Les ouvrières qui charrient du charbon ou qui sont courbées sur la terre ne peuvent avoir les mêmes regards, la même démarche, le même tour d'esprit que celles qui, tout le jour, manient des étoffes soyeuses et caressantes, des dentelles, des fleurs, des garnitures qui chatoient. Les premières seront forcément plus mornes et plus méditatives, plus ruminantes, les autres plus vives et plus énervées. Elles participent, si peu que ce soit, à la vie frivole et recherchée dont elles ourdissent le décor et la parure.
Lorsqu'on se mêle à ce mouvement, ce caractère de régularité et d'automatisme se dissimule sous les nuances infinies de la physionomie individuelle et de la vie des classes. Les femmes qui se rendent ainsi à la besogne matinale sont en majorité des ouvrières de l'aiguille, car c'est, de toutes les industries de Paris, une des plus considérables, et c'est elle surtout qui vient ainsi, chaque jour, se condenser vers le centre. Je ne crois pas exagérer en disant que si d'autres travaux occupent et retiennent dans les faubourgs une immense armée féminine, il ne descend pas dans le cœur de la Ville moins de cent mille femmes dont la mission est de fabriquer ou de vendre ce que le génie parisien invente sans cesse pour vêtir et embellir la Femme elle-même.