Je ne suis pas né pour être célèbre ni illustre, je ne me mesure pas à cette aune, je ne me suis jamais senti un écrivain important, un grand homme : juste un écrivain et un homme. Enfant grapunia -- des terres du cacao --, citoyen de la ville pauvre de Bahia, où que je me trouve je ne suis qu'un simple Brésilien marchant dans la rue, vivant. Je suis né coiffé, la vie a été prodigue avec moi, elle m'a donné plus que je n'ai demandé et mérité. Je ne veux pas dresser un monument ni poser pour l'Histoire en chevauchant la gloire. Quelle gloire ? Pff ! Je veux seulement conter quelques histoires, certaines drôles, d'autres mélancoliques, comme la vie. La vie, ah ! cette brève navigation de cabotage !
Pour moi mes romans n'existent qu'aussi longtemps que je les écris, lorsque je mets le mot « fin » au bas de la dernière page le roman qui m'a consumé la cervelle et m'a mangé les chairs cesse d'exister – ce n'est pas tout à fait ça : il continue à exister, mais il n'est plus à moi. Il se met à appartenir aux autres : éditeurs, critiques, traducteurs, lecteurs, aux lecteurs surtout. Mien exclusivement mien, il ne l'est que durant le temps où les doigts sont sur le clavier de la machine à la recherche des chemins du récit, quand je conçois et mets en place des scènes et des personnages, que peu à peu je les extraits de ma tête, du cœur, des couilles et les vois vivants sur le papier, pleurant et riant – dur, difficile, passionnant métier, celui d'écrivain. Il y en a qui disent que je le fais bien, il y en a qui disent que je le fais mal, je le fais du mieux que je peux, je ne cherche pas d'autre occupation car je ne sais rien faire d'autre.
55 – [p. 237-238]
Renoncer maintenant, non, dis-je à Paloma lorsque, blessée, elle pensait à tirer sa révérence et s'en aller. Nous sommes dans une bataille, nous nous battrons jusqu'au bout. Ensuite tu feras ce que tu voudras, ce qui te paraîtras le mieux. Pas maintenant. J'ai perdu beaucoup de batailles dans ma vie, patience, mais je les ai toujours affrontées, je suis toujours allé jusqu'au bout.
231 - [p. 330]
(Paris, 1992, les droits de l'homme) A propos des prix, je réfléchis aux contingences qui les entourent, je pense aux injustices et aux erreurs, je me demande, j'ai envie de demander très fort : pourquoi n'a-t-on pas encore décerné à Danielle Mitterrand le prix Nobel de la Paix ? Personne ne le mérite autant, elle est aujourd'hui le symbole des droits de l'homme, de leur défense intransigeante. La présidente de la fondation France-Liberté est un exemple et un stimulant, où que les droits soient bafoués, malmenés, piétinés, on trouve là la combattante, son dévouement sans limites ni frontières. Qu'attendent les parlementaires de Norvège pour lui attribuer la palme du bon combat ?
2490 - [p. 241]
Je n'envie personne. La richesse, le talent, le succès, la gloire de mon prochain et du moins proche en m'affligent pas, je suis capable d'admiration, capable d'applaudir, de crier vivat, de porter en triomphe, et j'aime le faire. Le succès d'un ami est le mien, il n'est pas nécessaire que ce soit un ami, il suffit que ce soit un compatriote, un Bahianais, un Brésilien, et puis pas même parfois, il suffit que je lui découvre un talent, une vocation. Je me réjouis de découvrir un poète, un jeune romancier, un débutant doué d'une inspiration véritable, je cours annoncer l'événement. Insensible à l’envie, je suis libre pour l'admiration et l'amitié, quelle merveille ! Rien de plus triste que quelqu'un qui souffre du succès des autres, qui est esclave de la négation et de l’amertume, qui bave d'envie, qui patauge dans le dépit, le malheureux.
2491 - [p. 320]
Adriana Brandão auteur de "Les brésiliens à Paris, au fil des siècles et des arrondissements" vous parle d'un texte et d'un auteur important pour elle : "Dona Flor & ses deux maris" de Jorge Amado.