Je l'ai lu d'abord pour le témoignage d'un fils à propos de sa mère, la célèbre chanteuse poétesse Nico, égérie du Velvet Underground, icône de la Factory d'Andy Warhol. Une femme extraordinaire assurément, Nico, qui aurait pu tirer parti de sa beauté pour vivre à l'abri du besoin mais qui choisit toujours de mener courageusement une vie d'artiste sans compromissions, qui la maintint sur la route et dans la pauvreté, jusqu'à sa mort en 1988. Toute sa vie l'artiste lutta avec une addiction à l'héroïne. Son fils fut, selon ses dires, le fruit d'une brève liaison avec Alain Delon, et c'est vrai que la ressemblance fut troublante, du moins dans la jeunesse d'Ari. Delon refusa pourtant de le reconnaître et ce alors que sa propre mère, Edith Boulogne, le reconnut comme son petit-fils. Lorsque Nico fut dans l'incapacité de s'en occuper en raison de ses tournées incessantes, Edith Boulogne éleva Ari dans des conditions pour le moins étranges. Ari était quelque part le petit fils du placard, ignoré de son père supposé mais observant, à chacune de ses visites chez sa grand-mère, les traces de "l'autre", à savoir le fils officiel de Delon, Anthony, et les jouets qu'il laissait derrière lui. Ari ne fut pas maltraité par Edith mais vécut son enfance dans la solitude, entre un pensionnat et la maison de sa grand-mère, en dehors des rares moments passés avec sa mère, douloureuses illuminations tant il fut conscient très tôt de la vie difficile menée par celle-ci. Ari avait hérité de la sensibilité de sa mère et céda comme elle aux sirènes de l'héroïne, tentant peut-être d'attirer sur lui l'attention d'un père qui fit pire que l'ignorer: se contentant de lui déclarer : "t'es pas mon fils" au cours de l'une de leurs rares rencontres ou encore de lui envoyer un peu d'argent lorsqu'il était au plus mal. Ari réussit à aller mieux et à fonder une famille mais est demeuré fragile...
On ne peut dire qu'Alain Delon sorte grandi de la lecture de ce livre et c'est vraiment le moins qu'on puisse dire. Et pourtant ce livre n'est pas un règlement de comptes saupoudré d'une bonne dose de voyeurisme. Du moins je n'ai pas eu ce sentiment. Au contraire il est assez bien écrit, une certaine poésie s'en dégage par moments et, vis-à-vis de Delon, il apparaît sous les traits poignants d'un cri adressé à ce père présumé pour qu'enfin il le reconnaisse, simplement, comme son fils. Emouvant.
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