Carnets d'Europe : Brest to Brest

C'est tout le problème d'Auschwitz, de sa muséographie, de sa scénographie, et au bout du compte de sa banalisation, qui est posé.
Les barbelés sont neufs, les crématoires reconstruits, baraques et miradors sont constamment restaurés.
Auschwitz, destination touristique. Le moyen de faire autrement ?
Je me demande parfois s'il ne vaudrait pas mieux dresser un enclos autour d'Auschwitz-Birkenau, en interdire l'accès. Et construire à côté un immense musée à vocation pédagogique.
En fait, je n'en sais rien. Qu'on puisse encore vivre ici me parait déjà étonnant.

À l'époque où les crématoires tournaient nuit et jour, les habitants prétendaient ne s'être aperçu de rien.
Mais que penser de ceux, toutes nationalités confondues, qui se font tirer le portrait, souriant à l'ombre des potences et des barbelés électrifiés ? De quoi ce sont-ils aperçu ? Quelle est la signification d'un tel acte photographique ?
Tenez, là c'est Germaine devant l'Arc de Triomphe, et là, sur la plage à Djerba, elle avait un peu grossi à l'époque, vous ne trouvez pas ? Et là, Germaine devant la grande pyramide. Et puis voyez, là c'est elle à Auschwitz au pied des miradors.
Quelle peut être la place d'une telle photographie dans un album de souvenirs?

Et quelle peut être dans les rayons d'une bibliothèque la place de ces beaux livres de photographies vendus sur place, odes à l'esthétique du barbelé en contrejour, sur fond de soleil couchant ou de ciel tourmenté ? Que dit Auschwitz aujourd'hui sur Auschwitz d'hier ? qu'a-t-il encore le pouvoir d'en dire ?