La nuit anglaise de Léon François Marie Bellin de la Liborlière est parue en 1799 et est sous-titrée Roman gothique. Cet ouvrage est une parodie du genre littéraire gothique qui a été créé au XVIIIe siècle en Angleterre avec
Horace Walpole et son Château d'Otrante. En ce siècle, les romans noirs ou dit gothiques envahissent les rayons des librairies et sont particulièrement prisés par les femmes qui y voient un moyen, entre autre, de s'émanciper et de vivre des aventures. La multiplication de ces romans conduit aux critiques acerbes des intellectuels français qui y voient une perversion et une manière de détourner les femmes de leurs prérogatives (enfantement, ménage, foyer). Ce mépris entraîne également des auteurs à écrire des pastiches de ce genre « féminin ».
Bellin de la Liborlière s'inscrit, avec
La nuit anglaise, dans cette droite lignée et condense, dans son livre, tous les plus grands romans gothiques. En effet, l'auteur compose son ouvrage en reprenant les intrigues et les citations des classiques du genre, en une forme de pot-pourri gothique. Ce qui est le plus étonnant est que le héros lui-même est conscient de ce mélange et envisage ce qui lui arrive sous l'angle des péripéties narratives qu'il a pu lire. Il y a donc sans cesse un double jeu où le narrateur joue avec le genre, ce dont a conscience son personnage. Ainsi en plaçant son intrigue dans une atmosphère et une architecture gothique et en utilisant les multiples péripéties du genre,
Bellin de la Liborlière reprend tous les codes du roman gothique pour mieux les pasticher. Un choix calculé mais tout de même étonnant dans la mesure où, quelques années plus tôt, il avait lui-même écrit un roman gothique, Célestine, dans les droites lignes du genre. Il se justifie en écrivant qu'il s'agit d'un ajustement suite à une période « de mauvais goût » mais c'est surtout que la mode avait changé et était dorénavant aux caricatures gothiques.
Un livre détonnant qui pourra ne faire que sourire les amateurs du genre.
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