Qu'est-ce qui ne va pas chez les ados ? Leurs parents, déjà. Quand ils sont trop présents. Ou quand ils sont trop absents.
Rosie n'a pas de parents, ou si peu : sa mère s'est fait la malle à Dubaï avec son nouveau chéri. Et son père est de ces "hommes pressés" qui gagnent beaucoup d'argent mais perdent leurs proches. En plus le pauvre homme a besoin moralement de beaucoup travailler pour oublier le départ de sa femme. Et qu'importe si sa fille de treize ans a besoin d'être entourée, plus que jamais.
Rosie se sent mal, très mal, semelles de plomb, chape sur les épaules, voile gris, certitude de devenir folle : "La trouille au ventre et envahie de mauvaises pensées dont [elle] n'arrive pas à se défaire." (p. 9)
Elle tente timidement de se confier à sa grande amie. Celle-ci ne l'entend pas, trop insouciante ? Ou ne veut pas l'entendre, par crainte d'être contaminée ?
Rosie est seule, Rosie s'ennuie, Rosie se sent vide, Rosie a peur. Elle prend beaucoup de bains, se fourre sous la couette - nids chauds, refuges, enveloppes rassurantes autour du sentiment de vacuité : "Je me sens comme un petit soldat dans sa tranchée. Et je crois que je suis toute seule pour combattre."
Ça ne suffit pas, elle découvre les vertus apaisantes de l'alcool fort, seule, et de la drogue, avec d'autres : "Me donner la sensation d'être vivante pour oublier ce vide insupportable en moi. Rien qu'un peu".
Pas grand chose à ajouter pour parler de cet album, si beau, si doux, si triste.
Tellement plus sensible et subtil que la plupart des autofictions-BD sur le mal-être adolescent et l'engrenage de l'auto-destruction.
On le lit la gorge nouée, on le referme un peu apaisé, sur une lueur d'espoir : l'adolescence est un tunnel dont, fort heureusement, on trouve souvent l'issue.
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Rosie, jeune adolescente, se retrouve seule. Sa mère est partie et son père est souvent absent. La peur et l'angoisse l'amènent à dériver loin de la société. elle perd sa meilleure amie et trouve comme seule consolation la boisson.
Jusqu'au jour où elle rencontre une étrange garçon...
Une bande dessinée très dure sur l'abandon par les adultes de leurs responsabilités. On voit la jeune fille sombrer sans arriver à mettre des mots sur sa situation, son mal être.
C'est la rencontre avec un autre cassé par la vie qui va paradoxalement illuminer sa vie même si cela ne se fera pas sans souffrance.
Si j'ai trouvé au départ le récit très déprimant c'est parce qu'il sonne juste. le lecteur a au départ envie de tendre la main à Rosie. Mais ensuite, elle commence à nous faire peur. Nous sentons qu'il n'est pas aisé pour nous, de l'aider. Seul quelqu'un qui a connu son chemin peut le faire. Ou pas.
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Le muret... ou la muraille de Chine qui sépare les générations.
Le muret, un endroit isolé pour caché sa différence et son mal-être.
Le muret, un coin où les adultes ne viennent pas fourrer leur grand nez.
Rosie a 13 ans. Rosie a vu sa mère partir avec son amant, en la plantant là avec son père toujours absent... Et puis sa meilleure amie, du moins le croyait-elle, vient aussi de la lâcher pour sortir avec un garçon. Qu'est-ce qu'elles ont toutes avec les mecs ? Beurk.
Alors Rosie n'a plus en elle cette fraicheur et cette insouciance de l'enfance. Rosie découvre que l'alcool l'aide à supporter toute cette merde.
Et en picolant sur le muret, Rosie fait une rencontre : un jeune type comme elle, Jo, plus vieux, mais pas de beaucoup. Il vit tout seul dans un studio. Il écoute Les Bérruriers noirs,The Cure, les Ramones... Il ne lui demande rien, il n'attend rien d'elle. Et c'est ce qu'il faut à Rosie.
Jo se défonce à l'occasion aussi. Rosie va y gouter aussi. Mais son truc c'est l'alcool. Même au collège, elle est bourrée...
Que va-t-il advenir de Rosie et de Jo ?
Ces deux adolescents paumés, livrés à eux-mêmes par des adultes préoccupés ailleurs, vont essayer de se réconforter, de s'apporter un peu de tendresse dans ce monde dur et froid où ils ne trouvent pas leur place.
Un livre dur mais réaliste, à la fin cruelle mais pleine d'espoir au final.
(A offrir à certains parents laxistes...)
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J'ai trouvé cet album lors d'un passage en bouquinerie. Je n'avais pas lu depuis longtemps ce qu'on appelle un « roman graphique », comme cet album est désigné par l'éditeur. J'ai l'impression que cette dénomination est souvent utilisée simplement en raison du choix du noir et blanc… Nous sommes en 1988, en Belgique. Rosie subit une situation peu habituelle à son âge. A treize ans, elle doit se débrouiller seule à la maison, sa mère étant partie et son père étant très occupé par son travail. Heureusement, son amie d'enfance Nath est là. Mais bientôt, l'absentéisme et l'alcoolisme naissant de Rosie creusent un fossé entre les deux jeunes filles. Rosie fait la connaissance d'un garçon, un jour où elle broie du noir, seule sur ce muret où elle partageait avant ses secrets avec Nath. Comme elle, Jo est seul, se débrouille. Avec lui, elle connaît l'attention, mais aussi une certaine vie en marge, attirante et dangereuse à la fois. le jeune homme de seize ans l'initie à la musique, aux petits trafics et à l'amour… J'ai beaucoup apprécié dans cet album retrouver les grands aplats de noir que j'aime en matière de BD. le dessin est fin, mobile, expressif. Les auteurs excellent dans la retranscription de la solitude et d'une adolescence à la dérive. le tout est vraiment très réussi, s'ancre dans les années 80, tout en touchant à l'universel par sa mélancolie. le lecteur assiste avec inquiétude au quotidien de Rosie, abandonnée bien trop tôt et en quête d'affection. Quand elle porte une première fois une bouteille d'alcool à sa bouche, on voudrait en éloigner le goulot et la prendre dans ses bras. Une très belle trouvaille de bouquinerie !
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Le Muret est emprunt de mélancolie, de douceur et de violence. Parfois peu bavarde, ces cases n’en sont pas pour autant muettes et la contemplation d’instants précieux, silencieux, immerge encore plus le lecteur dans cette tourmente. Une lecture hautement recommandé pour les amateurs de récits poignants et sensibles.
Lire la critique sur le site : BullesEtOnomatopees
Difficile d'imaginer à la lecture du Muret (Casterman) que Céline Fraipont et Pierre Bailly sont par ailleurs la maman et le papa du Petit poilu (Dupuis), ce best-seller chez les habitués des bacs à sable !
Lire la critique sur le site : Actualitte
Pétri d'humanité et de sensibilité, Le Muret se doit d'être escaladé et découvert. Son propos sonne juste et on ne sort pas totalement indemne de sa lecture. La petite bouille fragile de Rosie vous suit pour longtemps !
Lire la critique sur le site : Auracan
On ne les attendait pas là, Céline Fraipont et Pierre Bailly, le duo qui fait la joie des enfants avec Petit Poilu. Mais avec cette première incursion ensemble dans le long récit pour adultes, ils font mouche.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Une écriture sobre, qui va à l’essentiel, et un trait épuré, qui offre une saisissante plongée dans la vie de Rosie… il n’en fallait pas plus pour offrir un excellent livre, intelligent, tout en retenue et en élégance.
Lire la critique sur le site : BDGest
Je ne sais pas qui je dois remercier de nous avoir fait nous rencontrer. Il est comme une partie de moi-même. La partie que j'aime.
Certains moments de nos vies passent en jetant sur le ciel des nuages de cendre... Leurs particules sombres enveloppent nos âmes d'un froid glacial... Puis, peu à peu, le souvenir nous remplit d'une force imprévisible et précieuse... (p. 186)
Maintenant, je dois me forcer pour faire les choses...
Tout m'emmerde...
Et j'angoisse en permanence...
Quand je suis à la maison...
Quand je marche dans la rue...
Quand la nuit tombe...
Quand les gens me regardent...
J'angoisse à en crever...
Me donner la sensation d'être vivante pour oublier ce vide insupportable en moi. Rien qu'un peu. (p. 137)
J'ai décidé de lui faire honneur.
Comme lui, je me suis accrochée, j'ai tenté de ne pas me laisser démonter.
Comme lui, j'ai balayé mes peurs, ravalé mes douleurs.
Puis j'ai regardé au loin.
Droit devant.