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EAN : 9782931054079
Midis de la poésie (04/06/2022)
4/5   1 notes
Résumé :
Entre 2017 et 2019, Isabelle Wéry est partie écrire en Chine. Elle nous envoie aujourd’hui un selfie qui excède la taille d’un smartphone. Voyage en Chine, trip dans l’univers stratifié de la sensorialité, superposition de dispositifs, de temps et de lieux – l’autrice livre dans ce récit une exploration protéiforme, à l’image du trouble qu’infuse la Chine jusqu’au cœur de l’écriture.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Isabelle, petite fille, rêvait de Chine … comme moi.
Isabelle, petite fille, rêvait de théâtre … comme moi.
Isabelle, petite fille, rêvait de devenir auteure … comme moi.

Bon, à l'heure des bilans, force est de constater qu'Isabelle a été plus douée, plus chanceuse, plus déterminée, plus téméraire, plus pugnace que moi. Ainsi va la vie !

Alors Isabelle nous invite à suivre ses aventures en Chine, à travers ses portraits. La Chine, ce pays où le selfie est un sport national, on trouve même des parcs d'attraction où des pièces sont aménagées spécialement pour se faire des selfies, dans des décors de rêve ou fantastiques … Pas vraiment étonnant dans ce pays à la pointe de la modernité (dans les grandes villes), et où chaque enfant est, non pas un enfant-roi, mais un enfant-empereur. Carrément.

Je vous rassure : dans ce récit il est surtout question de la Chine, des sensations et émotions qu'elle provoque. Bien sûr c'est avant tout un témoignage, et donc ça reste assez subjectif, mais au final il est très peu question de la petite vie d'Isabelle. Tant mieux pour les amoureux et les curieux de la Chine.

Wéry dresse donc un portrait tout en odeurs (dont celle des fruits de gingko écrasés au sol. Ceux qui connaissent savent de quoi je parle, les autres, allez donc le découvrir dans ce récit !), en musiques, en couleurs, en goût (ah sa description de la cuisine chinoise, notamment des légumes) et en touchers (les fabuleux massages de Madame Ma) de cette Chine qui continue à me faire fantasmer (des restes de Marguerite Duras, je pense, et de certains films vus et revus et re-revus à l'adolescence ….pendant qu'Isabelle, elle, étudiait ses textes, planchait sur ses poèmes). C'est un portrait sans concession (je pense) où on rencontre une Chine moderne, le pays de nouveaux-riches qui s'habillent avec mauvais goût, de jeunes technocrates formatés et égocentrés. Un pays pollué, bruyant, homophobe et encore sous la coupe des mafias. Mais surtout un pays où la censure étouffe tout débat et brime la créativité des artistes. Bref un pays tout en contradiction.

Le style de Wéry est comme à son habitude, inventif et truffé de néologismes et de belgicismes, un style truculent, jovial et surtout oral …

Alors : l'écriture, un art de l'image mais aussi un art de la musique. Et vous en faites une très belle démonstration, une fois de plus, Madame Wéry.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Oui, si tu veux « sentir » une Chine dans ce qu’elle a de très intime et de très truculent, alors, tu dois aller dans les parcs publics. Imagine, c’est l’épicentre d’un rassemblement d’être et d’activités extraordinaires. En tant que non-Chinois.e, tu pénètres dans un espace résolument magique où un essaim de stimuli viennent piquer tous tes sens. Tu es dans un ailleurs hallucinant, environné.e de musiques nées d’instruments que tu vois pour la première fois de ta vie, tu entends des sonorités qui n’appartiennent qu’à la Chine et qui t’envoûtent, te font chavirer d’amour pour n’importe quel objet qui passe sous tes yeux : fleurs, théière, bonbon, tu deviens un être d’amour total, tu es arraché.e à toi-même et remplacé.e par un corps de guimauve rose à paillette, les parcs en Chine, c’est magnifique, que je crève dans un parc chinois, tiens !
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Je contemple la diversité des plats et devine qu’il n’y aura ni entrées, ni plats principaux, ni desserts servis successivement mais que tout est déjà sur la table, dans un joyeux brouhaha sucré-salé. Il y a là des tas de textures et des couleurs oscillant du vert tendre au rouge écarlate. Je regarde Jack empoigner d’une main ses baguettes et, de l’autre main, son petit bol. Il se penche vers lui comme s’il allait s’y jeter tout entier. Ses bâtonnets de bois, il les manipule avec dextérité. J’en suis médusée. Il parvient à capturer de minuscules bouts de nourriture avec une précision de calligraphe et à les porter à sa bouche avec une grâce sans nom. Fascinée, je dois me rendre à l’évidence… sa manière de manger, son « art », devrais-je dire, est incroyablement …sexy. Oui, sexy, c’est le mot ! Wouuuuh, je le lance, ce mot ! Parce que, tu vois, Jack est tellement « dans » les gestes qu’il accomplit, faisant littéralement corps avec la nourriture, c’est ça « faisant corps avec la nourriture », comme si plus rien d‘autre n’importait à ses yeux, même pas Isabelle qui est en face de lui, ni le fait qu’il ne soit pas encore marié, ni le ciel, ni l’univers, et c’est comme si il accomplissait là une tâche cruciale, une tâche séculaire, qu’il réitère depuis sa naissance et que ses ancêtres les plus éloignés réitéraient de même : nourrir la vie en lui.
J’ai envie de pleurer devant ce tableau chinois au titre : « Mon ami Jack dans la nourriture ».
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Voilà une des raisons pour lesquelles j’adore écrire en Chine : parce que mes sensations y sont décuplées. La Chine se sent, se touche, se goûte, s’entend, se regarde avec amplitude, se dévore avec une bouche colosse comme un hangar industriel. Je mesure cent mètres quand je suis en Chine. Chaque millimètre de ma peau enfle. Mes narines s’élargissent. Mes yeux yeux yeux s’écarquillent à m’en déchirer les paupières. Un voyage en Chine, c’est aussi riche que de lire mille livres d’une traite. C’est accumuler un pactole d’images qui viennent hanter les nuits du reste de ta vie. C’est l’orgie des sensuels. Tu as cinquante oreilles, dix-huit nez, tu as septante-huit sexes, tu as des milliards de bouches à fleur d’épiderme…
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Je ne cesse de le répéter, de l’écrire, de le chanter, de le hurler, de le rêver…: la langue humaine a dix-huit muscles. Quoi de plus fascinant que l’image de ces dix-huit fuseaux de chair animant ce petit lopin flexible qu’est la langue. La langue…
Rouleuse de pelles
Claqueuse de consonnes et voyelles
Belle alanguie qui rotation
Organe mixeur
Langue en gelée, au chat, de canard
Petite île sans os
Touilleuse de victuailles
Fouineuse de bouche
Lécheuse insatiable
Dodue limace aux milliers de capteurs
Serpent acrobate.
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Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler. (Ren Hang - photographe)
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