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EAN : 9782918767329
153 pages
Asphalte (02/05/2013)
3.76/5   17 notes
Résumé :
Dans la cour de Fany est incarcéré un prisonnier qui devient son amant. Dans celle de Magda et Elmer, on organise des combats illégaux où s’affrontent chiens et détenus. Dans celle du docteur Braille, on réduit les têtes, et dans celle de Lidia, une poupée abandonnée revient à la vie. Décidément, autour de cette antenne téléphonique Phonemark, il se passe des choses étranges... Un inquiétant quartier, une galerie de personnages grotesques sous la coupe d’une corpora... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Tout jeune auteur argentin, Leandro Avalos Blacha fait déjà beaucoup parler de lui en Amérique Latine.
Un premier roman remarqué, « Berazachussetts », récompensé à l'unanimité par le Prix argentin Indio Rico, une imagination débridée, un ton un brin satirique, des sujets ancrés dans une réalité saupoudrée de fantastique…c'est un univers décalé et fantaisiste que tend à échafauder le jeune écrivain, un monde qui ne s'éloigne du nôtre que par les spores d'imaginaire qui viennent ça et là le nimber d'étrangeté, mais dont finalement, la part d'anticipation ne fait que pointer davantage les aberrations de notre propre époque en en soulignant les contradictions les plus cruelles ou perverses.

Ainsi ce quartier de grande métropole pris pour cadre dans « Côté cour » et soumis à l'oukase d'un groupe de téléphonie omnipotent, dont il nous sera permis d'assister aux bizarreries et excentricités.
Cinq chapitres, cinq nouvelles reliées entre elles par leur lieu d'action, cinq contes noirs qui sauront générer étonnement, effarement, interrogation et réflexion, en offrant l'examen d'une humanité à la fois cocasse et stupéfiante, aux comportements ambigus et bien souvent dénués de moralité…

Dans ce drôle de quartier pavillonnaire, l'antenne de télécommunication Phonepark règne sans partage sur les foyers, édictant ses règles à coups de SMS et d'appels obligatoires, administrant, manageant, régentant tous les aspects, économiques, politiques ou sécuritaires, de la vie de ses habitants. Ceux-ci n'hésitant d'ailleurs pas à agir curieusement quand cela peut servir leurs intérêts personnels…
Il y a là, une jeune femme prête à tout pour vivre sa passion avec le délinquant dont elle a la charge, un drôle de docteur réducteur de têtes, un couple organisateur de combats illicites, des poupées qui s'animent sous de mystérieux rayons…
Ici, la tranquillité n'est que pure apparence ou simple vue de l'esprit…L'on peut y devenir gardien de prisonniers à domicile, il n'est pas rare d'y entendre des tirs de carabine, d'y voir les femmes couvrir coquettement leur calvitie sous des foulards bariolés ou d'assister à des phénomènes lumineux générant d'étranges états de transe…

Eperonnant avec une cruauté malicieuse les travers de nos sociétés de consommation viciées et corrompues, Leandro Avalos Blacha orchestre des histoires pleines d'inventivité, hautes en couleur, au rythme soutenu. D'une plume alerte et en quelques lignes à peine, l'argentin réussit à planter ses décors dans une mise-en-scène colorée, très visuelle, dressant le panorama d'une civilisation soumise aux seuls diktats de la téléphonie : messages, appels, paris en ligne, crédits, informations…rien ne semble pouvoir occulter la toute-puissance du Dieu « Communication »…

Pour compléter et accompagner ce court ouvrage assez fun et Rock'n'Roll, les éditions Asphalte permettent de découvrir l'univers musical de l'auteur à travers une sélection de morceaux en écoute sur le site Asphalte Café.
Portishead, Patti Smith, Queen, etc…viennent ainsi en ponctuer agréablement la lecture. Quand on vous dit que c'est Rock'n'Roll tout ça!

Merci aux éditions Asphalte et à babelio pour cette opération Masse Critique.
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« Côté cour » s'apparente d'abord à une dystopie : Leandro Avalos Blacha pousse jusqu'à son terme le règne de la société marchande, dont notre monde dit assez les capacités de nuisance et de dissolution des liens sociaux. « Côté cour » offre le visage d'un monde dont toutes les institutions semblent avoir été balayées au profit d'une unique société privée de téléphonie, Phonemark.

L'auteur ne situe jamais son récit. On pense à ces lieux sans histoire ni vie, ces banlieues uniformisées aux maisons individuelles et identiques, et où chacun peut jouir du même carré de pelouse. L'Etat n'existe pas ou plus. Phonemark semble détenir les pouvoirs régaliens. La milice remplace la police. Mais le plus frappant reste encore l'emprisonnement aux mains du secteur privé (ce qui est déjà largement le cas aux Etats-Unis). Leandro Avalos Blacho pousse simplement un peu plus loin la logique : l'entreprise propose l'emprisonnement de détenus à votre domicile. En somme, le maton remplace le citoyen. Alors certes, l'impôt est mentionné, mais vu le contexte, le lecteur peine à imaginer qu'il ne soit pas tout simplement levé… par l'entreprise. Phonemark, toute puissante, fait inévitablement penser à Big Brother dont elle partage quelques attributs comme la surveillance généralisée (via les téléphones évidemment).

Mais Leandro Avalos Blacha va plus loin et sa critique s'en retrouve plus pertinente et plus moderne. Car le néolibéralisme a passé la seconde, si vous me passez l'expression. Il n'est plus question seulement de surveillance (appelé dans la novlangue libérale « vidéo-protection » - prière de ne pas rire) mais bien de modeler les comportements, de façonner les âmes (essor de l'économie cognitive, de la neuroéconomie, etc.). Ainsi, une autre scène voit des résidents communier en chanson, à la manière d'un gospel mais sur l'air du jingle pub de Phonemark, pour célébrer un miracle, l'intervention, par l'entremise de l'antenne téléphonique de la marque, du Sacré dans leur quotidien. Ainsi c'est la transcendance elle-même qui a été… privatisée... A bien des égards, plusieurs scènes font penser au jugement divin s'abattant sur les résidents. de l'antenne Phonemark naissent des rayons capables de raser une résidence, telle la foudre tombée du ciel, comme une sorte de jugement immédiat et sans appel. Vous n'êtes pas en règle avec la Loi Phonemarkienne ? Soyez pulvérisés ! On pense au Dieu Marché et à ses dévots dont l'horizon social et même la spiritualité (!) semble se limiter à Phonemark.

Ce sont aussi à l'occasion de ces scènes que le récit dystopique se mêle de fantastique. Un fantastique monstrueux et grotesque qui m'a rappelé Jérôme Noirez dans sa propension à travailler les corps, à les découper, à les recomposer en d'improbables créatures (les monstrueuses créations du Dieu Nouveau ?). Idem d'ailleurs pour l'ambiance pessimiste et désenchantée. La monstruosité est ici une banalité. Chaque chapitre en regorge et les créatures hybrides n'en sont que la plus spectaculaire manifestation (d'ailleurs, cette scène est bien celle d'un spectacle – tarifé, bien entendu) ;

Bref, « Côté cour » est un super roman transfictionnel, dont la charge critique (à mon avis très intéressante) est teintée d'une féerie grotesque et glauque. Dans un genre assez proche, et toujours chez l'Asphalte, on conseillera « L'Employé » de Saccomanno.
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Tout le monde est sous la coupe des antennes de Phonemark dans «Côté cour», société omnipotente dans les télécommunications, les media, le divertissement et la sécurité. Ça ne vous rappelle rien ?
Producteur de séries télé, (sans doute pour «rendre le cerveau du téléspectateur disponible, le détendre entre deux messages publicitaires»), installateur de cellules de prisons chez des particuliers qui ont besoin d'arrondir leurs fins de mois pour pouvoir survivre et aussi continuer à envoyer le nombre minimum de SMS requis pour ne pas être radié du registre, Phonemark est partout, et ses antennes dominant la ville émettent des radiations aux pouvoirs surnaturels.

Dans ce roman-nouvelles en cinq chapitres, on suit par exemple Magda, une femme dotée d'un sens féroce des affaires, qui, avec son mari prétendument décédé et reclus dans la cave, entraîne en sous-sol des chiens d'attaque et quelques autres bêtes, en faisant montre d'un sadisme tout à fait méthodique, pour organiser des combats de gladiateurs et des paris, opposant ses animaux aux prisonniers du quartier.

«Magda n'avait jamais vu son mari heureux de toute son existence conventionnelle d'employé au service comptable de Phonemark. du jour où un ami lui avait vendu un certificat de décès, Elmer avait connu une véritable renaissance. Quelle que soit l'heure à laquelle Magda se rendait au sous-sol, elle le trouvait en train de faire des bonds comme un animal parmi les autres. Il était devenu un homme actif, entreprenant et sportif. C'est à peine s'il dormait. Il ne regrettait rien de son ancienne vie : personne ne le dérangeait plus, il n'était plus forcé d'assister à d'interminables réunions de travail et, de son studio bien insonorisé, nul écho ne lui parvenait des conversations de Magda avec le voisinage.»

Plus loin le docteur Braille, avec Dinastía, son employée fidèle, récupère des femmes ou des fillettes atteintes de la rage, les enchaîne dans sa cave et exerce sur leurs cadavres ses talents de réducteur de tête. Jusqu'à ce qu'il ne modifie sa routine pour éduquer l'une d'entre elles, la petite Clara…

Sans nous assommer de pourquoi ni de comment, Leandro Avalos Blacha nous immerge avec talent dans ce monde fantastique et terriblement familier. Ces cinq nouvelles aux chutes souvent brutales sont reliées entre elles, comme peuvent l'être ces pavillons de banlieue tous ressemblants et soumis aux mêmes déviances. Là, les vieilles femmes qui s'entraident, sont les seules capables de réelle empathie envers les prisonniers et souvent celles qui donnent de l'affection aux enfants, tandis que les adultes dévorés par le système ne distinguent absolument plus ce qu'est la barbarie.

Dans une veine de série Z déjà jubilatoire dans «Berazachussetts» et qui rappelle les «Dernières nouvelles de l'enfer» de Jérôme Leroy, on sourit beaucoup, mais le plus souvent jaune, à la lecture de ces récits qui nous montrent une humanité glaçante tant elle nous est proche, focalisée par l'argent et le divertissement poussé dans ses retranchements monstrueux et ultimes.
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Insolite est certainement le premier qualificatif qui vient à l'esprit à la lecture de ce recueil de nouvelles sordides de Leandro Avalos Blacha dans lequel les cours, les caves et autres sous-sols de maisons deviennent des prisons privées et les particuliers des geôliers un peu particuliers.
C'est un recueil d'autant plus déconcertant qu'il bouleverse les canons de la littérature. L'auteur a choisi de ne pas s'attarder sur la personnalité des délinquants, leur passé, leur vécu ou leurs émotions. Il a préféré porter un regard oblique sur leur condition pour mettre en lumière la barbarie et les bassesses des citoyens chargés de les surveiller et de les nourrir. Bien que présentant parfois un visage terrifiant, les prisonniers apparaissent in fine bien plus humains que leurs geôliers qui reflètent dans leurs excès les dérives de la société contemporaine : l'aliénation par l'appât du gain, le dogme du consumérisme, la quête de la satisfaction immédiate, le bouleversement du schéma et des valeurs familiales, le culte du loisir et de l'éphémère …
La collision entre ces personnages déjantés est efficace, les rebondissements nombreux et imprévisibles se révèlent diaboliques et cruels d'autant plus que l'auteur nimbe ses personnages d'un surréalisme ouaté. Leandro Avalos Blacha a trouvé une riche matière propice à des histoires farfelues dans lesquelles l'esprit satirique et l'imagination de l'auteur s'enrichissent mutuellement pour notre plus grand plaisir.
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Il se passe de drôles de choses dans les cours et les caves de ce quartier, autour de l'antenne téléphonique installée par la toute puissante firme téléphonique Phonemark. Les familles accueillent des prisonniers chez elles histoire de pouvoir joindre les deux bouts et envoyer le nombre règlementaire de SMS, et si certaines arrivent à sympathiser avec leurs drôles de locataires en cage, d'autres en font leurs souffre-douleurs et certains en profitent pour organiser des combats entre détenus et chiens. Il y a de moins en moins de naissances, de plus en plus de morts et de disparitions, de drôles de poupée faites à partir de têtes réduites qui semblent prendre vie, les femmes sont affligées de calvitie… bienvenue chez Leandro Ávalos Blacha.

On avait fait connaissance avec ce jeune auteur il y bientôt deux ans par le biais de Berazachussets, déjà pas mal déjanté dans son genre, et Côté cour vient confirmer tout le bien que l'on pensait de lui. En l'espace de 150 pages et de cinq chapitres que l'on peut tout aussi bien considérer comme cinq nouvelles percutantes, stupéfiantes et non dénuées d'une certaine poésie, Leandro Ávalos Blacha nous fait découvrir un monde sous la coupe d'un opérateur de téléphonie mobile qui a réduit ses clients en esclaves et même bouleversé les lois de la nature et le concept même de vie.
La plume toujours acérée, et avec un art consommé de la satire sociale Ávalos Blacha décrit un monde – le notre finalement, ou pas loin – où, s'ils vivent constamment dans la crainte de ce que pourrait leur faire la firme qui les domine et les oppresse, les gens (on ne peut clairement plus parler de citoyens), ont finalement glissé vers l'acceptation d'une situation qui n'est plus jamais remise en cause. Point de rébellion ici ; si l'on essaie toujours de gruger un peu Phonemark (en hébergeant par exemple sa famille chez soi), il s'agit seulement d'améliorer un peu sa propre situation et l'on ne prendrait pas le risque de ne pas recharger ses crédits de SMS. Seules les grands-mères, vestiges d'un autre monde, font encore preuve d'un véritable esprit de solidarité et de compassion là où les jeunes générations tentent seulement de survivre et de consommer avant l'extinction de l'espèce.

On rigole. On frémit aussi à la lecture de ce roman à mi-chemin entre le fantastique et la dystopie, et l'on se dit surtout que Leandro Ávalos Blacha fait partie, avec Leonardo Oyola, autre découverte des éditions Asphalte, de ce qui se fait de mieux dans la jeune génération d'écrivains argentins nourris au sein de la pop culture, de la série Z et de la crise économique et qui nous propose une littérature grave tout autant que déjantée et revigorante.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le prisonnier n’avait eu aucun mal à la séduire. Mais il prenait plaisir à la provoquer. Il se lavait juste devant les barreaux, avec l’éponge et le seau d’eau qu’on lui apportait chaque jour, pour qu’elle puisse le voir à moitié nu. Fany l’épiait par la fenêtre de la cuisine, pas tout à fait consciente du fait que sa silhouette se détachait derrière le rideau. Il n’avait jamais vu un tel mélange de désir et de terreur chez une femme. Elle est folle, se disait-il. Mais cela ne le dérangeait pas. Elle n’osera jamais rien faire, soupçonnait-il également. Cela l’inquiétait un peu plus. Cependant, il n’avait pas modifié sa stratégie. Ce n’était pas la première fois qu’il séduisait une de ses geôlières, et l’expérience lui disait que toute initiative prématurée risquait de tourner court : il arrivait qu’elles soient choquées et prennent peur. Dans ces cas-là, elles pouvaient se retrancher au-delà d’un point de non-retour. Il devenait à leurs yeux pareil à un sac d’ordures, un rebut qui ne perdait jamais de sa dangerosité. Mais depuis qu’Ángel avait appris à être patient et à se montrer plutôt comme un rebut passif dont elles pouvaient user et abuser, elles se donnaient à lui sans résistance, se sentant maîtresses de la situation. À elles de voir comment se passer de lui, le moment venu. Ángel avait ainsi provoqué nombre de crises de jalousie et quelques grossesses.
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Avant que le plumage pouilleux est touché le gazon, un faisceau de lumière fondit sur le volatile et lui rendit son vol, non sans l'avoir transformé en un imposant oiseau coloré. Ses plumes brillaient avec une intensité comme les spectateurs n'en avaient jamais contemplée sur leurs écrans de portables, même en haute définition. Le phœnix s'éloigna à tire d'aile en direction de l'antenne de Phonemark.
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Mamie a été la première à s’inscrire au Plan. La maison était trop grande pour elle et les délinquants ne lui faisaient pas peur. Elle voulait qu’on lui en envoie deux. Mais maman savait déjà ce qui nous attendait, alors elle l’a convaincue de commencer par en prendre un seul. Et de demander qu’ils l’installent plutôt dans la petite dépendance. Ma grand-mère était vieille et vivait seule ; ils ne feraient sans doute pas de difficultés. Comme ça, on aurait toute la maison pour nous, et, entre la retraite de mamie et ce qu’elle toucherait avec le Plan, papa calculait qu’on arriverait à s’en sortir.
Au moment où Phonemark a livré le prisonnier, il fallait que seule la maîtresse de maison soit présente. Du coup, on s’est tous retrouvés sur le trottoir avec les voisins, à regarder les fourgons garés devant l’entrée. Du premier, les techniciens ont sorti des machines et des outils bizarres, que même papa n’avait jamais vus à l’usine. Le délinquant devait être enfermé dans l’autre ; on ne voyait pas ce qu’il y avait à l’intérieur mais c’était ce qui se disait.
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