ESPOIR
Après un jour de pluie, un jour
de pluie. La séquence logique du temps
se manifeste dans le gris du ciel ; toutefois,
le soleil se laisse deviner derrière
les nuages, et l'homme espère
que le beau temps vienne après la pluie et que
le soleil dissipe la grisaille des nuages.
Le temps, ainsi, nous donne l'image
de ce que nous sommes en droit d’espérer, et nous aide
à éprouver, en ces jours pluvieux, notre froid
sentiment de l’hiver : comme si le soleil
et la pluie ne faisaient pas partie
de ce monde naturel, que nous regardons
comme s'il était un miroir de l'âme.
Mais les nuages se moquent bien
de tout cela ; ils recouvrent lentement, à mesure
que la journée avance, tout espoir
d'été. Seuls les oiseaux, battant
leurs ailes contre le ciel, nous disent
qu'après le temps, d'autres temps
viendront, par-delà nous-mêmes.
Et la joie brève de leur vol
est un rayon de soleil en ce jour de pluie.
Nuno JUDICE
Traduit du portugais par Michel Chandeigne
Du jardin
1
Ce qui manque sans cesse aux mortels,
ce trou dans l’air entre les choses
où le regard s’échappe, s’assombrit
où s’attriste, voici qu’il prend soudain
la mesure de sa soif en entendant
prononcer à voix basse le mot jardin,
voici que tout s’éclaire désormais
comme si la fontaine des larmes
si longtemps muette avait retrouvé
sa source et coulait ronde
et paisible sur nos joues.
…
//Guy Goffette (1947 -)
"Dans la nuit", Jean Métellus
Dans la nuit,
Couleur de ma peau, ciment des mystères,
Silence du soleil, démence des despotes
Un rêve instable murmure les hauts faits de l’histoire
Déplisse les cicatrices habitées par le temps,
Dans la nuit,
Royaume des maudits, forteresse à jeun,
Forêt de peurs et de pleurs
Le goût de la lumière allumera-t-il la colère
Brisera-t-il la tutelle de l’ignorance et de l’impudence ?
Dans la nuit,
Baptistère et suaire des prières,
Terreau et tombeau des songes,
L’étreinte de la douleur vient froisser une tapisserie défaite
Elle effrite une mosaïque déjà en miettes
Dans la nuit,
Abri et prison du désir et des promesses
Mon pays affamé, craquelé, se réveillera-t-il ?
Mes frères bâillonnés, malmenés, se lèveront-ils ?
Malgré la misère, malgré les chimères
Malgré les convulsions des illusions
Libéreront-ils des mots d’aurore et d’ambre ?
Ils chanteront l’espoir,
Sanctuaire de l’audace et de la foi,
Demeure de la sagesse qui domine les hasards.
On s’approchera de la lumière
ce que la main recueille et la paume
deux yeux lumière rejoint sa source
il y a un mur blanc
ce mur est blanc il
serait noir que pareil ce serait
ce mur est un mur
ce mur arrête la lumière
qu’il soit blanc ou noir n’importe pas
ce mur est un mur parce qu’il arrête la lumière
qu’il fasse nuit ou jour n’importe pas
le mur arrête la lumière
c’est sa définition première identité même du mur
l’un dit je prends une massue
l’autre dit lève la massue
et le troisième la massue frappe le mur
le mur s’effondre
la lumière est nue
plus barrage et plus retenue
vue lumière fleuve changeant en avant de
l’action ce qui nous porte
Benoît Conort
L'icône Espérance
Il y a le bleu des brèches et des horizons pâles
Il y a que je pense à un figuier comme
À la perfection du sommeil
Il y a que le ciel penche au-dedans de nous
Et se relève : il y a la jeunesse des eaux.
Il y a une icône au fond d’un temple
Et le temps qui s’inscrit tout entier en toi
Il y a ce poème qui te ressemble
Une rose à jamais pure
Rose noire la rose de ta voix.
Il y a une arche au-dessus du froid
Quelque chose qui respire tout près d’ici
Je t’écoute est-ce toi est-ce moi
Il y a une source qui ne finit pas.
Lionel Ray
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