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EAN : 9782362792434
264 pages
Alma Editeur (01/02/2018)
3.78/5   34 notes
Résumé :
« Dans les contes de mon pays, il y a souvent trois fées qui se penchent sur le berceau du bébé pour lui souhaiter une vie de telle ou telle couleur, sous de bons auspices ou au contraire pleine d’embûches. À quoi cela tient-il ? À leur bonne humeur ? » Il était une fois, en 1988, une jeune fille envoyée en colonie de vacances en France par le parti communiste tchécoslovaque. Au dernier moment, sur le quai de la gare de l’Est, Ana refuse de rentrer. Elle vient d’avo... >Voir plus
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Une verrière sous le ciel, est-ce la verrière de la gare de l'Est , est-ce la verrière de l'atelier d'Albert, est-ce tout simplement là où Ana se devait d'être, elle qui a refusé de rentrer à Prague, qui sur le quai a dit Non et non je ne monterai pas dans le train qui devait la ramener à Prague derrière le rideau de fer..Dire Non quelle prouesse , dire Non le jour de ses 18 ans il fallait oser et Ana l'a fait.
Guidée par l'écriture lumineuse de Lenka Hornakova-Civade j'ai suivi Ana avec elle je me suis retrouvée, après avoir beaucoup marché, à arpenter les allées du Père-Lachaise, j'y ai rencontré Grofka, moitié fée-moitié sorcière mais qu'importe je l'ai suivie et ma route s'est trouvée tracée. Bernard, Jacob et Yacoub, le Russe, Albert et Etienne ..
Une rencontre de pur hasard qui me laisse ravie. Une écriture de toute beauté sert un texte où les mots claquent et font mouche. Une auteure à découvrir si ce n'est déjà fait.


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L'auteure, née en 1971, est tchèque. Elle est peintre et vit aujourd'hui dans le Vaucluse. Ce n'est qu'à l'âge adulte qu'elle a appris le français, et pourtant, je l'ai entendu parler sans le moindre accent, si ce n'est une très légère pointe d'accent... du Midi.
Selon l'expression consacrée, Ana, l'héroïne du roman, a «voté avec les pieds», en quittant la Tchécoslovaquie (tout comme l'auteure, mais ce n'est pas un roman autobiographique). Ana arrive en France en 1988, vingt ans après la répression du «printemps de Prague» d'Alexandre Dubcek, vaine tentative de «communisme à visage humain». Elle n'a pas connu les chars soviétiques de 1968 car elle n'était pas née, mais le carnage est resté dans les mémoires familiales. À la p. 162 elle confie «J'ai appris qu'ici, ‘les Boches', ça sonne comme ‘les Russes' chez nous».
Ana arrive à Paris, dans une colonie de vacances organisée par les partis communistes français et tchécoslovaque, mais le dernier jour, sur le quai de la Gare de l'Est, elle refuse de rentrer.
«Tu n'entends pas? Monte... Non... Aujourd'hui, 21 août 1988, c'est mon anniversaire. J'ai dix-huit ans. Je suis adulte. Je décide». le train finit par partir en retard, avec ses valises, mais elle a récupéré son passeport confisqué à l'arrivée en France «pour notre sécurité, nous a-t-on expliqué. Pour la leur, en fait. Pour qu'on ne s'échappe pas».
Son père, membre du parti communiste, travaillait à la censure, et pourtant... On apprend (seulement à la p. 246) que ce bon communiste lui a glissé à l'oreille: «Ne reviens pas... si tu peux».
Ana parle des séances de films soviétiques obligatoires qu'elle évitait en se faisant malade, et de la fête du 1er mai qui est différente en France. Là-bas, le 1er mai, c'est «les cortèges obligatoires» et «se trimbaler en rue avec des drapeaux rouges» (pp. 131 et 188). En France, c'est le muguet. Elle n'arrivera pas à fêter le 1er mai à Paris. Peut-être l'an prochain.
Ana se retrouve donc sur le quai de la gare de l'Est, sans argent ni valises, parlant juste un peu français. «En guise de cadeau d'anniversaire, je m'offre un tour de Paris à pied, je me laisse engloutir par les rues». L'aventure commence. le roman est une sorte de conte d'initiation à la liberté, à la tolérance, à l'espérance, à l'amitié, à l'émancipation pour un nouveau départ, une nouvelle vie où tout est possible, et la rencontre de plein de gens qui vont l'aider à se reconstruire.
Le hasard la conduit au Père Lachaise où elle est abordée par la mystérieuse Grofka dont on apprendra seulement aux pp. 131 et surtout 232, qu'elle aussi est tchèque, qu'elle a fui de même quinze ans plus tôt, et qu'elle a suivi Ana depuis la Gare de l'Est sans rien dire avant de l'aborder, flairant qu'elle reproduit son propre parcours. À quinze ans de distance, elles auront aussi le même amant. On le saura à la fin.
Grofka conduit Ana au café tenu par Bernard, où elle trouve refuge dans une petite pièce et où elle fait la connaissance de la faune des habitués. Paradoxe, Bernard est communiste. «Dois-je penser que je suis prédestinée à fréquenter les communistes toute ma vie ? (p. 170). Grofka lui a trouvé un logement et lui offre des vêtements. Chaque rencontre lui apportera quelque chose. Il y a d'abord deux sympathiques grands-pères, les premiers clients chaque jour à l'ouverture du café, Jacob et Yacoub, un juif et un arabe, tous deux d'Algérie, qui viennent y prendre leur café chaque matin en discutant de la lumière de la Méditerranée et des couleurs du désert. Il y a aussi Maria Ferreira qui se fait appeler Marie-Pierre, une Portugaise qui a fui une autre dictature. Il y a ensuite Eugène, l'esthète, et surtout son ami Albert, peintre (comme la romancière) dont Ana devient la muse et le modèle nu, dans son atelier, sous la verrière, ce qui nous vaut plusieurs passages d'une grande sensualité, par exemple (impossible de tout citer):
«Le soutien-gorge, vieux et élimé, tombe par terre, je ne le remettrai plus, deux seins, beaux, ronds, fermes... j'admire comment se marie cette courbe du dos avec la naissance des fesses... il suffit de donner un petit coup au pantalon pour qu'il tombe à mes pieds, la culotte le suit ; le triangle des poils noirs, denses... tout cela est harmonieux pour l'oeil... les mains pour voir... » (p. 159), mais Albert ne s'intéresse à elle que comme modèle alors qu'elle se voudrait femme.
Entre son travail sous la verrière et son retour au café, elle arpente les rues de Paris, ce qui nous vaut de nombreux passages comme celui-ci: «Depuis un moment, mes trajets entre le café, mon port d'attache, et l'atelier, se rallongent. Je m'enfonce avec plaisir dans les nuits teintées par l'orange des réverbères... je prends possession de cette ville» (p. 161). «Avril appâte le monde avec la promesse de jours plus longs et de plus en plus chauds».
La verrière, c'est un lieu mi-clos car transparent, frontière lumineuse entre le dedans et le dehors, entre elle et le ciel. Après le premier roman de l'auteure, «Giboulées de soleil» (Prix Renaudot des lycéens 2016), le titre de celui-ci, «Une verrière sous le ciel» regarde aussi vers le haut, l'avenir, le ciel, à travers les nuages, mais d'une manière plus sereine et apaisée.
Fort diverses, toutes ses rencontres auront leur importance pour la nouvelle vie de la jeune femme. Elle apprendra de chacun. Longtemps, elle se tait, ne se montre pas. Derrière la porte de sa petite chambre, elle écoute les conversations du café, observe, et peu à peu s'ouvre, se forge, comparant son pays d'origine à sa nouvelle patrie où elle vit. Exil et découvertes, les souvenirs et les cultures se combinent dans un hymne à la liberté, un rejet des dictatures, plein de poésie et de tendresse.
«Je voudrais confier aux nuages voguant dans le ciel de France un message qu'ils transporteraient jusqu'à Prague, je voudrais que ce soient les nuages qui fassent le pont» (p. 141).
Ce n'est qu'à la p. 195 (un an après son arrivée), qu'Ana va habiter chez Albert, «dans son grand lit». La pudeur n'en dira pas plus, sauf que peu après, elle est enceinte d'Albert, qui meurt non pas près d'elle mais dans les bras de son ancienne amante, Grofka. L'ancien amour était le plus fort. Édouard propose généreusement de l'épouser, mais elle décline la proposition. Elle est dénoncée à la police, par Grofka «fée ou sorcière»?
Le communisme est tombé. Elle ne peut plus demander l'asile politique en France. Elle n'a pas oublié son pays d'origine. le rideau tombe à l'avant-dernière page: «La Gare de l'Est. le point de départ. Je suis déjà dans le train». Nouveau départ !
Ce livre est l'un des quatre finalistes du prix littéraire du Club Richelieu International Europe qui sera décerné au début 2019.
Une réflexion encore. L'enfer qu'a connu Ana jusqu'à 18 ans s'est écroulé mais il ne faut rien oublier. Si vous passez par Prague, ne manquez pas, en haut de la place Wenceslas, haut lieu à l'époque de la résistance du peuple, la toute petite stèle, toujours fleurie, à la mémoire de Jan Palach, l'étudiant martyr et symbole de la liberté qui s'est immolé par le feu à cet endroit pour protester contre l'oppression, et mobiliser les consciences. Ce fut l'icône de la résistance. Quand je suis allé à Prague avec ma fille, c'est la première chose que j'ai voulu lui montrer.
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"La verrière, le lieu d'ailleurs, le plafond en verre pas très propre, en attente d'une grande douche ; en levant le regard, aucune idée d'où nous nous trouvons, dans quelle gare, dans quel pays ; et entre le ciel et nous, un filtre, un sfumato pour arranger les contours du monde."

Après la force et le souffle de son premier roman, Giboulées de soleil, j'attendais avec une certaine curiosité le nouveau livre de Lenka Hornakova-Civade... ce fameux passage réputé si difficile au second roman lorsque le premier a ému, enthousiasmé et même reçu les lauriers du Renaudot des Lycéens. Ce qui surprend c'est un abord presque assagi, une écriture plus assise, plus confiante aussi. Là où primait la passion des Giboulées de soleil, on trouve à présent un regard presque apaisé, toujours aux aguets mais tourné vers l'essentiel, le regard d'un artiste. Une verrière sous le ciel ... comme pour se protéger des Giboulées de soleil sans se priver de la lumière ni de la chaleur.

Ana a tout juste 18 ans lorsqu'elle refuse de monter dans le train qui, depuis la Gare de l'Est doit la ramener en Tchécoslovaquie avec le groupe organisateur de cette colonie de vacances patronnée par le "parti frère". Nous sommes en 1988 et personne ne devine encore que bientôt sonnera la fin du bloc de l'est. Livrée à elle-même, sans argent et sans réel vocabulaire français, Ana va rencontrer la mystérieuse Grofka au Père Lachaise où ses pas l'on conduit puis trouver refuge dans un café, auprès de Bernard, le patron et surtout des clients, fidèles ou de passage. Parmi eux, Jacob et Yakoub, le vieux juif et le vieil arabe qui parlent tous les jours du soleil de la méditerranée mais également Eugène et Albert. Ce dernier, artiste peintre fait d'Ana son modèle sous la verrière qui lui sert d'atelier.

Dans l'esprit d'Ana, à travers son regard se mêlent les cultures, les souvenirs et les aspirations. La réalité vient corriger certains rêves mais également en susciter d'autres. de Prague à Paris, les images s'assemblent, se métamorphosent et la jeune fille avance en tentant de réconcilier les mondes et de s'adapter à celui qui s'ouvre à elle. Elle regarde, observe, écoute et façonne le début d'une autre vie.

"Est ce que chaque personne trouve son propre poème ? Ou même plusieurs ? Pour les jours tristes, pour les jours heureux, pour les jours d'hésitation, d'amour, de doute et de colère ? Je voudrais confier aux nuages voguant dans le ciel de France un message qu'ils transporteraient jusqu'à Prague, je voudrais que ce soient les nuages qui fassent le pont."

Il est question de liberté dans ce livre, lorsque la liberté devient un apprentissage, que l'on en mesure le potentiel autant que les limites. Un apprentissage qui trouve dans l'art un moyen d'expression autant qu'un vecteur de transmission. C'est fait avec beaucoup de poésie et de finesse dans la construction pour parvenir à faire passer ce que représente cette alchimie complexe qui conduit à la découverte de soi par le prisme du monde qui nous entoure.

C'est une fois refermé que l'on mesure l'extraordinaire richesse de ce livre, construit comme une sorte de kaléidoscope. Et qui se lit comme on décrypterait ce que raconte un tableau... Oui c'est ça. Quelque temps après, cette lecture m'a fait penser à une visite thématique que j'avais eu la chance de faire au Louvre avec un spécialiste d'Histoire de l'Art qui nous avait "raconté" les tableaux et révélé leur sens au-delà de la simple reproduction. C'est exactement ce que j'ai ressenti avec ce livre. L'impression de lire un tableau. Alors chapeau l'artiste !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Un peu de mal de décrire cette lecture qui a un parfum de conte. D'emblée j'ai adoré le style, le personnage qui sait dire NON ! Et a choisi de s'émanciper le jour de son anniversaire de ses 18 ans, c'était un heureux hasard car ce jour, elle se trouvait sur le quai de la gare de l'EST pour prendre le train qui la ramenait vers son pays et sa famille. "la gare, ce lieu de nulle part, j'en sors à peine. C'est un endroit où on n'est pas encore tout à fait arrivé, ni encore reparti vers n'importe quelle destination. Comme si elle appartenait à un autre pays, à la lisière du dehors et du dedans."

C'est pour elle un nouveau départ, une nouvelle vie, une liberté enfin acquise. Son passeport en poche, c'est aussi un passeport pour le droit d'aller ailleurs et surtout de quitter son pays.
L'ambiance, les personnages, qui entoure Ana font que ce petit monde est fort charmant notamment , Bernard le barman, les deux grand-pères Jacob et Yacoub ils sont adorables. Ils parlent de météo, celle de leur pays, celle d'un autre temps. "C'est la mer de l'enfance pleine de tendresse même par un temps d'orage." "En entrant, ils virginisent l'espace pour pouvoir parler seulement de l'essentiel, de la lumière du matin au bord de la Méditerranée, de la couleur du désert qui s'invite régulièrement à la table et dans les cheveux des gens, d'un pays où le temps flemmarde gentiment."

C'est à l'image de ce livre, pleine de tendresse, de silence, et de solitude et pourtant tellement d'espérance, de solidarité, d'amour entre les personnages.
Ana, est comme une icône, elle reste silencieuse, gardant son secret pour elle. On l'accepte comme elle est. Et puis, il y a Albert et sa verrière, l'artiste, la muse , la somme d'une histoire.

On est transporté à la lecture de ce conte, arrivé à la fin, une envie de revenir au début comme pour rester enfermer dans cette bulle, sous cette verrière et puis aller chez Bernard, prendre un petit noir accoudé au zinc et se laisser emporter par les souvenirs de Jacob et de Yacoub.
Il y a comme ça, des mots qu'on aimerait qu'ils s'animent, qui auraient le pouvoir de nous enchanter à jamais.
Très belle lecture et un style admirable.
Je n'ai pas encore croisé le premier roman de cette auteure, je compte bien le trouver.
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La jeune fille qui dit NON
Conte d'apprentissage.

Il était une fois une jeune fille qui vivait bien loin de la Tour Eiffel, du Sacré Coeur et de Notre Dame de Paris. Elle venait d'un pays de l'Est, la Tchécoslovaquie.
Il y a seulement huit jours son père lui avait dit : « Tu pars en colonie de vacances à Paris. »
« Pour une fois ils étaient d'accord. Cette nouvelle fut une telle surprise pour moi que mon silence ébahi fut pris pour un accord. J'aurai voulu me révolter mais, je ne savais pas comment. Ne pas y aller, c'était rester avec eux ; y aller, c'était courber l'échine, plier. Non, ça n'aller pas fort entre nous… »
Oui, mais voilà, à la fin de son séjour « la jeune fille » a dix-huit ans. La majorité, le sésame vers la liberté ?
Mais pour cela il a fallu oser dire NON. Faire plier les adultes à cette volonté toute neuve d'émancipation.
Alors ses pas la conduisirent au-delà des murs de cette gare… C'est là, ici et maintenant, que tout est possible.
Ses pas l'emportent, elle a des « semelles de vent », qui la conduisent vers le cimetière du Père Lachaise, où gisent des gens célèbres.
Au détour d'une allée quelqu'un la domine et ne s'adresse qu'à elle, alors qu'il y a foule.
Cette forme dit s'appeler Grofka, est-ce une bonne fée ou bien autre chose ?
La jeune fille devient Ana. La fée l'emmène dans un café où elle entre comme chez elle. Va s'ensuivre une pantomime de présentation qui rend le lieu encore plus étrange. Et trois petits tours et Grofka s'en va.
Au Café de la joie du peuple, il y a les habitués et leurs rituels.
Au bout du bar, il y a un cagibi avec son fenestron…
La jeune fille qui a dit NON, apprend la liberté, elle a une seule certitude, d'où qu'elle vienne, où qu'elle vive désormais, « l'enfance ne se traduit pas ».
La chenille Ana tisse de fils de soie son cocon, jusqu'en avril 1989. Muette, elle se nourrit du quotidien de Bernard, le patron du café, de Jacob et Yacoub les fidèles, d'Eugène l'esthète et surtout d'Albert peintre-sculpteur.
Chacun lui apporte quelque chose.
Les nuits lui appartiennent, elle foule les rues de Paris, elle engrange, les lieux, les senteurs, les mystères de cette ville où elle vit désormais.
Albert sera un vecteur vers la vie, vers la beauté et qui lui apprendra à décupler sa capacité de voir.
« Et puis, on le dit bien dans les livres saints : au début il y avait le Verbe. le silence n'est pas mentionné. »
Devenue chrysalide, Ana, sous la verrière de l'atelier d'Albert, la lumière l'enveloppant de ses couleurs toujours changeantes, continue à ne pas se révéler.
La chrysalide, découvre les anecdotes du pays, les réflexions sur la liberté. Par un jeu de miroir, elle confronte les valeurs de son pays d'origine à celles de sa terre d'accueil. Elle fait semblant de s'abandonner aux autres mais pour mieux se découvrir.
Elle aura sa vérité à elle mais sans l'imposer aux autres, elle se forge, se renforce, encore et encore.
Le papillon est prêt à prendre son envol. Les ailes d'Ana s'ouvrent sur L'histoire revisitée, les fondements et les matériaux sont là.
Le papillon se pose dans les dernières pages et il nous cueille comme un uppercut.
Car il y a un moment où il y a devoir d'émancipation, se créer, se libérer.
Il était une fois, la liberté de « celle qui' s'inventa, à l'aube de la jeunesse et au moment où elle peut se croire immortelle.
Lenka nous offre un conte d'une force inouïe, du silence éloquent à l'obscure clarté, une vie en devenir.
Une narration parfaitement maîtrisée, une identité littéraire.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 19/02/2018
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Contre un mur il y avait des étagères jusqu'au plafond, toutes garnies de livres, tous sens dessus dessous, on les aurait crus en grande discussion si ce n'est en pleine dispute. Ma mère en aurait été morte d'indignation et de colère. Elle aurait tout rangé, nettoyé, ordonné, clarifié. La vision de ma mère astiquant la pièce, avec torchon et serpillière, m'amusait. J'ai souri. En réalité, pas trace d'une main de femme ici. Pourtant tout respire, transpire la femme, ça exhale le suave et le sauvage, jusqu'à la moindre poussière. A cause de la lumière peut-être, la seule chose qui ne manque pas dans cet espace.
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Pourtant mes parents reviennent souvent et pas que dans mes songes, comme l'autre jour. Je nettoyais le bar, un chiffon à la main, un geste si anodin, on ne pense à rien quand on essuie une table ou un bar. On pense au fait qu'il fait beau, on regarde si toutes les miettes sont parties, sil ne reste aucune tache, surtout celles qui collent, on le frotte, on l'astique. je me suis vue faite exactement le même mouvement avec le bras que celui de ma mère sur la table de notre cuisine. Surprise, j'ai lâché le chiffon. Je me suis trouvée bête, ma main a fait route vers mon front et l'a frappé en son milieu, un geste maintes fois répété par mon père. Il se tape le front à tout bout de champ, pour exprimer une palette très large de sentiments et opinions. Soudain, dans la confusion de ces gestes identiques, ils étaient là, avec moi, si près. en moi. J'étais eux. Un bouleversement à ne partager avec personne.
P92
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Au printemps, Paris devient trop vaste, trop minérale, pas assez colorée. Je pense aux promenades sur la colline de Petrˇín montant de la berge de la Vltava jusqu’au Château, à la bibliothèque et au monastère de Strahov, un lieu intemporel. L’endroit possède à la fois une gravité, augmentée par les enduits qui tombent régulièrement des murs séculaires, et une coquetterie baroque, dans les volutes, les courbes, les doublures des éléments décoratifs, qui ne font que couvrir les premiers traits romans puis gothiques. Tout cela lézardé par le temps et dissimulé par la fumée du mauvais charbon. Tout Prague est un peu comme ça, grisâtre et enfumée, comme les intérieurs des églises à cause des bougies. Sous le voile anthracite sommeille la Belle aux cent tours. Moi, je la vois.
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 Je suis né à Salonique, en Grèce. J’aurais pu naître à Smyrne, Belgrade, Istanbul, Venise ou encore ailleurs. Mon père était négociant et voyageait sans cesse. Ma mère l’accompagnait partout, par amour, je me plais à le croire. Je suis né dans le siècle naissant et à la fin des deux empires. Oui, ils étaient déjà bien moribonds à ce moment-là. Les Habsbourg et les Ottomans s’éteignaient de concert. Les cartes allaient être rebattues, et celle du monde redessinée. Remarque, rien n’est aussi fécond en remue-ménage des frontières que la fin d’un empire. On parle de la liberté retrouvée en s’enfermant. J’ai vécu ça. Il nous fallait alors des passeports et tout un tas de papiers et d’autorisations. C’était drôle de découvrir que l’on était étranger partout.
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J’arrive à reconnaître à son souffle sa satisfaction ou son irritation. Quand il déchire les feuilles, casse des verres et des bouteilles, balance contre le mur la terre qu’il est en train de modeler, pas besoin de traduction.
Quand il est content, il lève la main, je me fige. Lui assis dans son observation, moi dans ma pose. Deux statues à respirer le même air.
Ensuite, il s’anime d’une énergie que je ne connais pas. Dense, contenue et écrasante à la fois. Il se saisit d’une planche avec des papiers, ou d’un bloc à dessin, ses yeux font des allers-retours entre son papier et moi. L’œil, la main, le modèle, une espèce de triangle se crée dans le bruit à peine perceptible et régulier que produit s
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Vidéo de Lenka Hornakova-Civade
Loo Hui Phang & Lenka Hornakova-Civade sont deux écrivaines invitées au festival Au fil des ailes, programmé du 12 au 27 novembre 2021 en région Grand Est. Découvrez leurs oeuvres respectives à travers les mots de Valentin Fauvet, libraire à Bédérama, à Reims.
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