Sandman - Les chasseurs de rêves est le fruit issu de la rencontre entre deux figures hors du commun, que tout semble opposer tant sur le plan artistique que culturel :
Gaiman est un occidental et surtout un écrivain spécialisé dans la littérature fantastique ; à l'inverse, Amano est une personnalité japonaise renommée dans le monde du jeu vidéo, un illustrateur qui a réalisé de nombreux travaux pour la franchise Final Fantasy.
Pour
Neil Gaiman, il est question ici de réécrire le conte japonais « La Renarde, le Moine et le Mikado de toutes les nuits rêvées », ce qu'il fait de manière convaincante en confirmant, s'il en était besoin, qu'il a beaucoup de talent pour raconter des histoires fabuleuses débordantes d'imagination. Pour la circonstance, il a dû bien sûr se documenter sur le folklore japonais ainsi que sa mythologie, où il a pioché ce dont il avait besoin. Quant à son écriture, elle est la synthèse de ce qu'on apprécie dans le conte : un style sans fioritures, simple, léger, sans aucun mot superflu et avec beaucoup d'images (un ciel de couleur prune, une lune énorme et argentée par exemple).
En parallèle, le travail du japonais n'est pas en reste, et son coup de crayon se prête à merveille à un Japon imaginaire, onirique et lointain. Les personnages comme les décors sont soignés, sans oublier les créatures, comme le Baku, une sorte de petit éléphant mythologique japonais (voir le dessin d'Hokusai ou d'autres pour le visuel), qui est peu commun et aspire les mauvais rêves avec sa trompe. Concernant les couleurs, elles sont savamment dosées mais avec une prédominance pour les couleurs sombres malgré tout. D'autre part, on remarque une texture brumeuse typique de l'atmosphère du rêve.
Ensuite, Sans trop en dire sur l'histoire, celle-ci exploite la thématique du rêve : c'est un moine solitaire qui vit dans un temple et qui se retrouve confronté à de multiples dangers, à une époque pleine de créatures de toutes sortes, d'esprits bons ou mauvais. C'est d'ailleurs l'un de ses mauvais esprits qui conclue un pacte avec l'ennemi du moine : au bout de trois rêves effectués, le moine mourra. Heureusement, c'est sans compter sur l'amour d'une renarde qui choisit de se sacrifier en choisissant de rêver le troisième rêve à sa place, sacrifice rendu possible grâce à l'utilisation d'une statuette. Fondamentalement bon, le moine n'hésite pas une seconde pour partir arpenter le pays et faire tout son possible pour sauver la renarde, et cela jusqu'à rencontrer le fameux roi des rêves, dessiné dans un style plutôt gothique par ailleurs.
Au coeur de cette histoire d'amour, on trouve des animaux d'autant plus protecteurs qu'ils pressentent les périls invisibles aux hommes. L'homme est sensible à toute vie animale et inversement, ce qui n'est pas sans rappeler un certain aspect du bouddhisme ou la pensée de certains auteurs japonais, je pense notamment à l'auteur d'Haikus, Issa.
Au final : un texte très beau associé à des illustrations vraiment hallucinantes, voilà ce que nous propose cet album fort appréciable.