Un livre très inégal dans la forme et le fond.
D'abord, la forme: 14 histoires en 14 chapitres, qui ne sont ni des nouvelles ni des histoires avec un début, un noeud d'intrigue et une conclusion. Certains châpitres ressemblent plutôt à des nouvelles et d'autres sont des objets non-identifiés, commençant une histoire et finissant par une autre sans grand rapport avec la première.. Bref, je me suis souvent demandé de quoi l'auteur voulait donc parler.
Le style est inégal lui aussi. le premier chapître est écrit en français (de France) dans un registre soutenu, clair, sans québécisme mais tout d'un coup, on trouve le mot "cenne" à la place de "cent" (centimes), puis un peu plus loin une phrase dans laquelle le boulanger n'avait pas envie de "jouer les polices". Je passe sur les autres petites culbutes qu'il fait subir à la grammaire plus loin. Je n'ai rien contre les expressions québécoises ou la langue québécoise, bien au contraire même. C'est une vraie langue, autonome, qui a les mêmes droits et la même valeur (pour ceux qui pensent qu'il existe une hiérarchie dans les langues) que le français parlé à Paris, mais j'avoue être fâché quand je ne trouve pas de cohérence dans une façon d'écrire.
Sur le fond, certaines histoires m'ont intéressé, telles América qui raconte une lamentable tentative de passer la frontière américaine avec une immigrée illégale ou bien Antigonish. Elles racontent une seule et unique histoire. Dès le début, on sait où l'on va. Par contre pour beaucoup d'autres chapîtres, je me suis demandé si le narrateur savait lui-même de quoi il voulait parler tellement il changeait de sujet en cours de route. Cela ressemblait alors à des rêveries éveillées, une évocation parcellaire de souvenirs qui s'évanouissent au fur et à mesure de la narration. Bref, pas pour moi.
Et c'est dommage parce-qu'il y a de temps en temps des pépites dans les réflexions du narrateur; ainsi de ce constat que j'ai pu vérifier personnellement:
"L'Amérique est une idée qui a produit des routes interminables qui ne mènent nulle part (..) tu peux rouler dessus pendant des heures pour trouver à l'autre bout à peu près rien, un tas de bois, de tôles et de briques et un vieux bonhomme planté debout en travers du chemin qui te demande: -Veux tu bin me dire qu'est-ce que tu viens faire par icitte?".
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La personne qui a inventé Mass Critique est un génie. Babelio : tu as ma reconnaissance éternelle (je ne vous ferai pas le coup des petits extraterrestres verts de Toy Story, même si j'en ai eu très très envie). En plus d'un concept bougrement original, ce système est digne de confiance et des plus agréables. Merci !
Pour ce qui est du livre, j'ai eu beaucoup de mal à m'y mettre (des grosses gouttes de sueur me tombaient devant les yeux en voyant le chrono de Mass Critique). Le fait est que ce bouquin est divisé en toutes sortes de mini-histoires, qui ont un rapport de près où de loin avec la ville d'Arvida. Et chacune de ces fictions auraient à mon sens mérité un livre à part entière (pour ce point on a une explication dans la dernière histoire, mais tout de même !). A chaque fois, j'ai eu l'eau à la bouche pour que boum patatra, l'histoire se termine. Le fil conducteur, c'est juste l'impression qu'on est en train d'écouter le même grand père qui raconte ses histoires au coin du feu ("Père castor, raconte-nous une histoire… Même deux histoires !" J'vais pas faire tout le générique en entier non plus). On a l'impression de zapper et de capter quelques minutes de chaque programme. On entend presque toujours parler de ce "Jim", un peu comme si vous ne tombiez ce soir à la télé que sur des films avec Brad Pitt (on va pas choisir de la merde non plus). Je m'attendais à une succession de petites histoires mais je pensais qu'Ariane serait plus claire. Et parfois le rapport avec la ville est vraiment dur à saisir.
Et puis surprise, après quelques histoirounettes bien gentilles, on embraye sur une plus trashy et la suivante l'est encore plus… Mon intérêt est de plus en plus piqué (et c'est là que je me dis que j'ai un sérieux grain parce que je préfère ces histoires-là). Ceci étant dit, j'aime le gore mais je pense que je préfère le voir à la télé plutôt que de le lire. Voir des explosions de ketchup, j'adore. Mais lire des détails de mutilation… C'est autrement plus perturbant !
Attachant mais je pense que je l'oublierai vite.
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Le sel de la terre trône déjà dans les palmarès, ce qui en dit long sur la popularité de l'auteur d'Arvida, cet étonnant recueil de nouvelles inspiré de sa ville natale, de même que sur la popularité de son sujet: la classe moyenne
Lire la critique sur le site : LaPresse
- Connais-tu Proust?
- Ecrivain français auteur d'A la recherche du temps perdu. Six lettres.
- Voilà. Ce truc-là, c'est l'Everest. Quelque chose comme quatre mille pages. Là-dedans, le narrateur goûte au début à une madeleine et ça fait revenir à sa mémoire toute son enfance. Tu te rends compte? Le gars a sorti le monde entier d'un biscuit.
-C'est pas vraiment un biscuit , une madeleine.
-Je sais. Mais moi j'ai rien qui se rapproche de ça. J'ai pas de madeleine. Tout ce dont on avait faim, quand on était des enfants, c'était de MacDo.
L'Amérique est une mauvaise idée qui a fait du chemin. C'est ce que j'ai toujours pensé et ce n'est même pas une image.
J'aurais dû dire : l'Amérique est une mauvaise idée qui a fait beaucoup de chemins. Une idée qui a produit des routes interminables qui ne mènent nulle part, des routes coulées en asphalte ou tapées sur la terre, dessinées avec du gravier et du sable, et tu peux rouler dessus pendant des heures pour trouver à l'autre bout à peu près rien, un t'as de bois, de tôle et de briques, et un vieux bonhomme planté debout au travers du chemin qui te demande :
-Veux-tu bin me dire qu'est-ce que tu viens faire par icitte?
Périodiquement, on évoque l'intronisation éventuelle de la ville au patrimoine mondial de l'Unesco. Je pense qu'ils en parlaient en la construisant. C'est le même running gag entre mon père et moi. Quand on passe devant une maison arvidienne envers laquelle les années n'ont pas été tendres, un duplex dont les propriétaires ont peint leur moitié de couleurs différentes ou un gazon entretenu avec laxisme, l'un de nous deux dit : - Celle-là, y seraient mieux de pas la montrer aux gars de l'Unesco
(...) l'idée que l'objet du désir n'a jamais rien à voir avec le désir lui-même; l'idée que la satisfaction du désir ne le comble pas plus qu'il ne le fait disparaître, qu'au milieu de toutes les choses voulues le désir demeure en nous et se dessèche en remords et en regrets.
page 18
Les pâtisserie ancienne évoquent notre enfance pour nous seuls, et encore, si on prend le temps de le mastiquer comme il faut, on doit bien avouer qu'elles ne goûtent plus la même chose. P.11
À la librairie Le port de tête en 2013.