« Depuis ses vingt ans, elle était allée deux ou trois fois par semaine prendre le thé à l'extérieur et, autant de fois, avait reçu dans son grand salon toute la bonne société. Pendant cinquante ans, elle s'était levée à sept heures, avait déjeuné à huit, dîné à deux, pris le thé à cinq et s'était couchée à dix heures. Elle était fermement convaincue que se lever à huit, déjeuner à neuf, dîner à trois, prendre le thé à six et se coucher à onze heures aurait été insulter la Providence (selon ses propres mots) et aurait signé son arrêt de mort. »
Ainsi allait la société du village de Slowbridge jusqu'au jour où des moulins et leur cortège d'ouvriers sans foi ni loi s'y installent.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà que Belinda Basset reçoit sa nièce, Octavia Basset, la fille de son frère émigré aux USA…un pays « aux lois laxistes et aux sentiments révolutionnaires ».
Lady Théobald, la douairière du village, celle qui donne le ton, «… était souvent à cran ces derniers temps, n'ayant jamais complètement épuisé sa colère envers le charmant M. John Burmistone qui avait eu l'outrecuidance de construire des moulins. M. Burmistone avait amené une innovation, miss Octavia Basset en amenait une autre. Elle avait été impuissante à contrôler M. Burmistone et n'était pas du tout sûre de réussir à contrôler miss Octavia Basset. »
Des moulins, une jeune fille venue des USA, sa petite fille qui engage une conversation avec M Burminstone dans la rue et arrive en retard au dîner, c'en est décidément trop pour Lady Theobald !
Un roman à l'ambiance pickwickienne où le combat entre les anciens et les modernes fait rage. L'écriture de
Frances H Burnett sert à merveille le récit, mêlant l'ironie, la dérision et un respect amusé pour ceux qui représentent l'ordre ancien. Les deux mondes se parlent sans réellement s'écouter ni s'entendre.
La traduction restitue cette atmosphère particulière sans la trahir.
Morceaux choisis :
« Pendant un certain temps après sa mise en service, Slowbridge n'avait pas cru à la réalité du câble traversant l'Atlantique et, jusqu'à ce jour, n'avait pas cru que des gens pussent recevoir des messages grâce à lui. En fait, en se voyant adresser un tel pli, miss Belinda s'apprêtait à tomber dans les pommes, bien certaine qu'un naufrage avait eu lieu, que son frère était décédé et que les notaires avaient choisi cette solution délicate pour l'en informer. »
« Elle se tut et secoua la tête d'un air découragé. Ses principes d'économie et de vie simple se trouvaient souvent bousculés ces temps-ci. Elle avait commencé à regarder sa nièce avec une certaine admiration. Octavia, pour sa part, n'avait pas l'impression de faire quoi que ce soit d'extraordinaire et trouvait même sa vie un peu ennuyeuse. »
« – Sa conduite est telle, fit miss
Pilcher en frissonnant, que j'ai ordonné qu'on tienne les rideaux fermés, du côté du séminaire qui à vue sur le jardin de miss Basset. J'ai des jeunes filles sous ma responsabilité, dont le caractère est en pleine formation, et les parents me font confiance. »
Le summum du récit est le thé organisé par Lady Theobald pour « recevoir » la jeune américaine à Slowbridge. Rien ne se passe comme prévu Octavia, sous le charme du jeune Francis Barold que Lady Theobald veut marier à sa êtite fille Lucia, dépasse les bornes que la bienséance impose en général sur le territoire de Slowbridge « – Vous devez vous rappeler, dit lady Théobald, qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites en Amérique, qui ne seraient pas prudentes en Angleterre. »
La suite est à découvrir. L'amour et la vérité triompheront-ils ? Octavia s'imposera-t-elle ? La jeune Lucia sortira-t-elle des griffes de sa grand-mère ?
Merci aux éditions Bookellis et à notre amie babéliaute Florellia de nous permettre de lire ce roman jusqu'alors inconnu en France.
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