L'étrange locataire de Madame Eliot a été publié par les éditions du Bord du Lot en 2009 sous le titre
le Locataire, puis réimprimé en 2012 sous son titre actuel, puis publié en 2022 par les éditions
De Borée en version poche. le style est vif, piquant, direct avec ses mots qui s'enchaînent avec bonheur, sans entraves: " Plongée dans ses profondes réflexions sur la qualité humaine, elle ne vit pas tout de suite l'inconnu qui s'engageait sur le sentier menant à leur propriété. Quand elle l'entendit, il était trop tard pour s'enfuir sans qu'il la voie et son orgueil étant plus grand que sa timidité, elle resta sur son perchoir: "Pas question d'avoir l'air d'une peureuse!" (Page 15).
D'emblée, le lecteur est séduit par le ton un tantinet bravache, revigorant, avec un soupçon d'impertinence et un zeste de fantaisie: " Elle aimait bien ses lunettes cerclées d'or, comme celles de Lydia à l'école, cela faisait chic! Ses yeux verts ressemblaient à ceux du chevalier Galaad et c'était plutôt bon signe. Mais un chevalier se devait d'être glabre, or celui-ci avait une superbe moustache blond-roux, aux poils aussi raides que ceux du chien Skepsy. La comparaison lui parut amusante, finalement il tenait plus du chien que du chevalier!" (Page 16).
Construction: des chapitres courts assurent le rythme soutenu maintenant le lecteur en alerte constante; les passages en italique révèlent les motivations du tueur, laissant des indices si infimes qu'il est impossible de l'identifier avec certitude, ce qui fait tout le sel du roman, mais également son intention de commettre un nouveau meurtre, histoire de faire monter la pression.
Thème: sauvegarde du patrimoine et d'une qualité de vie proche de la nature que seule une existence loin des villes modernes peut offrir; dans le roman, dénoncer un projet autoroutier motivé non par le bien-être des populations mais par de vulgaires préoccupations économiques, quitte à détruire un environnement rural.
Fil rouge: passionnée par les histoires des Chevaliers de la Table Ronde, les constantes références de Catherine, allant jusqu'à trouver des équivalents dans son quotidien (personnages, coutumes médiévales).
L'intrigue:
Suite au décès de son mari et de leur fils deux ans plus tôt dans un accident de voiture, Maud Eliot doit prendre une décision drastique si elle veut garder leur maison qui lui coûte trop cher. La solution serait de vendre mais elle ne peut s'y résoudre. Ce serait lui arracher le coeur. La solution: prendre un locataire.
C'est alors que se présente Bernard Lancieux, un historien à la recherche d'un logis provisoire afin de mener à bien ses recherches sur le Grand Condé. le jour de l'enterrement de madame Cédille, une charmante vieille dame avec qui Maud s'entendait très bien. Morte dans des conditions curieuses, il faut bien se l'avouer: elle qui avait le vertige, pourquoi s'était-elle penchée à la fenêtre du deuxième étage pour arracher la vigne vierge?
Pour quelle raison Maud, sans vraiment se l'avouer, se sent-elle mal à l'aise en présence de l'historien? Quelques jours plus tard, elle découvre le corps sans vie de sa femme de ménage, madame Frémi, dans sa chaufferie. Rupture brutale des vertèbres cervicales à la suite d'un choc violent. Bien que certains détails ne collent pas, le médecin conclue à un accident, comme pour madame Cédille.
Tandis que le village déplore la disparition du petit Mathieu, garçon turbulent de dix ans, Bernard parvient à convaincre Maud de se lancer dans la bataille contre le projet autoroutier. Ensemble, ils reprennent chaque pièce du dossier afin d'en découvrir les failles. Mais la jeune femme ne peut s'empêcher de se sentir troublé et inquiète. Morts violentes soi-disant accidentelles, disparition mystérieuse, l'étau semble se resserrer autour d'elle. La peur ne tarde pas à s'abattre sur le village comme un nuage maléfique.
Premier roman de l'auteur,
L'étrange locataire de madame Eliot pose d'emblée le style et les thèmes qui caractériseront ses romans tout au long de sa déjà fructueuse bibliographie: des personnages souvent hauts en couleur, attachants et sympathiques, d'autres louches et antipathiques; des intrigues habilement ficelées autour de thèmes forts, toujours en lien avec la préservation du patrimoine, de l'environnement, d'un mode de vie proche de la nature, de valeurs telle que l'authenticité, la probité, la solidarité, l'amour...
Sylvie Baron a cela pour elle qu'elle n'est jamais dans le jugement tranché, que ce soit pour ou contre. Dans ses romans, elle donne toujours la parole aux deux parties opposées. Au lecteur de faire la part des choses...Et de découvrir le ou les coupables; car n'oublions pas que Sylvie excelle à concocter des intrigues et des mystères criminelles originales, car toujours menées par des détectives amateurs, souvent contre leur gré, pris dans les événements qui troublent leur quotidien.
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