, et pour la plupart, la candidature de cette jeune femme les affecte bien davantage que les engelures. Que Nafiza ait trouvé un gars assez courageux pour la protéger me stupéfie. Une incursion depuis la province du Nuristan, porte d’entrée des talibans pakistanais, est possible à tout moment. Une candidature féminine au parlement leur est insupportable. Ce garde du corps de pèserait pas lourd s’il lui fallait repousser une attaque. Si ce petit bout de femme est élue députée, elle battrait le record de précocité de Malalai Joya, appelée à la Chambre en 2005, à l’âge de vingt-sept ans. Resterait à battre son record de longévité. Dès ses débuts, les interventions de Malalai Joya ulcèrent l’assemblée essentiellement masculine et acquise au traditionalisme des seigneurs de guerre. Elle est menacée, traitée de communiste, de putain. On lui coupe son micro et on l’expulse après dix-huit mois de mandat. Sanjar, qui traduit, est aussi impressionné que moi. Nafiza nous explique que, faute d’argent pour imprimer des affiches, elle doit se contenter de faire du porte-à-porte pour sa campagne, escortée par son garde du corps. Elle est parfois injuriée, menacée. Elle a reçu des balles par courrier, des insultes ont été peintes sur sa porte, sur ses murs. Son garde du corps, est le plus jeune de ses frères. Qu’il prenne parti pour elle, leur père ne l’a pas digéré. Pas plus que ses deux autres frères qui ont carrément coupé les points. Ses chances d’être élue, et plus encore de survivre me paraissent bien dérisoires. Mais qu’est-ce qui peut vous faire peur quand vous avez été mariée de force à quatorze ans, et pris la fuite avec votre bébé ? Mais qu’est-ce qui peut vous faire peur quand, six ans plus tard, votre fillette est tuée dans un attentat contre son école ? Une école qui avait le tort d’accepter des filles. Mais Nafiza ne veut pas s’éterniser sur ce sujet douloureux. Elle nous entraîne devant une carte de cette province qu’elle espère représenter. Elle, une femme sans honte et sans honneur, et qui doit disparaître, comme c’est écrit sur le mur de sa maison.
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Armé d’un fusil automatique AR-15, Nikolas Cruz, dix-neuf ans, s’est introduit dans le lycée dont il avait été exclu, et a ouvert le feu sur les lycéens. Le bilan est de dix-sept morts et quinze blessés. Cette tuerie en milieu scolaire est la dix-huitième en six semaines. La deux-cent-quatre-vingt-onzième depuis 2013, selon Shannon Watts qui est à la pointe du combat contre la prolifération des armes à feu. Cachés sous les tables ou dans les placards, les élèves ont filmé l’horreur avec leurs téléphones… On y entend les rafales du fusil d’assaut, les cris, les alarmes du lycée et les sonneries des smartphones que les parents tentent de joindre. Ardant défenseur du second amendement et sur la même longueur d'onde que la National Rifle Association, Donald Trump, qui n’est pas à une contradiction près, a twitté qu’Aucun enfant, enseignant ou quiconque ne devait jamais se sentir en danger dans une école américaine. Le congrès de Floride, dont pas mal de membres doivent leur élection aux dollars de cette même NRA, envisage déjà de voter une loi pour armer les enseignants. Combien faudra-t-il encore de massacres de masse pour que les États-Unis admettent qu’il n’est plus possible de tolérer cette barbarie récurrente ?
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Fortuné Chabert qui a trente-sept ans, est un enfant des Alpes. Un gars de l’Embrunais qui n’a rien perdu de son sens de l’escalade. Les prises, il ne les sent plus. Il vole. Les Hopis qui ont aimé le voir voler jusqu’à eux, l’accueillent avec considération et l’invitent à s’installer dans un de leurs villages. Ces maisons d’adobe et de pierres sèches lui rappellent celles de son pays. Voilà qu’il retrouve enfin son centre du monde. Un centre de monde où il s’installe rapidement. Il ne lui faut pas beaucoup plus d’une année pour assimiler la langue de ses hôtes. S’adapter à leur mode de vie, et devenir un membre du clan de l’Aigle. Dans leurs citadelles perchées à quelques centaines de mètres d’altitude, les Hopis échappent bien d’avantage à l’hostilité des colons que les Indiens des plaines. Quand Fortuné propose d’installer une école sur une des trois mesas, il a entendu parler des pensionnats construits par les colonisateurs à l’intention des jeunes Indiens pour les assimiler… Ce qu’il souhaite, c’est allumer un contre-feu. Construire une école est une décision importante qui doit être débattue par tous les chefs de village. Comme pour toute discussion importante, ils se réunissent dans une kiva, un sanctuaire où l’on entre par le haut, comme la lumière céleste censée éclairer chacun des sages. Une expédition sous bonne escorte est envoyée en limite du territoire des Navajos, ces pilleurs de récolte, ces voleurs de bétail, ceux qui fracassent les crânes. Il s’agit donc d’aller chercher des troncs de séquoia dont la force protectrice est vénérée par les Hopis, pour bâtir le préau de l’école. Dans l’école de Fortuné, qu’il a baptisé l’Université des Chèvres, les enfants apprennent à lire, à écrire, à compter sans pour autant renier les savoirs hérités des ainés.
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À présent, voilà une quinzaine d’années que Fortuné Chabert arpente les Alpes, et il a envie d’autre chose. Au printemps, il quittera ses montagnes. Direction Marseille, pour y prendre un bateau. Mais avant d’atteindre les quais du port, quelques bivouacs l’attendent, dans des cabanes de berger où il s’est souvent abrité. Après Marseille, Le Havre, où il embarque sur un clipper. Puis ce sera San Francisco par le Cap Horn. Trois mois de voyage pour se ruer comme des milliers d’autres sur la Californie. Et y trouver de l’or. Le Cap Horn. Ce tombeau des torcheurs de toile. Fortuné l’a fréquenté dans les livres de Charles Darwin et de Richard Henry Dana. Mais là, c’est pour de bon. Et même par temps calme, c’est saisissant. En 1849, la Californie appartient au Mexique. Aucune entrave législative n’empêche de s’approprier librement son or. Pour peu qu’on soit obstiné et chanceux, rien ne s’oppose à ce que fortune se fasse. L’écueil numéro un, c’est la meute amère des prospecteurs qui se disputent le moindre arpent de rivière aurifère, et vois arriver tout nouveau venu avec hostilité. Accablé par une déveine persistante, Fortuné finit par ne plus top y croire, cherchant où plus personne en cherche. Ou bien cherchant où plus personne n’ose s’aventurer. Cette neige q recouvre la Sierra Nevada, le ramène dans ses Alpes. Des pépites, il en avait plein ses malles de colporteur et puis partout il était accueilli chaleureusement. Quand sa battée ne lui sert qu’à faire griller quelques marrons, il se résout à affronter l’eau glacé. Ou la suspicion de concurrents frustrés.
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Durant dix ans où ils ont combattu l’envahisseur soviétique, de 1979 à 1989, les moudjahidines ont bénéficié, dans les médias occidentaux, d’un récit exaltant leur héroïsme guerrier audacieux, ils ne lâchaient rien. Allant jusqu’à charger les blindés russes à cheval, leur fusil Enfield, modèle 1918, à bout de bras. Ce sont ces mêmes hommes obstinés qui s’évertuent à maintenir une société ultraconservatrice, dont les femmes font éternellement les frais. Mais certaines d’entre elles se sont résolues à combattre ces archaïsmes. Un peu partout, elles font de la résistance, clandestinement, voire ouvertement. Ce sont ces Afghanes qui ont choisi la rébellion plutôt que la soumission que je vais chercher à rencontrer. À commencer par Bousseh, dont le prénom a été changé, qui vit à Kaboul, cette capitale sous haute tension, où s’amassent trois millions et demi d’habitants.
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