Nous sommes dans les années 70, un jeune homme marche de villages en villages, savoure la nature, semble vouloir se perdre pour mieux se retrouver. C'est dans l'auberge d'un village qu'Antoine fait une halte dans sa marche, comme happé par les habitants et la nature environnante. Angèle l'aubergiste prend soin de lui et le recommande à une certaine baronne qui cherche un jardinier. Celle-ci, vieille dame retranchée dans son manoir, semble murée dans son passé. Antoine se laisse porter par ces deux fortes et étranges rencontres, par les histoires de ses femmes.
Roman tout en délicatesse et poésie sur la beauté et la fragilité de l'existence, à savourer à l'approche de l'hiver.
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voici un livre intéressant à plus d'un titre : analyse de l'âme humaine, description si vraie d'un village, hymne à la nature...
Et par dessus tout une écriture aisée et poétique. Que c'est agréable de lire du beau français. Bravo, continuez!
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J'ai commencé à lâcher ma bande de copains pour des escapades à la bibliothèque, je leur cachais bien sûr l'objet de mes disparitions matinales (...), je faisais connaissance avec un monde autre, pourtant j'avais l'impression de renouer avec quelque chose qui m'appartenait, je me sentais chez moi. Personne ne pouvait m'empêcher de pénétrer dans les livres, plus rien n'existait, seulement ce qui m'attendait à chaque page. Au début, je furetais dans les rayonnages et j'ouvrais au hasard des livres sur n'importe quel sujet, je m'attardais sur les images, mais je ne savais pas par où commencer, j’entassais donc sur une table mon butin et je feuilletais. Au bout de quelques visites, la bibliothécaire est venue me voir et m'a expliqué que soit je devais lui rendre les livres que je sortais des rayons ou bien les remettre moi-même là où je les avais pris. Le rouge aux joues et l'air mauvais, j'avais bien dû lui dire que je ne me rappelais pas les avoir pris. Ce jour-là, elle m'a proposé de faire le tour de tous les rayons pour m'expliquer où se trouvait ce qui m'intéressait.
Les jours glissent imperceptiblement vers l'hiver et le soleil, pris de remords, diffuse une lumière aux reflets de miel. Je me gorge de ces instants. Des oiseaux tiennent conseil sur des fils électriques. Les feuillages, qui n'étaient que rougeoiements voilà quelques jours, virent au roux, la forêt infuse sa dernière tisane avant d'entrer en dormance. Ce village n'est pas un cul-de-sac comme Angèle se plaît à le dire. C'est une porte. Derrière, s'offre à moi la Nature.
Les choses vues et pensées du profond de la nuit sont toujours plus évidentes que celles du grand jour. On voit les gens, les faits, avec une grande acuité que l'on perd aussitôt le jour venu, on est à la fois acteur, observateur et témoin de ce qui se déroule, vision globale parfaite de la situation. On essaie de faire ensuite avec les bribes de lucidité qui nous restent de cette clairvoyance nocturne.
Les matins sont déjà froids pour la saison, une brume grise s’effiloche à la cime des arbres et retombe en un voile humide sur la tête et les épaules. Les mains enfoncées dans les poches de mon blouson, je ralentis le pas lorsque je m’engage dans l’allée de la maison. Cette fois, j’ai bien vu inscrit sur la partie haute de la grille « LA ROSIÈRE » en lettres majuscules de fer forgé.
La seule chose qui rappelle un peu la vie ici, ce sont les oiseaux qui piaillent dans les arbres du parc, merles, moineaux, pies ; pour le reste, tout est mort, une atmosphère de cimetière. À l’approche de la bâtisse, pas un mouvement, et pourtant je sens une présence qui m’épie. D’où va-t-elle surgir aujourd’hui ?
Enfant, j'écrivais la confiance, je vivais chaque jour comme une conquête. Aujourd'hui, je tente de renouer avec cet état, d'en faire mon crédo, de bâtir ainsi ma nature d'homme. Là est toute l'aventure à laquelle je veux m'ouvrir, même si je suis là pour rien, y être pleinement.