Plus on écoute de la musique, et plus on l'apprécie: c'est une des particularités de la culture. Et c'est pareil pour la peinture, ou les autres arts. Contrairement à la fameuse loi des économistes dite de l'utilité marginale: quand on a déjà avalé trois mojitos, le quatrième a moins d'intérêt (et peut même provoquer un certain écoeurement).
Si les économistes sont peu nombreux à s'être penchés sur la culture, certains, des plus célèbres, s'y sont intéressés. A commencer par
Adam Smith, notre bon père à tous (vous vous souvenez, la "main invisible" du marché). Lequel Smith voyait dans la culture l'exemple même de l'activité non productive. Alors que
Keynes, en 1940, fut chargé de créer et de diriger le conseil d'encouragement à la musique et aux arts, qui deviendra l'Arts Council. le but était d'aider les artistes et de distraire la population britannique, alors en pleine bataille d'Angleterre.
La culture, sujet éminemment politique, est également soumise aux lois de l'économie. Il n'est que de voir les chiffres d'affaires de sociétés comme Disney, Warner, ou en France, Vivendi. Bertelsmann, géant allemand de l'édition, de la presse, et de la musique avec BMG, frôle les 20 milliards d'Euros annuels. C'est comparable à celui de Facebook.
Ce petit livre a le mérite de faire le tour de la question en quelques tableaux - pas trop, et les nombreux encadrés dont est coutume la collection Repères, et qui en rendent la lecture dynamique. Quelques notions économiques ne sont pas expliquées par l'auteure, il faudra donc se référer à Wikipédia pour en savoir plus. Mais même sans cela, on apprendra une foule de choses: stratégies des principaux acteurs, dépenses des ménages, emplois (près d'un million en France, en équivalent temps plein), coût moyen de production des films, subventions,...
Quelques touches de sociologie sont utilement rappelées: par exemple, la corrélation entre le niveau de revenu, l'éducation, et la fréquentation de certains spectacles, l'Opéra en étant l'exemple caricatural (130 Euros de subventions par place, quand même!).
Moins connue sans doute, l'auteure aborde la question du choix du métier d'artiste, périlleux, ainsi que les motivations des mécènes. Elle cite également Gary Becker, qui fut par ailleurs prix Nobel d'économie en 1992. Ce père de la théorie du choix rationnel, qui a cherché à réconcilier économie et sociologie, n'a pas hésité à mettre en équation le plaisir de la consommation musicale!
Ce sont peut-être les aspects politiques qui donnent le plus à réfléchir. La place de la culture dans les sociétés, abordée notamment sous l'angle du financement, mais aussi des retombées indirectes (tourisme culturel, prestige...) L'importance du mécénat aux Etats-Unis est opposée au modèle français centralisé, où le ministère de la Culture gère un important budget. Elle souligne les risques associés au numérique, à la concentration, et les menaces pour le futur : le livre, incontrôlable une fois publié, facile à disséminer, est une barrière au totalitarisme, alors que les majors du multimédia sont plus sensibles à un contrôle centralisé.