Le titre original anglais du livre dont je vais vous parler est Out of Egypt, il a été traduit en Français par
Adieu Alexandrie, mais cette traduction est épuisée, trouvable dans quelques bibliothèques. Il s'agit d'un récit autobiographique de l'auteur, racontant la période qu'il a vécue en Egypte avec sa famille. La plupart des membres de cette famille sont originaires de Turquie, mais les événements historiques, poussent cette famille juive à partir et à s'installer à Alexandrie, avant d'être de nouveau obligée de s'exiler vers différentes destinations.
Quand j'ai lu le résumé du livre, j'ai été dans un premier temps plutôt réticente pour me lancer dans cette lecture. le côté saga familiale, famille juive avec des personnages pittoresques mais déjà tellement vus ailleurs, la nostalgie obligatoire dans ce genre de récit, bref je craignais pas mal de clichés, et une sentimentalité presque obligée lorsqu'on raconte des événements liés à l'histoire familiale. Or le livre est le contraire de cela.
André Aciman dépeint les membres de sa famille certes avec tendresse, mais jamais avec complaisance, il n'hésite pas à mettre en évidence leurs défauts et petitesses, il y a des gens qu'il aime plus que d'autres et partage avec nous ses sentiments. Il nous décrit des personnages de façon juste, tels qu'il s'en souvient, sans en dresser un portrait idéalisé. Il décrit par exemple les injures quasi racistes que certains parents, surtout par alliance, ne s'épargnaient pas, les Turc et les Syriens entre autres n'avaient que peu d'estime réciproque. En filigrane figure même quelque chose comme une prise de distance avec la façon de vivre de cette famille, entre ses tapis de prix et la belle porcelaine, tellement en décalage avec la misère de la majorité de la population du pays où ils ont vécu.
Il a une façon de faire avancer son récit particulièrement intéressante, c'est chronologique certes, mais en même temps c'est comme la mémoire d'un enfant, le passé le plus ancien est noyé dans la brume, ne surnagent que certaines impressions ou souvenirs les plus marquants, et le reste est flou et incertain, et plus nous avançons dans le temps, et plus les images sont précises et claires. Et donc au début, c'est les autres personnages qui sont au premier plan, le mythiques oncle Wili au premier chapitre, puis les deux grand-mères de l'auteur, puis ce dernier devient clairement le narrateur de ce qui lui arrive.
De même le livre n'est pas du tout nostalgique au début, puisque nous sommes à un moment où de toute façon tout fonctionne bien, le regret des choses perdues, l'envie de revoir certains lieux ou personnes disparues n'arrive que vers la fin, au moment où le départ devient imminent.
André Aciman ne force jamais le trait, n'abuse pas d'effets faciles, il est toujours subtil et intelligent, toujours avec une petite distance de ce qu'il décrit, ne se laissant jamais submerger par un trop de sentiments. Dans une très belle écriture, il évoque ses souvenirs, une époque, des personnes proches, mais sans idéaliser ni moraliser. Un très beau livre, un très beau voyage dans le temps et dans l'espace, dans les méandres de la mémoire. Tellement beau qu'il est difficile de lire quelque chose d'autre tout de suite après, tellement la musique d'
André Aciman ne se laisse pas chasser tout de suite.