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EAN : 9782367951577
272 pages
Chèvre-feuille étoilée (12/05/2023)
4.17/5   9 notes
Résumé :
"Elle est attentive aux mots. Ceux qui tombent des lèvres de ses parents, vrais, forcément vrais, ruissellent sur son front comme un baptême de carnaval. « Complètement siphonnée, bougre d’âne, bougre d’andouille, zigomar, abrutie, fondue, tordue, givrée, maboule, tête de mule, triple buse, face de rat, fouille-merde, tronche d’œuf, tête de lard, gueule d’empeigne, fumier de lapin. » Tout ça pour elle ? Elle les range dans sa collection secrète de mots. Elle est com... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Dans les années 40, la méthode Ogino avait quelques ratés. La mère de la narratrice s'est retrouvée rapidement avec quatre enfants. Enfant non désirée, maltraitée à longueur de journée, délaissée, la narratrice ne croit pas en l'amour.

« l'enfant pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité a besoin d'amour et de compréhension. »
Complètement raté ! Ses parents préfèrent le chien ou le chat à leurs enfants. Seule la grand-mère maternelle s'occupe d'eux, sans grande tendresse. La lecture devient un refuge. Si elle n'accepte pas sa féminité, elle tente de devenir « normale ».
A dix-huit ans, elle décide d'arrêter ses études malgré une excellente note en philosophie au baccalauréat. Elle accepte de se marier avec le premier garçon qui lui a dit « je t'aime ».

« Elle se soupçonne d'être entrée en mariage comme au couvent, comme, quelques années auparavant, elle avait demandé à aller en pension pour fuir les merveilleuses tentations que représentent tous les garçons du monde. Une autre forme d'anorexie, de mise entre parenthèses, de mur érigé entre ses désirs et elle. »
Après un voyage de noces déroutant et sauvage, l'amoureux sentimental se transforme en mari exigeas. Les « je t'aime » deviennent « qu'est-ce qu'on mange ? »
Deux sessions en Côte d'Ivoire, un voyage aux Antilles, la jeune femme découvre l'esclavage, l'excision. Mère de deux enfants, elle s'investit dans l'enseignement et la création d'une troupe de clowns.
Elle a vingt-huit ans quand elle trouve l'amour auprès d'un jeune homme. Mais cet amour-momie n'est qu'un agréable moment, un souvenir qui lui réchauffera le coeur pendant des années.
De retour en France, elle redevient fée du logis, s'oubliant sous la domination du mari. Elle renonce à tout avec le sourire.
Après une psychanalyse, elle consacre ses quelques moments de liberté à l'écriture . Son premier roman, autobiographique, est un succès.

« Dans ce premier livre, elle a creusé à vif dans l'enfance. »
La vie ne l'épargne pas. L'incendie de sa maison lui vole ses mots. Son frère aux yeux bleus sombre dans la drogue et a besoin d'elle. Toujours, elle se retrouve contrainte à être le pilier invisible d'une famille qui grandit.
Incapable de dire non, de briser les liens qui la diminuent, elle vit pour les autres et garde ses envies dans son imaginaire.
Inadaptée à une vie normale, elle pensait venir d'une autre planète. Peut-être celle des mots qui la soutiennent. Mais finalement, elle n'est pas si différente des femmes qui s'oublient dans un foyer exigeant. Mère sacrificielle, épouse soumise aux volontés d'un mari, la narratrice vit simplement ce que Simone de Beauvoir pensait de la dangerosité du mariage. Une perte de liberté consentie.
Il m'a fallu quelques pages pour m'habituer au style et au caractère de la narratrice. Mais au fil des chapitres, elle devient très attachante. Et elle parlera à bon nombre de lectrices ( ou de lecteurs). Des personnes qui plient sous la charge mentale d'un foyer. Sans jamais perdre le sourire. La culpabilité est tapie derrière le renoncement.
Une récente publicité alerte sur ce rôle maternel et familial qui oblige naturellement à toujours prendre soin des autres. Oubliant de prendre soin de soi-même.
Une lecture inattendue et une belle découverte.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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« Martienne ? » le titre est-il un clin d'oeil aux «Chroniques Martiennes » du génial Ray Bradbury, ou au best-seller américain « Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus »... théorie controversée qui pourrait expliquer l'hésitation de l'autrice ne sachant, dans son enfance, à quel sexe ni à quel monde elle appartient ? Qu'importe. Filez, toutes affaires cessantes, découvrir cette créature venue d'ailleurs !

Non, je ne vous résumerai pas son histoire, d'autres excellentes plumes l'ont fait, et celle qui y réussit le mieux, c'est Janine Teisson, dans ce quarante-huitième roman, dont elle explique elle-même qu'il est autobiographique.

Je vous dirai simplement que « Martienne ? » est un éblouissement d'originalité, de sincérité, de talent, de drôlerie. Un éblouissement, cela fait mal, parfois, comme le soleil dans les yeux – et ce récit, souvent très dur, même mis à distance (l'autrice raconte à la troisième personne) tape et brûle. Mais cela réjouit aussi, grâce aux étincelles qui fusent... « La publicité vante les pouvoirs de la Femme. (...) Une mauvaise odeur ? Pschitt ! Pschitt ! Et toute la famille, chien compris, flotte dans des fragrances océaniques. Une grosse tache de chocolat sur la chemise de Monsieur ? Vroum ! Vroum ! Machine à laver dernier modèle (...) Une mouche ? Comment ? Une mouche ? Zac ! Pof ! Plus de mouche ».

Elle n'est pas douée pour cette féérie domestique, à conjuguer obligatoirement avec la taille de guêpe et les talons aiguilles. Mais pour l'imaginaire, la littérature, les histoires, ça oui ! Alors elle écrit, écrit enfin. À Chambéry, elle est invitée à répondre aux questions d'une cinquantaine d'enfants âgés de neuf à onze ans. Les doigts se lèvent :
« Madame, est-ce qu'on peut faire quelque chose de valable dans la vie quand on est dislegzigue ? »

Oui. Et même, Janine Teisson nous le démontre à l'évidence, quand on est martienne !!!
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J'ai reçu ce roman dans le cadre d'une masse critique. La 4e de couverture m'avait vraiment intriguée mais j'avoue que la forme m'a quelque peu déroutée et empêchée d'entrer pleinement dans le récit


Sur une soixantaine d'années, Janine Teisson retrace la vie de son personnage, une enfant de la fin des années 40 non désirée, myope et rêveuse qui toute sa vie se sent en décalage avec les autres et s'imagine venue d'une autre planète. Tel un almanach, année après année elle nous donne les grands points de sa vie et termine chaque chapitre par un paragraphe sur des événements historiques ou littéraires, l'évolution des principes éducatifs également liés à cette année-là. le roman est donc très factuel, écrit à la 3e personne, sans jamais nommer l'héroïne autrement que par "elle". Si je l'ai trouvé très intéressant quant à l'évolution de l'image de la femme et de son rôle dans la société, je n'ai jamais pu m'attacher à ce personnage décalé de part la forme du récit, dommage.
Pourtant sa vie est loin d'être linéaire. Enfance au Maroc, adolescence en France, alors qu'elle montre de grandes aptitudes en littérature et philosophie, l'héroïne décide d'arrêter ses études pour se marier au premier homme qui lui dit "je t'aime" et qui pleure lorsqu'elle tente de mettre fin à leur histoire. Après un voyage de noces pour le moins épique, le couple part vivre en Côte d'Ivoire dans la brousse. Ils auront deux enfants qu'elle fera toujours passer avant tout sans jamais être vraiment certaine de savoir les aimer. Son mari semble souvent absent pour son travail, elle devient enseignante et crée une troupe d'enfants clowns. Retour en France. Quand toutes ses tâches sont accomplies, elle s'autorise à écrire et va devenir autrice jeunesse et recevoir de nombreux prix sans jamais être vraiment reconnue pour son talent par sa famille.

Un personnage à deux facettes. D'un côté, elle remplit les rôles que lui assigne la société. Enfant discrète, adolescente studieuse, épouse et mère dévouée. de l'autre, elle s'interroge. Quel est la place de ses envies, de ses désirs ?


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La toute première page m'a saisie, bouleversée. Lorsque Janine Teisson décrit les sentiments, les émotions de ce petit bébé, alors simple créature minuscule larguée dans ce monde si médiocre et indigne de sa candeur, de son innocence, j'ai compris, j'ai su, que ce livre pourrait parler de n'importe quoi, je saurais l'aimer.

Lorsque l'on possède une empathie, une sensibilité telles qu'elles transpercent les pages d'un livre, on ne peut qu'offrir un bel ouvrage.

On traverse les années de vie de cette petite « Martienne » comme on gravirait la montagne la plus accidentée, la plus abrupte, la plus escarpée, la plus glissante jamais explorée…
Des larmes, des soupirs, des moments suspendus en apnée, des pauses nécessaires de quelques secondes, pour digérer, récupérer, assimiler et accepter. Les faits historiques qui martèlent chaque fin de chapitre sont une flèche supplémentaire qui nous atteint en plein coeur. le parallèle entre le cours du monde et celui de notre héroïne, est parfois glaçant. Comme si le livre nous disait que pendant que la vie la malmène, et bien le monde lui, continue de tourner et détient ses propres catastrophes à gérer.

Notre petite Martienne est une petite fille que je n'oublierai jamais. Une femme que je n'aurais jamais comprise, tant elle s'est attribué le mal des autres. Tous ces autres qui ont tenté de l'atteindre, de la blesser et de la détruire. Comment n'a-t-elle pas pu comprendre qu'elle n'était pas responsable de la folie des hommes ?

J'adore ce livre ! J'ignore comment le dire autrement tellement j'ai envie de prononcer ces mots. J'adore ce livre ! J'aurais voulu l'écrire. Ses pages pleines d'empathie, d'intelligence émotionnelle, de vérités, d'injustices ; ses pages remplies de tout ce que l'on doit endurer en tant que petite fille, en tant qu'adolescente, en tant que jeune-femme, en tant que femme tout court.

Cet ouvrage me donne l'envie irrépressible de rencontrer son auteure Janine Teisson, et de la lire, encore et encore…
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Janine Teisson a remporté pour un précédent roman, La petite cinglée, le prix Antigone et le prix de premier roman de Chambery. Comment résister à un tel argument ? J'ai donc accepté de recevoir ce livre, qui fête les trente ans d'écriture de l'autrice, sans savoir qu'il me prendrait autant, ni qu'il serait au final une lecture coup de coeur !… Janine Teisson choisit de nous faire avancer dans son récit année après année, à la manière d'un journal intime qui dirait « elle » plutôt que « je ». L'histoire commence donc en 1948 au Maroc, lorsqu'une enfant, non désirée, naît. le décor est planté, la petite fille regarde les autres s'agiter autour d'elle comme si elle venait d'une autre planète. L'enfance est violente. Il s'avère qu'elle est myope, déphasée, qu'elle essaye de découvrir le monde qui l'entoure et ne sait pas dire non. Ne sachant trop ce que signifie « être une fille » et encore moins « être une épouse », la voici mariée à 18 ans, et mère à peine un an plus tard. le couple est alors en Afrique, débutant ainsi une vie pleine de rebondissements. Mais la jeune femme a toujours le sentiment de subir les événements, et maintenant les enthousiasmes de son compagnon. Jusqu'où ira-t-elle ainsi ? Nous parcourons avec ce personnage attachant soixante ans d'existence, en voyageant du Maroc à la France, en passant par la Côte d'Ivoire et les Antilles. La jeune martienne est d'abord complètement soumise, puis se révolte, ose, enseigne, fait le clown, s'intéresse à la psychanalyse, à l'écriture. A la fin de chaque page de ce journal épique, des références en italique nous informent de la marche du monde, en parallèle. Et cela donne peu à peu à ce roman, la dimension d'une fresque, touchante, féministe et révoltée. de nombreux passages sont à la fois drôles et dramatiques, comme si il fallait rire plutôt qu'en pleurer. Je pense notamment au récit ubuesque du voyage de noce. Je n'ai pas été tout de suite séduite par les premières pages, le temps de me faire au ton et au principe sans doute, puis j'ai ressenti de l'empathie et ai été complètement emballée par les réflexions qui parcourent le livre, sur la vie, l'écriture, la place de la femme, l'amour. Ne passez pas à côté de ce beau récit féminin, c'est une enthousiasmante surprise !
Lien : https://leslecturesdantigone..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
1956 Elle vit une enfance hébétée et mutique. Une
enfance de myope. Évidemment elle ignore ce que veut dire myope et n’imagine pas que la plupart des gens voient mieux qu’elle. Comment pourrait-elle le savoir ? Sans doute, la bouillie qui occupe son cerveau est-elle le reflet de celle dans laquelle elle évolue. À voir flou, elle entend flou. Pourquoi ne pas en conclure alors, que pour la même raison elle pense flou ? Elle flotte dans un grand aquarium impressionniste, espérant ne jamais heurter d’obstacle. Elle distingue uniquement les petites choses, celles qu’elle tient dans sa main, qu’elle touche du nez. Les insectes. Elle voit plus distinctement les traits d’une sauterelle ou d’un escargot que ceux de sa mère. Il faut dire que celle-ci demeure distante. Les livres, eux, ne se dérobent pas. Quand elle en cap-ture un, le visage presque collé à la page, elle dévore les mots sans jamais connaître la satiété.
En dehors de la lecture, elle explore le seul domaine à sa portée : son corps. La verrue au genou comme un minus-cule cœur de marguerite qu’elle détruit grain à grain. Goût de soufre de la peau l’été, dessins tracés avec une brindille sur ses cuisses brunes, effacés à la salive, doigts appuyés sur les yeux, étoiles derrière les paupières, doigt explorant le nez jusqu’au sang, doigt dans le derrière, l’odeur.
Ils la disent anormale. Elle se colle aux miroirs. Elle n’attrape jamais le ballon qu’on lui lance. Elle se tord les pieds.
À force d’être déçue par l’évaporation des êtres et des choses qui perdent leurs contours et leur existence sans qu’elle puisse les retenir, elle s’est elle-même éloignée. Elle a renoncé à avoir de l’emprise sur quoi que ce soit. Elle ne désire rien qui soit à plus de deux mètres d’elle. Séparée des autres, elle voit le monde comme une goutte d’eau croupie sous le microscope. Beaucoup d’animal-cules indistincts qui s’agitent, traversent subitement son champ de vision puis disparaissent. Pourquoi ? Pour aller où ? Elle n’en sait rien.
Un jour ils lui posent des lunettes sur le nez. Mais l’ha-bitude de la solitude et du flottement est prise. S’extirper de l’indistinct dans lequel elle a fait son nid est malaisé.

Sortie du film « Et Dieu créa la femme ». Brigitte Bardot est promue Sex-symbol. L’enfant n’a jamais entendu le mot sexe. Sa collection de mots n’en est qu’à ses débuts.
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Elle a été une femme contraire très réussie. Une femme double, aussi, vivant deux vies superposées, la vie pour les autres, officielle et rangée, à peu près ancrée dans la réalité et la vie pour elle, secrète, folle, imaginative. Parfois ses deux vies sont en équilibre, et parfois I'une des deux prend l'avantage. Si c'est la vie pour les autres, la contrainte l'entraîne vers le dégoût d'elle-même, la dépression. Si c'est l'autre vie, ce sont des moments de création, de fantaisie, d'audace. Une liberté qui lui donne le vertige, un bonheur qu'elle croit ne pas mériter. Qu'elle abrège, d'une façon ou d'une autre.
Est-ce que tous les humains sont ainsi ? se demande-t-elle.
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Elle a attendu très longtemps avant d’oser penser qu’elle portait une part de l’âme de sa grand-mère.
C’est en écrivant qu’elle aura la conviction d’être son héritière. Lier ses phrases les unes aux autres, trouver les formes, ajuster les mots, les accorder entre eux comme on accorde les couleurs, les tissus selon leur grain, équilibrer contraste et harmonie, classicisme et fantaisie, lisser, ne pas perdre la trame, retirer encore et encore de la matière, se relever la nuit pour ajouter le détail qui donnera de l’allure, corriger jusqu’à penser enfin qu’on ne peut plus améliorer son texte est travail de couturière. Couturière des mots.
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Elle est dans un drôle de conte, victime d'une formule maléfique qui a le pouvoir de transformer une lycéenne douée en philosophie en une ménagère nulle en cuisine. Cette formule n'est pas le célèbre « Abracadabra », mais le plus célèbre encore " Je t'aime ».
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Leur éducation tient en trois consignes : obéis, tais-toi, et, surtout pour les filles, fais plaisir aux autres.
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