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EAN : 9791031902609
120 pages
L'Herne (23/10/2019)
3.81/5   8 notes
Résumé :
Resté inédit du vivant de Huysmans, le manuscrit de ces Rêveries est tout à fait étonnant. Le mot « Rêveries » dans le titre, que Huysmans a préféré au mot « Propos » dans une première rédaction, paraît à la limite de l'antiphrase lorsqu'on lit le texte de cette diatribe contre l'Église de France, ou plus exactement contre le catholicisme à la française.
Les Rêveries d'un croyant grincheux sont l'un des tout derniers textes de Huysmans. L'affaire Loisy, à la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Grâce à la dernière masse Critique, j'ai pu enfin m'initier à l'oeuvre de Joris-Karl Huysmans. Un grand merci, je vais enfin me sentir un peu moins bête dans certains diners mondains, où les blinis sont tartinés de références à cet auteur pour épater la galerie depuis que Michel Houellebecq l'a désigné comme muse officielle. Comble du raffinement, je ne manquerai pas de préciser avec un air pincé faussement détaché que j'ai lu un texte inédit publié par les Cahiers de l'Herne…. Il faudra que je pense à porter une veste en velours, à me laisser pousser la barbe et à déclamer ma science en nettoyant mes lunettes avec une peau de chamois.
J'exagère un peu car j'ai quand même lu « En Ménage » il y a quelques années mais ma mémoire a dû faire la poussière car je n'en ai plus aucun souvenir.
Il ne manquera plus qu'une ou deux citations de Peguy à mon tableau de chasse pour devenir sortable dans les milieux autorisés.
Revenons à ses rêveries qui n'en sont pas puisqu'il s'agit plutôt d'une tribune virulente contre l'Eglise de France.
Cet écrit intervient donc postérieurement à la conversion d'Huysmans au catholicisme et à sa rupture avec le naturalisme de Zola (oui, j'ai siroté l'avant propos pour faire l'intéressant).
L'incipit est limpide sur les intentions de l'auteur et le ton impitoyable de l'ouvrage : « Quelle réponse faire à cette insoluble question : pourquoi un catholique pratiquant est-il plus bête qu'un homme qui ne pratique pas ? »
Il ne critique pas la religion mais ce qu'en fait l'église française qu'il compare « à des gens munis d'oeillères comme des chevaux de manège… On fait de pieux mulets des croyants ».
Je dois avouer qu'au-delà du propos, j'ai vraiment apprécié cette écriture au scalpel qui ne tire pas à blanc sur le Saint-Siège, et étant moi-même un grincheux caustique, j'ai plutôt été sensible à ce texte qui soulignait l'incapacité de l'église à vivre avec son temps… il y a déjà plus d'un siècle.
Il reproche aux serviteurs de l'église de se servir, de privilégier le matériel au spirituel, de perdre le peuple dans des rites moutonniers dépourvus de transcendance, d'interdire de trouille l'éveil à l'art. Aux apôtres inspirants auraient succédé de pâles fonctionnaires obsédés par un combat perdu d'avance contre le pêché de chair.
Il illustre son propos de références de l'époque un peu trop pointues pour mes modestes connaissances (réaction à l'excommunication du théologien réformateur Alfred Loisy au début du 20 ème siècle par exemple), autour de débats théologiques et de positions papales. Casaques blanches qui restent trop dans leur bulle au goût de l'auteur.
A noter que le livre intègre une biographie d'une soixantaine de pages très éclairante de Joris-Karl Huysmans qui m'a permis de mieux comprendre le parcours de cet auteur singulier qui inspire certains de nos écrivains actuels, et pas uniquement les déprimés de la grisaille périphérique.
Des rêveries acerbes et érudites pour une prose qui manie le goupillon comme un sabre.
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Huysmans peut-il être autre qu'acerbe, acide, mordant ? L'aimerais-je autant s'il avait poli ses grandes dents ? le titre de son texte est parfait : Huysmans est un grincheux, aujourd'hui on le dirait râleur. « Quelle réponse faire à cette insoluble question : pourquoi un catholique pratiquant est-il plus bête qu'un homme qui ne pratique pas ? » (p. 15) Mais quand il affûte ses armes et vitupérations, c'est avec argument. Ici, c'est l'institution ecclésiale qui fait l'objet de ses foudres. Il lui reproche son mercantilisme tiède, bien éloigné des merveilles médiévales du plain-chant. Il fustige l'hypocrisie bourgeoise des sacrements et la piété douteuse de ses coreligionnaires. « Quel chambard dans l'Église il faudrait pour la remettre dans sa vraie voie : » (p. 29)

« Quand l'on connait ce monde-là, l'on peut bien dire que le purgatoire d'un converti, c'est de vivre parmi les catholiques. » (p. 28) Huysmans est un croyant tardif, mais enthousiaste qui pense selon mon coeur. Il sait que la religion se nécrose, ou pire ! se fige, si elle ne s'adapte pas, et il appelle de ses voeux une pratique conforme à son temps. « Il ne s'agit pas d'altérer l'immuabilité de ces dogmes, mais de s'adapter aux conditions de la vie moderne. » (p. 39) Ce n'est qu'ainsi, selon lui, que l'Église retrouvera une réelle proximité avec le peuple. « Il ne faut pas oublier ce point de vue général, si l'on veut bien se rendre compte de l'énorme labeur que M. Huysmans a entrepris, dans le but de magnifier celle qu'il appelle dans ses livres, sa Mère l'Église. » (p. 118

Le texte de Huysmans est suivi d'un entretien avec lui où il se montre tranchant et cynique envers le monde littéraire et le sentiment patriotique de ses concitoyens. Vient enfin une biographie très exhaustive de l'auteur, entrecoupée d'extraits de ses oeuvres et de critiques de ces dernières. L'on voit qu'il était autant adulé qu'honni par ses contemporains, ne laissant personne indifférent. Si l'oeuvre de Joris-Karl Huysmans vous intéresse, ce très court ouvrage vous en donnera un bel aperçu et s'avère parfait pour commencer à lire le bonhomme. « Si je suis fermement catholique, je suis non moins résolument anticlérical et ne désire pas que des gens dont je partage des idées religieuses soient au pouvoir. » (p. 47)

Petit bonus non négligeable, je ne me lasse pas de la beauté délicate et raffinée des éditions de L'Herne. le texte est imprimé dans une profonde encre bleue qui est du meilleur effet sur le papier blanc crème. Lire un beau texte dans un bel objet, ça décuple le plaisir !
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Ce court texte de JKH résume de façon concise son point de vue sur le catholicisme, entre révérence pour les oeuvres monumentales dont il a permis le déploiement et fidélité à ses principes moraux et spirituels, et dégoût pour les miasmes qu'il a entretenus pendant des siècles jusqu'à la pleine éclosion de la décadence moderne, acoquinage avec le pouvoir temporel, compromission des principes, absurdités théologiques.


Les appendices, plus longs que le texte, permettent de retracer le parcours de JKH, son goût esthétique semblant s'être développé dans le plus grand bonheur par la contemplation des harmonies à l'oeuvre dans la liturgie et dans l'art catholique. Les réactions de ses contemporains à cet égard sont loin d'être indifférentes.


Ce court texte pourra sembler anecdotique mais, dans le prolongement de la lecture du livre de Philippe Muray (Le 19e siècle à travers les âges), il servira de pièce à conviction pour soutenir les hypothèses de ce dernier.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
; mais n'y a-t-il pas non plus outrecuidance et présomption, presque insolence à ne considérer le corps du Christ que comme un cachet de quinine spirituel.
Il est bien rare, hélas ! que les résultats de ce gavage panifuge soient heureux. Les gens qui communient tous les jours valent-ils mieux que les autres ? Il est permis d'en douter. Ils finissent par en faire une habitude, par avaler l'hostie, comme ils avalent, le matin, leur café. Ils épuisent forcément, par l'accoutumance, la valeur du remède et ses effets.
(p.43-44)
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Tout ce que je puis vous dire, c’est ceci : je hais par-dessus tout les gens exubérants. Or tous les Méridionaux gueulent, ont un accent qui m’horripile, et par-dessus le marché, ils font des gestes. Non, entre ces gens qui ont de l’astrakan bouclé sur le crâne et des palissades d’ébène le long des joues et de grands flegmatiques et silencieux Allemands, mon choix n’est pas douteux. Je me sentirai toujours plus d’affinités pour un homme de Leipzig que pour un homme de Marseille. Tout, du reste, tout, excepté le Midi de la France, car je ne connais pas de race qui me soit plus particulièrement odieuse !
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C’est à elles [les dévotes], en effet, qu’il faut faire remonter la moisissure qui envahit les églises et les chapelles du pays. Elles sont en effet arrivées à diriger les prêtres et non à être dirigées par eux. Et cela se conçoit : elles seules donnent de l’argent, remplissent les églises et occupent les prêtres. Les hommes assidus aux offices sont rares et par le phénomène que j’expliquais au commencement, ils sont d’une mentalité spéciale, ce sont de vieux enfants de chœur. Ils ont le même état de cervelle, les mêmes goûts que les femmes.
Ils ont poussé de toutes leurs forces aux dévotionnettes, aux saint Antoine de Padoue, aux Expedit, aux prières vocales communes des chapelets. Voyez-les le dimanche à la messe. Il n’en est pas trois qui sachent quelle est la messe du jour, qui la suivent. Ils lisent des prières en français, pendant que le prêtre officie, tout comme les femmes. C’est une chose incroyable que le clergé n’ait pas réagi contre ces pratiques et n’ait pas enseigné à ces gens les premiers éléments de la liturgie. Mais non, il s’est laissé, lui-même, influencer par cette clientèle, il a abondé dans son sens ; de là, ces prônes vraiment creux et puérils, nigauderies, ces ponts-neufs, dans un style assisté, ces sermons fades, aux périodes prévues, ces appels perpétuels au Sacré-Cœur ; cette rage de chanter au lieu des hymnes de l’Eglise, de bas cantiques.
Ils se sont efféminés, dévirilisés avec leur clientèle qui a déteint sur eux. A force de ne fréquenter que ces gens-là, les prêtres qui étaient peut-être intelligents à leurs débuts, sont devenus nigauds. Ils ont fait du catholicisme on ne sait quoi, ils ont dénaturé la religion, en la sucrant. Ce n’est plus un sentiment d’âme, une substance nutritive et cordiale, c’est de la confiture de cerise.
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Loin du tumulte, M. Huysmans se recueille aux pieds de la Vierge des Chartres et c’est une douceur de le suivre. Artiste et croyant, il aime dans la religion catholique la beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, beauté intérieure de l’âme qui gravit dans la paix les degrés de l’amour divin, beauté matérielle des symboles qui revêtent la vérité des formes admirables de la liturgie, car le catholicisme prend l’être tout entier, esprit, cœur, imagination, sens, à l’encontre des philosophes qui ne s’adressent qu’à l’intelligence raisonnante et croient résoudre par le syllogisme l’infini problème de la vie humaine.

[Paule Vigneron, Le Peuple français]
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Léon XIII qui fut une grande intelligence, dans toute la force du terme, mais un terrible Italien ne croyant qu’aux combinaisons plus ou moins souterraines, exclusivement préoccupé de stratégies diplomatiques, casse le dernier ressort de la France conservatrice, en obligeant les catholiques à se rallier. Peu inspiré par l’Esprit saint, il ne se rend pas compte que sous le nom de République, c’est le vieil ennemi de l’Eglise, l’irréductible secte satanique qui l’assaille. Il fait, lui, le Vicaire de Dieu, pacte avec le Démon. Les résultats, nous les connaissons.
Il meurt. Pie X lui succède. Et c’est juste le contraire qui se produit. Ce sont les gaffes en sens inverse qui pleuvent.
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