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EAN : 9782253109204
88 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.38/5   8 notes
Résumé :
En analysant, depuis plus de trente ans, les liens qu'entretiennent les grands mouvements de société et l'obsession contemporaine de la production, Jean Baudrillard s'est placé au coeur de la problématique d'une génération rebelle aux repères imposés par la toute-puissance du marché. A la « virtualisation » de notre monde, à l'univocité du « commerce » des signes, aux vertus illusoires de la transparence et aux mystifications de la valeur marchande, il oppose la pro... >Voir plus
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Toute « transparence » pose immédiatement la question de son contraire, le secret. C’est une alternative qui ne relève en rien de la morale, du bien et du mal : il y a du secret et du profane, ce qui est une autre répartition des choses. Certaines choses ne seront jamais données à voir, se partagent dans le secret selon un type d’échange différent de celui qui passe par le visible. Lorsque tout tend à passer du côté du visible, comme c’est le cas dans notre univers, que deviennent les choses jadis secrètes ? Elles deviennent occultes, clandestines, maléfiques : ce qui était simplement secret, c’est-à-dire donné à s’échanger dans le secret, devient le mal et doit être aboli, exterminé. Mais on ne peut pas les détruire : d’une certaine façon, le secret est indestructible. Il va alors se diaboliser et passer au travers des instruments mêmes employés pour l’éliminer. Son énergie est celle du mal, l’énergie qui vient de la non-unification des choses – le bien se définissant comme l’unification des choses dans un monde totalisé.
Dès lors tout ce qui repose sur la dualité, sur la dissociation des choses, sur la négativité, sur la mort, est tenu pour le mal. Notre société s’emploie donc à faire que tout aille bien, qu’à chaque besoin réponde une technologie. Toute la technologie est du côté du bien en ce sens-là, c’est-à-dire de l’accomplissement du désir général, dans un état de chose unifié.

(page 39, La transparence du mal)
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Le phénomène de masse, tel qu’on l’identifie en sociologie, était déjà un phénomène fractal, un phénomène virtuel, un phénomène viral. Toutes ces dimensions, qui ont eu leur phase historique d’émergence, se retrouvent dans la physique des masses. N’y aurait-il plus donc qu’un individu fractal, c’est-à-dire non pas divisé – ce qui lui assurait encore une intégrité, même problématique –, mais disséminé, multiplié à l’infini ? Culturellement, l’individu est déjà cloné, il n’a pas besoin de l’être génétiquement, biologiquement. Peut-être le sera-t-il, mais de toute façon il l’est déjà mentalement et culturellement : cette évolution est tout à fait perceptible.
Face à ces formes chaotiques et catastrophiques, et à leur processus d’exponentialité, on constate que le macrocosme humain, qu’on pensait universaliser grâce à une maîtrise du monde par la rationalité, est devenu une bulle à l’intérieur d’un microcosme complètement incontrôlable, qui est d’ordre microphysique, aléatoire. La règle est désormais le moléculaire, l’aléatoire. Quant au réel, au sens, à la vérité, ils sont l’exception – c’est-à-dire un mystère. Comment cet effet de vérité, cet effet de réel peuvent-ils avoir quelque part, dans une infime localisation de l’univers, pris naissance et duré si peu que ce soit – même s’ils sont en voie de disparition ?

(page 53, L'aléatoire)
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Bien sûr, scène et obscène n’ont pas la même étymologie, mais le rapprochement est tentant. Car, dès qu’il y a scène, il y a regard et distance, jeu et altérité. Le spectacle a partie liée avec la scène. En revanche, lorsqu’on est dans l’obscénité, il n’y a plus de scène, de jeu, la distance du regard s’efface. Prenons le pornographique : il est clair qu’on a là le corps tout entier réalisé. Peut-être la définition de l’obscénité serait-elle alors le devenir réel, absolument réel, de quelque chose qui, jusque-là, était métaphorisé ou avait une dimension métaphorique. La sexualité a toujours – la séduction également – une dimension métaphorique. Dans l’obscénité, les corps, les organes sexuels, l’acte sexuel, sont brutalement non plus « mis en scène », mais immédiatement donnés à voir, c’est-à-dire à dévorer, ils sont absorbés et résorbés du même coup. C’est un acting out total de choses qui, en principe, font l’objet d’une dramaturgie, d’une scène, d’un jeu entre les partenaires. Là, pas de jeu, pas de dialectique, ni d’écart, mais une collusion totale des éléments.

(page 33, L'obscène)
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Le destin approche la notion d’échange impossible, du moins dans l’absolu. Le destin ne s’échange contre rien. C’est quelque chose qui, à un moment donné, est d’une telle singularité que ce n’est échangeable contre aucune rationalité que ce soit. Ainsi la dimension radicale du destin serait celle de l’échange impossible. À mon avis, l’échange est un leurre, une illusion, mais tout nous porte à faire en sorte que puissent s’échanger les idées, les mots, les marchandises, les biens, les individus… Que la mort elle-même puisse s’échanger contre quelque chose. Et c’est encore une modalité de l’échange que de trouver des raisons pour tout, des causes, des finalités. Pour que fonctionne ce leurre, il faut que tout ait un référent, un équivalent, quelque part. C’est-à-dire une possibilité d’échange en termes de valeur. Au contraire, ce qui ne s’échange pas serait, pour aller très vite, la part maudite selon Bataille – et il faut la réduire.

(page 73, L'échange impossible)
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Une pensée objective était parfaitement adéquate à l’image d’un monde qu’on supposait déterminé. Elle ne l’est plus à un monde déstabilisé, incertain. Donc, il faut retrouver une sorte de pensée événement, qui parvienne à faire de l’incertitude un principe, et de l’échange impossible une règle du jeu, sachant qu’elle n’est échangeable ni contre la vérité, ni contre la réalité. Elle est autre chose, qui demeure énigmatique. Comment peut-elle encore se situer sans prétendre à la maîtrise de la signification, en étant dans le flux des apparences, non référencée sur la vérité ? C’est le principe de l’échange impossible, et il me semble que la pensée doit en tenir compte, faire de l’incertitude une règle du jeu. Mais elle doit savoir qu’elle joue sans conclusion possible, dans une forme définitive d’illusion, donc de mise en jeu, y compris de son propre statut.

(page 84, La pensée)
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Vidéo de Jean Baudrillard
Le 13 septembre 2014, l'émission “Une vie, une oeuvre” diffusée tous les samedis sur France Culture, était consacrée à l'évocation du philosophe français, Jean Baudrillard (1929-2007). Par Delphine Japhet et Olivier Jacquemond. Réalisation : Ghislaine David. Attachée d'émission : Claire Poinsignon. Ni morale, ni critique, une « pensée radicale ». Rendre au monde son étrangeté, l’appréhender avec un regard séducteur, telle fut l’entreprise de Baudrillard. Sociologue, philosophe, poète ? Baudrillard est inclassable, et s’est toujours tenu à la marge des institutions académiques, créant son propre style. Ni morale, ni critique, il ne conçut jamais sa pensée comme édificatrice. En revanche, concepts féconds, réflexion visionnaire, il a toujours été un observateur hors norme de notre temps. Au risque de l’hostilité, de la polémique, il s’est emparé d’événements historiques aussi délicats que la Guerre du Golfe ou les attentats du 11 septembre. Reconnu comme une icône, un gourou à l’étranger, traduit dans une trentaine de langues, il est méconnu en France. Cet épisode de « Une vie, une œuvre », traque les traces de celui qui a toujours cherché à les effacer et à faire de la pensée un jeu de piste. Invités : Marine Baudrillard, épouse de Jean Baudrillard. François L’Yvonnet, professeur de philosophie et éditeur. François Cusset, historien des idées, professeur de civilisation américaine à l’Université de Nanterre. Sylvère Lotringer, philosophe français, professeur à l’université Columbia de New York. Robert Maggiori, philosophe, journaliste à Libération. Jacques Donzelot, maître de conférences en sociologie politique à l'Université de Paris X Nanterre.
Thèmes : Arts & Spectacles| Philosophie| Société| Jean Baudrillard
Source : France Culture
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