« Au milieu des ruines et des décombres d'anciennes habitations, parmi les figuiers et les mûriers aux fruits rouges, sur un rivage escarpé du nord-ouest de l'île, en un lieu désert d'où devait surgir la nuit toute une foule de fantômes, de simulacres d'âmes lasses, d'ombres qui reviennent, dit-on, de la prairie d'asphodèles pour faire entendre dans la solitude leurs vaines lamentations sur leur éphémère séjour d'autrefois en ce bas monde, se dressait encore la petite église de Notre-Dame de Précla. » (p. 101)
Cet extrait est le début d'une des nouvelles qui composent le recueil «
Rêverie du quinze août ». Et elle donne le ton ! C'est toute une introduction à l'univers d'Alexandros Papadiamantis, un auteur grec du 19e siècle (quoique certains diront qu'il était à cheval sur le 20e aussi, étant mort en 1911). Il ne raconte pas les aventures cosmopolites des gens des grandes villes comme Athènes ou Constantinople, non. Il s'attarde plutôt au quotidien du petit peuple des îles. C'est un monde difficile, mais sans misérabilisme. Les paysans, bergers, pêcheurs et religieux sont des gens fiers, presque orgeilleux, mais surtout résilient, de la race des survivants. Ce sont ses héros. Après tout, nous sommes au pays des dieux l'Olympe et des héros anciens, même des grands personnages historiques comme Périclès, Léonidas et Alexandre le Grand !
Ces Grecs de Papadiamantis, ils travaillent durement pour une maigre pitance mais ils s'en contentent. de toutes façons, au milieu du 19e siècle, la surocnsommation, connaît pas. Pas besoin de téléphone intelligent, de tablette, de mille et un bidule. Un toit sur la tête et de la nourriture sur la table (ou dans le verger du voisin…). le reste n'est que superflu. Pas besoin d'être riche comme Crésus pour faire l'amour à sa femme, ou bien courtiser les paysanes si l'on n'est pas encore marié, et profiter des petits plaisirs de la vie comme le vin, la musique et la danse. C'est qu'ils peuvent être jouissifs à l'occasion. « On dansait le syrtos et le kalamatianos, on chantait le ‘'Foulard noir'' et le ‘'Moulin de ma tante Condylo''. » (p. 28) C'est presque une ode à la vie.
Mais il ne faut pas croire que ces Grecs trouvent le plaisir à tous les jours. Ils ont des préoccupations ordinaires : se faire ordonner moine dans un monastère, payer ses dettes, chercher le réconfort après les taquineries des camarades de classe, trouver un sens à la vie après la mort d'un enfant, chercher une épouse… Donc, moine, veuve, adolescent téméraire grimpant aux arbres, jeune homme célibataire, vieillard plié par le poids du temps et des regrets. Ce sont eux, les héros de Papadiamantis. le vrai monde.
Dans «
Rêverie du quinze août », on découvre un univers, oui. Cette Grèce d'il y a cent-cinquante ans. Ce paysage montagneux, rocailleux, couvert d'arbres, au milieu desquels se trouvent des hameaux. « Aussi courait-elle de vigne en verger, de verger en olivaie. Elle s'acquittait seule, sans trêve ni repos, de tous les travaux des champs qui s'imposaient selon les heures ou les saisons, comme ont l'habitude de le faire les femmes de chez nous : le sulfatage, l'épamprage, la vendange et surtout la cueillette des olives qui occupe plusieurs mois d'automne. » (p. 81) C'est très différent de Santorini et des autres îles enchanteresses de la mer d'Égée.
Je ne l'ai pas écrit en toutes lettres mais, à travers ma description du recueil, il est clair que j'ai beaucoup apprécié m'immerser dans cet ouvrage d'Alexandros Papadiamantis. Évidemment, avec les nouvelles, il faut en prendre et en laisser. Je n'essaierai pas de vous faire croire que je les ai toutes adorées mais, dans l'ensemble, c'était très positif. Surtout, j'aime l'atmosphère qui s'en dégageait. Il s'agit d'une découverte pour moi et je compte bien lire autres choses de cet auteur-poète.