Grâce à la dernière masse Critique, j'ai pu enfin m'initier à l'oeuvre de
Joris-Karl Huysmans. Un grand merci, je vais enfin me sentir un peu moins bête dans certains diners mondains, où les blinis sont tartinés de références à cet auteur pour épater la galerie depuis que
Michel Houellebecq l'a désigné comme muse officielle. Comble du raffinement, je ne manquerai pas de préciser avec un air pincé faussement détaché que j'ai lu un texte inédit publié par les Cahiers de l'Herne…. Il faudra que je pense à porter une veste en velours, à me laisser pousser la barbe et à déclamer ma science en nettoyant mes lunettes avec une peau de chamois.
J'exagère un peu car j'ai quand même lu «
En Ménage » il y a quelques années mais ma mémoire a dû faire la poussière car je n'en ai plus aucun souvenir.
Il ne manquera plus qu'une ou deux citations de Peguy à mon tableau de chasse pour devenir sortable dans les milieux autorisés.
Revenons à ses rêveries qui n'en sont pas puisqu'il s'agit plutôt d'une tribune virulente contre l'Eglise de France.
Cet écrit intervient donc postérieurement à la conversion d'Huysmans au catholicisme et à sa rupture avec le naturalisme de
Zola (oui, j'ai siroté l'avant propos pour faire l'intéressant).
L'incipit est limpide sur les intentions de l'auteur et le ton impitoyable de l'ouvrage : « Quelle réponse faire à cette insoluble question : pourquoi un catholique pratiquant est-il plus bête qu'un homme qui ne pratique pas ? »
Il ne critique pas la religion mais ce qu'en fait l'église française qu'il compare « à des gens munis d'oeillères comme des chevaux de manège… On fait de pieux mulets des croyants ».
Je dois avouer qu'au-delà du propos, j'ai vraiment apprécié cette écriture au scalpel qui ne tire pas à blanc sur le Saint-Siège, et étant moi-même un grincheux caustique, j'ai plutôt été sensible à ce texte qui soulignait l'incapacité de l'église à vivre avec son temps… il y a déjà plus d'un siècle.
Il reproche aux serviteurs de l'église de se servir, de privilégier le matériel au spirituel, de perdre le peuple dans des rites moutonniers dépourvus de transcendance, d'interdire de trouille l'éveil à l'art. Aux apôtres inspirants auraient succédé de pâles fonctionnaires obsédés par un combat perdu d'avance contre le pêché de chair.
Il illustre son propos de références de l'époque un peu trop pointues pour mes modestes connaissances (réaction à l'excommunication du théologien réformateur
Alfred Loisy au début du 20 ème siècle par exemple), autour de débats théologiques et de positions papales. Casaques blanches qui restent trop dans leur bulle au goût de l'auteur.
A noter que le livre intègre une biographie d'une soixantaine de pages très éclairante de
Joris-Karl Huysmans qui m'a permis de mieux comprendre le parcours de cet auteur singulier qui inspire certains de nos écrivains actuels, et pas uniquement les déprimés de la grisaille périphérique.
Des rêveries acerbes et érudites pour une prose qui manie le goupillon comme un sabre.