Glissons-nous dans la peau d'un grand chef pâtissier et osons sans honte revêtir le langage kitsch et rococo des beaux parleurs maîtres ès sucre vanillé pour déployer un plateau de 40 desserts à l'assiette. le titre complet précise : …simples et chics. Si le chic est indiscutable, en revanche, on pourra contester la pertinence de la présence de l'adjectif « simple » dans le titre : soit ces pâtisseries sont, en effet, véritablement simples à réaliser et alors le lecteur est un manchot qui ne se soupçonne pas, soit
Christophe Felder culmine sur des sommets depuis trop longtemps pour arriver encore à distinguer ce qui fait partie du commun des mortels de ce qui constitue les assurances indéniables de sa carrière.
Chacun des desserts présentés par ce grand pâtissier bénéficie d'une place de choix dans le bel ouvrage qui leur accordé. La pâtisserie se fait art et revendique ses lettres de noblesse au même titre que la littérature, la photographie, la peinture et la sculpture. Laissons-nous aller à la rêverie… Sur une première page le titre s'étale sans aucune pudeur et s'accompagne d'une description dont le style n'a rien à envier aux textes les plus affriolants de romans à l'eau de rose. Ainsi voit-on arriver la « Gourmandise inattendue » qui se définit comme un « entremets funambule qui repose ses ailes sur le soleil pour célébrer les noces inédites entre le légume, l'agrume et le fruit ». le « Mariage d'aujourd'hui », constitué par une association originale de deux ingrédients, n'hésite pas à se présenter comme une « union de deux héros de l'histoire : la framboise et le poivron cuits dans leur jus, qui se fondent en une liqueur veloutée pour une pâtisserie qui sort du lot ». On en tremblerait ! tant le mauvais goût de ces mots pompeux alourdit la description d'une pâtisserie qui se suffit à elle-même, telle qu'elle nous est présentée sur la seconde page. Les photographies sont sublimes et composent à elles seules un tableau qui se déguste par le biais du regard. Ce plaisir des yeux justifie à lui seul la possession de ce livre. Il n'est pas nécessaire de vouloir se lancer dans la réalisation de ces pâtisseries sorties d'un autre monde –la haute-couture du dessert- : les regarder suffit à être repu surtout si l'on pressent que le résultat que l'on chercherait à atteindre ne parviendrait jamais à égaler la perfection que nous présentent ces photographies.
En tournant cette double-page de présentation, on tombe, justement, sur le noeud du problème : la technique.
Christophe Felder a essayé de se glisser dans la peau d'un cuisinier amateur pour décortiquer au mieux la réalisation des différentes étapes. La construction d'un chef-d'oeuvre nécessite de procéder par niveaux intermédiaires, dont les résultantes seront assemblées au dernier moment. Ainsi en est-il de « L'Opaline », assemblage complexe que même les yeux ont du mal à décortiquer. On verra finalement que ce montage se compose de plusieurs sous-élements qui sont un glaçage, une sauce à l'orange une sauce à la fraise, une glace au citron orientale, un sorbet à l'orange et des tailles de fruits pour la décoration. Les illustrations techniques permettent de comprendre les astuces de bricoleur que déploie
Christophe Felder pour donner à ses desserts des volumes et des formes inédits. Malgré tout, dans le meilleur des cas, comptez bien devoir accorder au moins 1h15 à la préparation d'un dessert : quand on aime on ne compte pas, et les minutes et les heures ne seront sans doute jamais assez nombreuses pour vous permettre de réaliser ces 40 desserts à l'assiette. A moins que vous ne soyez
Christophe Felder, et que vous passiez la majorité de votre temps sur les marbres de pâtisserie ; mais, dans ce cas, vous n'auriez pas besoin de ce livre…
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