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EAN : 9782290306413
442 pages
Editions 84 (12/04/2000)
4.32/5   549 notes
Résumé :
En 1991, Théodore Monod écrivait à propos d'Amadou Hampâté Bâ : Puissent ceux qui le découvriront... se sentir moralement enrichis et fortifiés par la découverte de celui qui fut à la fois un sage, un savant et un spirituel... Hampâté Bâ venait de mourir.

Et à travers lui, le formidable témoignage d'un penseur et conteur du Mali qui avait su reprendre à son compte les traditions d'oralité de son pays.


Dès l'enfance, nous étion... >Voir plus
Que lire après Amkoullel, l'enfant PeulVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (53) Voir plus Ajouter une critique
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Amadou Hampâté Bâ est un monument de la littérature malienne, africaine et mondiale. Et son roman Amkoullel l'enfant peul est son histoire. Elle sert d'autobiographie, de mémoire d'un grand homme et d'une époque révolue. J'aurais été tenté de dire d'un peuple, mais le parcours de cet enfant, même s'il tire ses origines de l'ethnie des Peuls, se mêle et s'entremêle avec celles des Toucouleurs, des Bambaras, des Bozos, des Dogons et de tous les autres peuples présents dans ce grand pays qu'est le Mali. C'est qu'il s'agit aussi de l'histoire d'une partie du continent, de l'Ouest africain et de la présence colonialiste française. Et cette histoire était, jusqu'à ce moment, au début du XXe siècle, transmise oralement. Donc on découvre également le sort d'une civilisation en plein bouleversement, qui voit ses repères et ses traditions ancestrales (avec ses codes d'honneur, ses griots et marabouts) bousculés par la modernité et la supériorité technique des nouveaux arrivants.

On replace souvent l'auteur à cette fameuse phrase : « En Afrique, chaque fois qu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui a brûlé. ». Heureusement pour nous, Amadou Hampâté Bâ a écrit ses mémoires. Et de nombreux autres ouvrages.

Amkoullel l'enfant peul retrace l'histoire de la famille d'Amadou Hampâté Bâ, en commençant par ses grands-parents, puis ses parents Hampâté et Kadidja. Deux grandes et nobles (et fières !) familles peules à une époque où le pouvoir réside entre les mains des Toucouleurs à Bandiagara. Mais très tôt, ses parents se séparent amicalement et sa mère se marie à nouveau avec le grand chef Tidjani. le jeune Amkoullel suit à sa mère à la cour des Thiam à Louta puis en exil à Bougouni. À travers les pérégrinations du garçon, le lecteur découvre un nouveau monde. Peu de gens peuvent situer correctement le Mali sur une carte du monde, encore moins ses principales villes. Et que dire des modes de vie de ses habitants (à conjuguer au pluriel, à cause des multiples ethnies qui y vivent en harmonie, dans le respect). Bandiagara, Ségou, Bamako, Mopti la Venise-du-Soudan, autant de beauté. Les transports en bateau sur le fleuve Niger, les marchés où l'on vend mille produits exotiques, les huttes hospitalières où l'on s'arrête en chemin, la savane où les fauves se cachent, etc.

Puis, vers sa septième année, Amkoullel revient à Bandiagara. Il fait ses études coraniques et suit les enseignements des sages. Entre autres, Tierno Kounta Cissé, Tierno Bokar et Koullel. D'ailleurs, je ne comprends pas vraiment pourquoi on surnomme le garçon Amkoullel (fils de Koullel) puisqu'il avait déjà deux pères et que plusieurs maitres l'ont influencé. Amadou Hampâté Bâ ne m'a pas suffisament éclairé à ce sujet. Ce roman est aussi un ôde à la mère. Kadidja est de tous les combats. Cette batante ne baisse jamais les bras, elle tient tête à ses co-épouses, suit son mari en exil (enceinte de plsuieurs mois !), fonde une ville et devient une marchande prospère, etc. Quand un incendie ruine sa famille, elle mets les mains à la pâte et recommence. Malgré son côté autoritaire, elle est aimante et attachante, toujours là pour sa famille et ses amis. Il n'est pas étonnant que son fils la vénère et suive ses commandements.

Puis, quelques années plus tard, Amkoullel commence aussi à entrer dans le monde des adultes. Il crée sa propre association de jeunes gens (waaldé). Mais c'est aussi un garçon comme plusieurs autres, qui joue des tours pendables au vieux jardinier Sinali et qui passe ses nuits à explorer à ses risques et périls le quartier des Blancs… Dans tous les cas, toutes ces péripéties d'adolescent sont divertissantes et nous rappellent qu'un grand homme peut se cacher dans n'importe quel petit bonhomme. Mais la vie continue et le jeune peul devra aller à l'école des Blancs ! Sacrilège, on craint qu'il ne tourne le dos aux traditions ancestrales et aux valeurs musulmanes ! Mais bon, pas le choix, les Français réclament de plus en plus d'indigènes pour les aider à gérer la colonie. Et le roman se clôt quelques temps après la Grande Guerre, avec un Amkoullel adulte qui a obtenu son certificat et qui se voit confier un poste dans l'adminsitration coloniale, loin de sa famille.

Amkoullel l'enfant peul est une lecture agréable. Malgré le dépaysement et les réalités à des années lumière de celles du lecteur occidental, Amadou Hampâté Bâ réussit à rendre son histoire accessible, il explique ce qui doit l'être sans employer un ton trop didactique ni assomer son lecteur avec de longues descriptions. C'est riche et instructif sans en donner l'impression, c'est vraiment parfait. Aussi, l'auteur alterne les moments tristes et dramatiques (l'exil, la répudiation de Kadidja par ses co-épouses, la mort des deux frères d'Amkoullel) avec ceux qui sont comiques (la bataille sur les bateaux à fond plat entre Kadidja et le patron aux mains baladeuses). C'est aussi très intructif, rempli de la sagesse (accumulée au cours des siècles par les griots et les vieux, ces « bibliothèques ambulantes »). On y retoruve plusieurs proverbes et un enseignement de la vie qui peut encore s'appliquer même dans nos vies aux préoccupations modernes. Je termine avec une citation du roman. « La vie est un drame qu'il faut vivre avec sérénité. »
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J'ai lu ce livre de Amadou Hampâté Bâ il y a 4 mois déjà, j'avais tellement apprécié ma lecture, j'avais tant de choses à en dire que je n'arrivais pas à écrire mon article au point même que j'y avais renoncé.
Mais voilà que je décide de vous en parler quand même, maintenant que j'ai plus de recul, que cet enthousiasme paralysant s'est atténué avec le temps. Et surtout je voulais vraiment partager avec vous cette lecture enrichissante et cet auteur qui mérite amplement d'être lu.

Amadou Hampâté Bâ était un écrivain et un ethnologue malien qui a consacré une partie de sa vie à travailler à la promotion du patrimoine linguistique africain. Grand défenseur de la tradition orale africaine, c'est toutefois par l'écrit que cet homme d'une grande sagesse a transmis son amour pour la civilisation peule à travers ses divers écrits dont les Contes initiatiques peuls ainsi qu'à travers ses propres mémoires dont Amkoullel l'enfant peul constitue le 1er tome. Il a également honoré la mémoire de deux personnes marquantes dans sa vie : Tierno Bokar, son maître spirituel duquel il suivra les enseignements jusqu'à son intégration à l'école française, mais aussi Wangrin, un drôle de coquin qui se sera amusé à arnaquer et plumer les fonctionnaires coloniaux.

Dans Amkoullel, l'enfant peul, Amadou Hampâté Bâ retrace son enfance jusqu'à sa prise de poste dans l'administration coloniale française. Mais il ne s'arrête pas là puisque, bien avant d'aborder sa propre vie, c'est une large partie de l'histoire du Mali et de ses peuples qu'il reprend à travers les destins et origines de ses ancêtres. On découvre alors les empires peuls et toucouleurs dont les territoires englobaient le Mali actuel et s'étendaient jusqu'à la côte Atlantique suivant le cours du Niger. Ses rives constituaient un véritable foyer de peuplement et abritaient les principales villes de la région.
Amadou Hampâté Bâ décrit leur histoire, leurs modes de vie, leurs traditions et croyances montrant ainsi l'incroyable diversité des peuples maliens et nous offre une véritable étude sociologique évoquant la place des femmes, le système de castes et le rôle des waaldés, sortes de confréries autonomes gérées par les enfants eux-mêmes. On s'étonne de constater l'incroyable harmonie et tolérance entre les différentes confessions, différences qui ne sont jamais prétextes à conflits.
Amkoullel, surnom donné par sa waaldé au petit Amadou, symbolise l'union des deux ethnies dominantes et pourtant adverses, sa mère est issue d'une longue lignée de nobles peuls. Il sera ensuite adopté par le second mari de sa mère, lui d'origine toucouleure. C'est pendant son enfance qu'un événement bouleverse la géopolitique de la région : l'arrivée des colons français. Amadou Hampâté Bâ nous délivre alors de savoureuses pages et anecdotes sur les rapports entre maliens et français. Les « blancs-blancs » sont une grande source de curiosité et d'étonnement par leur politique, leur couleur ( surtout ce rouge lorsqu'ils se mettent en colère ) et leurs différences culturelles, de quoi stimuler l'imagination fertile des maliens.

C'est alors un autre monde auquel est confronté Amkoullel, surtout lorsqu'il est amené, contre son gré, à intégrer l'école française. Ses excellents résultats le font rapidement évoluer et l'oblige à s'éloigner mais la distance d'avec sa famille le pèse. En 1914, la première guerre mondiale éclate. Amadou Hampâté Bâ montre alors comment cet événement a été perçu par les africains qui ne comprenaient pas vraiment pourquoi les « blancs-blancs » se faisaient la guerre entr'eux et ce que, eux, avaient à voir là-dedans. L'autre drame de l'époque est la grande famine qui sévit dans une grande partie du territoire. Des villages entiers sont dépeuplés et des destinées bouleversées.
Après avoir refusé d'entrer à l'école Normale de Gorée pour ne pas être séparé de sa mère, Amkoullel est envoyé en poste à Ouagadougou très loin de sa famille. Son expérience de l'administration coloniale et le reste de sa vie constituent le deuxième volume de ses mémoires.

J'ai véritablement adoré cette lecture très riche et instructive. Amadou Hampâté Bâ construit son récit à la manière d'un conte n'hésitant pas à y introduire des éléments du domaine du merveilleux relatifs à certaines croyances des ethnies qu'il rencontre. Il ordonne ses souvenirs autour d'événements et de personnages marquants, souvent liés à un lieu particulier. Il nous fait ainsi voyager avec lui à travers l'ancien Soudan français et le long de la boucle du Niger. On devient incollable sur la géographie de la région !
C'est aussi une lecture pleine de sagesse et d'enseignement, une plongée au sein d'une pluralité de cultures qui se retrouvent néanmoins autour de valeurs communes telles la solidarité, l'honneur, le respect et la tolérance.

Amadou Hampâté Bâ base son texte sur ses propres souvenirs mais aussi sur ceux de ses ancêtres, tous rapportés grâce à la tradition orale. Lorsque Nicolas Sarkozy affirmait que le continent africain n'avait pas d'histoire, il raisonnait avec une mentalité d'occidental qui veut que notre histoire soit transmise et étudiée exclusivement par l'écrit. En Afrique, le passé revit oralement de génération en génération et la culture locale se perpétue ainsi.

C'est donc dans la grande tradition des maîtres maliens qu'Amadou Hampâté Bâ transmet son héritage et celui de tout un peuple tout en embarquant le lecteur pour un fabuleux voyage riche en péripéties. Son talent de conteur est remarquable et envoûtant.

J'espère pouvoir bientôt ( enfin … bientôt … euh … disons dans un certain temps encore indéterminé) lire le 2ème volume ainsi que d'autres récits de cet homme admirable, tous devenus des classiques emblématiques de la littérature et de la culture africaine. Je ne peux que vous encourager à les découvrir vous aussi !






Lien : http://cherrylivres.blogspot..
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Dans ce roman autobiographique, Amadou Hampâté Bâ raconte son enfance au Mali. Dans une langue savoureuse et avec tendresse et humour, il décrit son apprentissage de la vie dans l'Afrique de l'époque coloniale avec ses contrastes et ses contradictions. A la fois élève dans une école coranique et dans une école française, il doit également composer avec les traditions imposées par son ethnie.

Ce livre est plein de charme, très agréable à lire et nous plonge en plein coeur de l'Afrique profonde...

la suite sur http://leslecturesdeclarinette.over-blog.com/article-862987.html
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Autobiographie, récit historique, conte, essai ethnologique, Amkoullel, l'enfant peul, draine en une prose sereine et fertile, comme les méandres du Niger qui l'ont vu naître, la mémoire des ancêtres et des vingt premières années d'une existence, en Afrique subsaharienne, plus précisément en terre malienne. Amadou Hampaté Bâ est le fruit de lignées antagonistes, des Peuls par son père, peuple de pasteurs nomades fiers de leur noblesse, tour à tour opprimé et conquérant; des Toucouleurs par sa mère, au sang mêlé, qui finirent par s'octroyer la suprématie dans le pays de langue peul. C'est ainsi sous le signe de la concorde, que l'auteur, aux qualités exceptionnelles de conteur, issue de la grande tradition d'oralité de la transmission du savoir des sages d'Afrique et des maîtres du Verbe, livre ses confidences; respect, curiosité et tolérance face aux différences ethniques et cohabitation harmonieuse entre lois musulmanes et coutumes africaines.

Puisqu'en Afrique la lignée des ancêtres prime sur l'individu, c'est d'abord aux grandes figures qui l'ont précédé dans l'existence que notre auteur s'attache à rendre hommage et prête allégeance. Ainsi il fait référence au grand père maternel, Pâté Poullo, grand initié en l'art pastoral, "oreille de la brousse"; puis viens le tour de son père Hampaté Bâ, "l'agneau dans la tanière du lion", rescapé du massacre de sa famille, puis mis en prison sur des faux témoignages et proscrit. Comme la primauté du respect est dû à la mère dans les moeurs africaines, impossible de passer sous silence la figure indispensable et tutélaire de Kadidja, femme de tête, industrieuse, une lionne protégeant ses proches, "une femme à pantalon" comme sauront la qualifier tout ceux qui l'approcheront. On peut aussi s'attarder sur les tribulations de Tijani Thiam, son père d'adoption par son mariage avec Kadidja, défricheur exceptionnel et abatteur d'arbre de haute volée, tisseur-brodeur de talent, guide religieux écouté; mais en fait la liste des personnages marquants et attachants est fort étendue et il serait bien vain de vouloir tous les citer... Car c'est un livre riche que le lecteur curieux et désireux d'horizons littéraires divers saura découvrir dans ses pages. On y apprend nombres de choses en matière de coutumes africaines, de moeurs, de rites initiatiques et de coutumes liées à la foi musulmane telle qu'elle était pratiqué en Afrique subsaharienne au début du XXème siècle. Les anecdotes sont légions, souvent drôles; la force du parler africain, fleuri, exubérant, chargé d'images évocatrices, prompt au sobriquet bien tourné, est plaisamment rendue; les proverbes africains imagés et savoureux ne sont pas oubliés. La jeunesse de l'auteur, chapardeuse, querelleuse, bagarreuse; les grandes veillées nocturnes agrémentées par les contes et les chants des griots; la narration des grands voyages, dans une calebasse remplis de linge et juché les épaules d'une servante, puis sur le dos de sa mère ou les épaules de ses compagnons de voyage, enfin à pied, en pirogue, en chaland, en chemin de fer; tout concourt à rendre la lecture de cet ouvrage attachante et précieuse. Un regard est aussi porté sur l'influence des "toubabs de France" dans les successions de pouvoir tribales, dans la formation des élites de la population autochtone, pour servir les intérêts coloniaux de la France en Afrique. On prend conscience que le témoignage porté par son auteur sur la société de sa jeunesse, concerne un âge d'or révolu, dont les premières atteintes furent portées par la levée en masse des tirailleurs pour la Grande Guerre, entraînant une grande rupture dans la transmission orale des connaissances traditionnelles.

Premier lauréat, en 1991, du Prix Tropiques, visant à récompenser un ouvrage de langue originale française qui apporte un éclairage particulièrement intéressant sur les problèmes de société et de développement dans les régions d'Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et de l'océan Indien, Amkoullel, l'enfant Peul, apporte un témoignage pertinent sur la société africaine, dont le lecteur occidental saura bénéficier. Une très belle lecture.
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"Quand la chèvre est présente, nul ne peut bêler à sa place". (proverbe malien)

En entorse à la transmission orale de la culture africaine qui a prévalu jusqu'au 20ème siècle, Amadou Hampâté Bâ prend la plume. Il écrit ce qui jusqu'alors ne se transmettait que de bouche à oreille. de bouche de vieillard, celui qui a la connaissance, à oreille d'enfant, celui qui découvre. Malien de naissance, formé à l'enseignement de la famille africaine puis à l'école coranique et enfin à celle des Blancs, il a compris que si l'Africain n'écrivait pas son histoire, une chèvre bêlerait à sa place. Sans doute celle de M. Seguin. Il était donc important de graver dans le marbre, ce qui jusqu'alors ne l'était que dans les mémoires africaines. C'est ainsi qu'un livre naît de la tradition orale. C'est ainsi qu'une histoire du peuple peul s'écrit de main de Peul, afin qu'elle ne se perde pas dans l'obscurité du temps.

La tradition orale confie sa mémoire aux anciens. Ce sont eux qui transmettent le savoir. La tradition écrite n'a plus besoin d'eux. le savoir est dans les livres. C'est ainsi que la cohabitation des générations ne se justifiant plus dans la culture occidentale les vieux sont relégués. Alors que la culture africaine donne la primauté aux anciens, à la famille. Une famille qu'il faut concevoir au sens large dans laquelle un frère peut l'être devenu par les marques d'amitié qu'il a témoignées, un père par le soin qu'il a pris d'un enfant dans son éducation. La famille africaine n'est pas réduite aux liens du sang, elle s'agrandit au gré des affinités qui se constituent au fil du temps, mais toujours au sein de l'ethnie. Et l'enfant est habitué à évoluer dans un contexte familial qui n'est pas réduit à celui de ses géniteurs.

Tout cela on l'apprend de mémoire de Amadou Hampâté Bâ, qu'il nous confie avec force détails dans ce bel ouvrage qui témoigne de sa maîtrise de la langue. Avec force détails parce que les Africains ne savent pas résumer. Ils aiment parler et prendre leur temps pour dire les choses. Les dire correctement dans une langue friande de paraboles, empreinte de beaucoup de sagesse et rehaussée parfois d'un humour qui n'entache pas la gravité du propos. Parce que l'Africain aime aussi rire, et faire rire.

Une autre entorse qu'il fait à son éducation est de parler de soi-même. C'est mal vu dans la culture africaine. Amkoullel, l'enfant peul est bel et bien un ouvrage auto biographique. Il nous instruit sur le parcours initiatique de son auteur. Mais à l'âge auquel il écrit cet ouvrage, et dans la langue dans laquelle il le fait, alors qu'il fréquente les instances internationales dans des postes élevés, ne parle-t-il pas déjà d'un autre. de ce gamin qu'il a été, évoluant pieds nus au sein de la grande famille africaine et promu par la sagesse de ses anciens.

Amkoullel est né dans un Mali colonisé par la France. La pondération dont il fait preuve tout au long de son récit à l'égard de ceux qui ont fait main basse sur le pays nous montre à quel point il sait faire la part des choses entre le bon et le mauvais de cette emprise des Blancs sur l'Afrique. En visionnaire qu'il est, Amadou Hampâté Bâ, sentant le progrès venu avec les Blancs pervertir sa culture ancestrale et mettre en danger la tradition orale qui a baigné son enfance, ressent l'urgente nécessité de soumettre à celui qui veut imposer sa culture ce que ses oreilles n'écouteront pas. Il écrit ce superbe ouvrage des plus agréable à lire, on dirait presque à entendre, pour faire admettre à celui qui impose sa loi que la tradition séculaire de perpétuation de la connaissance par la parole, chargée d'une philosophie empirique et pragmatique, colporte bien plus de connaissances que sa culture occidentale égocentrique ne l'imagine.

C'est un ouvrage de tempérance qui témoigne de l'intelligence et la sagesse de son auteur. On peut retrouver ce dernier sur Youtube dans un entretien évoquant son ouvrage qu'il a tenu à la télévision de son époque, l'ORTF: https://ytube.io/3FfQ
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critiques presse (1)
LeMonde
06 août 2021
Amadou Hampaté Bâ allie l’art du conteur et la précision de l’historien, défendant avec ardeur les cultures africaines.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (90) Voir plus Ajouter une citation
« En Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable de sa lignée, qui continue de vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement. C’est pourquoi, lorsqu’on veut honorer quelqu’un, on le salue en lançant plusieurs fois non pas son nom personnel (ce que l’on appellerait en Europe le prénom) mais le nom de son clan : « Bâ ! Bâ ! » ou « Diallo ! Diallo ! » ou « Cissé ! Cissé ! » car ce n’est pas un individu isolé que l’on salue, mais, à travers lui, toute la lignée de ses ancêtres. »
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Ne regrette rien, il faudra toujours continuer à apprendre et à te perfectionner, et ce n'est pas à l'école que tu pourras le faire. L'école donne des diplôme, mais c'est dans la vie qu'on se forme.
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Ce n'est pas pour rien qu'on a surnommé Mopti "la Venise du Soudan" : toutes ses activités sont plus ou moins liées à la vie du fleuve et au rythme de ses crues. Les Bozos qui sont les plus anciens occupants du lieu, fabriquent à la main ces longues et merveilleuses pirogues que l'on voit fendre silencieusement les eaux et dont certaines sont capables de transporter des tonnes de marchandises. Peuple de pêcheurs et de chasseurs, ils sont les "maîtres de l'eau" traditionnels de toute la région. Dans cette zone de confluence des eaux noires et des eaux blanches, on rencontre des ethnies de diverses origines, des plus claires aux plus sombres. Après les Bozos, les plus anciennes sont les Songhaïs et les Peuls. Les Bambara et les Dogons n'y sont venus que plus tardivement. Toute la région de la Boucle du Niger constituait autrefois, dans sa partie ouest, un véritable réservoir des richesses du pays en matière d'agriculture, d'élevage, de pêche et de chasse, sans parler des traditions religieuses et culturelles. L'homme y vivait à l'aise et l'artisanat traditionnel y était particulièrement développé. Le Macina, où les Peuls vinrent se fixer jadis en raison de la richesse de ses pâturages, est situé au cœur de cette région dont Mopti est l'un des fleurons.
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Tous ces enseignements reposent sur des exemples concrets faciles à comprendre pour les enfants. Certaines scènes observées donnent l'occasion de développements plus profonds : un arbre déployant ses branches dans l'espace permet d'expliquer comment tout dans l'univers, se diversifie à partir de l'unité ; une fourmilière , une termitière donnent l'occasion de parler des vertus de la solidarité et des règles de la vie sociale. A partir de chaque exemple, de chaque expérience vécue, le bawo et les anciens enseignent aux garçons comment se comporter dans la vie et quelles sont les règles à respecter envers la nature, envers ses semblables et envers soi-même. Ils leurs enseignent à être des hommes.
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Quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle
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Videos de Amadou Hampâté Bâ (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Amadou Hampâté Bâ
Amadou HAMPÂTÉ BÂ – La tradition orale africaine (DOCUMENTAIRE, 1969) Un documentaire d’Ange Casta diffusé sur la 1ère chaîne, le 7 septembre 1969, dans l’émission « Un certain regard ».
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