C'est l'histoire d'une poursuite. Dont les raisons ou la conclusion importent peu. Restent ses acteurs, son long et répétitif déroulement, l'hostile immensité au coeur de laquelle elle prend pied.
Pour avoir abattu trois soldats confédérés ivres qui lui cherchaient des noises, Jean
Sistac a vu sa tête mise à prix, un prix plutôt flatteur de 5000 $. Depuis il est en fuite, avec son indispensable et fidèle compagnon Bernard, cheval qu'il a ainsi prénommé en souvenir d'un ami d'enfance, de l'époque où il vivait encore dans le quartier des Minimes, à Toulouse. Une époque reléguée à des années-lumière : cédant aux rêves de Nouveau Monde de la mère, sa famille a quitté sa France natale pour périr quelques mois plus tard sous une avalanche à quelques miles de l'Eldorado tant convoité. Seul
Sistac, alors âgé de treize ans, a survécu.
Et le voilà, une décennie plus tard, pourchassé par une unité de cavalerie et surtout par Goodfellow, chasseur de primes faisant lui-même l'objet d'un avis de recherche mais réputé pour être tellement vicieux et dangereux que personne ne se risquerait à tenter sa capture.
Sistac le surnomme Goodbrother, parce qu'à force de se suivre de longs mois durant, de vivre la similaire expérience d'une fuite perpétuelle, il s'est installé entre les deux hommes une sorte de complicité distante, liée à une connaissance intuitive mais profonde de
l'autre, chasseur et chassé inversant parfois les rôles, brouillant ainsi jusqu'à leur propre perception d'eux-mêmes, comme s'ils ne devaient plus le sens de leur existence qu'à
l'autre...
Leur progression, non linéaire, délimitée aux régions désertiques jouxtant la frontière mexicaine de l'extrême ouest des Etats-Unis, en acquiert une dimension erratique et infinie. Les repères temporels ont eux-mêmes tendance à se dissoudre dans les caprices d'un climat qui ne semble jamais clément, tantôt les écrasant de sa chaleur torride, tantôt leur faisant subir tempêtes de neige ou pluies diluviennes... le quotidien est rythmé par les pragmatiques impératifs de survie, que seule la possession d'une arme, d'un cheval, et la connaissance des ressources naturelles, rendent possible : trouver de la nourriture, un abri pour la nuit, se débarrasser des sangsues, éloigner les meutes de loups ou de chiens sauvages... D'improbables et brèves rencontres avec quelque vagabond égaient parfois cette austère routine.
Pour rendre la perpétuelle âpreté de cette poursuite, pour évoquer l'écrasante prédominance de la lumière, du ciel, de la poussière,
Charlie Galibert a choisi une approche minimaliste. Constitué de courts paragraphes et de constants retours à la ligne, évoquant une chanson de geste ou un long poème sans rimes, "
Sistac" ne manque pas d'un certain lyrisme, malgré la rusticité de son propos. Il est aussi riche d'un humour souvent noir, soulignant l'omniprésence d'une violence dont l'iniquité et la banalité réduisent à néant la valeur d'une vie humaine.
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