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EAN : 9782369140160
336 pages
Libretto (03/04/2014)
4.06/5   9 notes
Résumé :
Joyeux, c’est le surnom donné aux damnés qu’on laisse pourrir dans les bataillons disciplinaires d’Afrique. Joyeux, quelle ironie…

Julien Blanc raconte les années terribles où, parmi ces désespérés, oubliés dans un lointain désert, il tente de survivre. Lui, le révolté, l’enfant qui a fait ses humanités à l’orphelinat, ressent une rage noire envers la bêtise, l’obscurantisme de ceux qui les ont envoyés là.

Toute sa tendresse, son immens... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Merci à Babelio et aux éditions Libretto de m'avoir permis de lire ce roman autobiographique de Julien Blanc. Il s'agit du troisième tome d'une trilogie.

"Joyeux, fais ton fourbi" est le récit du séjour de 7 ans que l'auteur-narrateur fit aux bataillons disciplinaires d'Afrique, réservés aux délinquants de droit commun et aux fortes têtes. Il a la chance, au début de sa peine, d'être affecté à l'infirmerie du camp d'Outat, au Maroc, soutenu par un médecin qui reconnait son intelligence. Il tire parti de ce poste privilégié pour entamer des études par correspondance, entamant une lente réhabilitation.

Ce travail d'infirmier lui permet aussi d'adopter une position d'observateur, assez subjectif et quelque peu hypocrite, de ses compagnons de misère. Il fait ainsi quelques beaux portraits de bagnards. Trobé, un colosse envoyé aux bats d'Af pour une histoire d'amour, qui se rebelle mais se laissera mourir après la trahison de sa fiancée. Cécel, autre homme fort, rendu malade par l'alcool, mais d'une gentilesse exceptionnelle. Ou bien Cicéron, le collègue du narrateur, un jaloux mythomane et sadique.

Le thème majeur du livre est l'homosexualité. Dans ce milieu sans femmes, elle est présente partout. le narrateur ne la condamne pas mais il s'en prend aux relations sexuelles imposées par les hommes forts de son camp aux faibles qui deviennent leurs "femmes". Mêmes les bagnards dégoûtés par ces relations se doivent de "piquer" un compagnon dans les convois de nouveaux. Ils vivent dans un monde où tous exaltent les valeurs viriles mais sont contraint à l'homosexualité. le narrateur lui-même n'a pas de relation, mais tout au long du livre on sent la tentation, même quand il est rentré en métropole.

Ces rapports sexuels de force sont soutenus par les autorités du camp, qui assurent ainsi une certaine discipline. Soumis à l'arbitraire et à la bêtise des officiers et des sous-officiers, les bagnards vivent dans la misère sexuelle, affective et intellectuelle. Plutôt que de se révolter, ils s'humilient entre eux et s'entre tuent. Quand aux indigènes, le narrateur décrit la misère de l'immense majorité d'entre eux et en vient à penser qu'on devrait leur accorder l'indépendance.

Le livre est très bien écrit. Les dialogues sont savoureux, même si je n'ai pas compris tout l'argot des bats d'Af. Surtout l'auteur réussit des portraits psychologiques superbes de ses compagnons et de leurs tortionnaires.
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Joyeux, fais ton fourbi, c'est l'histoire d'un ancien délinquant intégré au bataillon d'infanterie d'Afrique (appelé le bat' d'Af') pour une durée plutôt indéterminée. Dans ce campement maudit, on casse des cailloux et on construit des routes, mais les « joyeux » – puisque tel est le nom ironiquement donné aux hôtes de ce triste lieu – n'ont qu'un seul but : être réformé. Pour cela, certains se maquillent pour simuler abcès et fractures tandis que d'autres recherchent syphilis et chancre. La hiérarchie est forte : les gradés trouvent leur jouissance dans de mesquines punitions faisant planer, comme une épée de Damoclès, la menace de l'allongement de la peine et les hommes forts avilissent les plus faibles, surnommés les « femmes » et contraints d'accomplir leurs tâches ménagères et d'assouvir le désir sexuel. Humiliations, homosexualité souvent subie, misère intellectuelle…
Le narrateur, âgé d'une vingtaine d'années, restera plus de sept ans au bat' d'Af'. Pourtant, il ne s'en sort pas trop mal – disons, si on compare son quotidien avec celui des autres condamnés – lorsqu'il est pris sous l'aile du toubib. Depuis son poste d'infirmier, il se fait le témoin de cette microsociété où règnent la misère et la sauvagerie. Quelque fois, des amitiés se nouent et sont, avec les livres qu'il conserve précieusement dans une malle, la seule lueur d'espoir dans ce cloaque. Il livre de magnifiques portraits, notamment celui de Trobé, colosse dont la force n'a n'égale que la gentillesse.

Il m'a rappelé, dans l'écriture, le Lycéen de Bayon. Deux livres intenses que j'ai eu du mal à terminer (car j'ai eu du mal à y entrer), mais que j'ai pourtant aimé. Si les sujets sont différents, ils se rejoignent en proposant deux portraits d'une microsociété (celle des joyeux et celle des lycéens).

Des sentiments forts dans ce livre, mais pas de pleurnicherie. de la haine pour ceux qui abusent de leur force ou de leur position, de l'amitié pour ses compagnons d'infortune qu'il tente d'aider au mieux. Un pamphlet contre la bêtise et la brutalité humaine. Des passages durs que l'on lit le coeur au bord des lèvres. Un texte brut qui prend aux tripes.
Une découverte dense et riche en émotions.
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Avec « La confusion des peines » Julien Blanc nous avait narré le difficile parcours de son enfance orpheline, ballotée de pensionnat en maisons de « redressement ». Déjà, il avait expérimenté toute la cruauté des hommes. 
Révolté, voleur (par provocation et pour appeler l'attention), déserteur, le voilà maintenant au Bataillon d'Afrique en plein sud marocain. Bataillon parfois, bagne le plus souvent.
Il faut avoir le coeur bien accroché pour suivre le quotidien de ces hommes réduits à l'état de bêtes. Violence, promiscuité, saleté, ivrognerie, sadisme, homosexualité forcée sur les plus faibles… C'est un véritable enfer dans lequel pourtant, Julien Blanc tente de garder l'espoir, de se cultiver et, infirmier, soigne du mieux qu'il le peut ses congénères.

Terrible vie que celle de cet écrivain, encore trop peu connu. « D'autres ont un destin posthume glorieux et qui n'arrivent pas à la semelle de ses grolles de bataillonnaire tant sur le plan littéraire que sur le plan humain. » écrivait Alphonse Boudard qui admirait Julien Blanc et il avait bougrement raison.
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Les listes proposées par l'opération Masse critique étant devenues assez monstrueuses, j'avoue que je ne lis pas toujours les résumés en détail : un éditeur que j'aime, quelques phrases qui m'accrochent, et la case est cochée. En l'occurrence, je n'avais pas remarqué que ce livre est en fait le deuxième tome d'une trilogie autobiographique, dont le premier volume, Confusion des peines, est reparu l'année dernière aux éditions Libretto. Un peu dommage, car j'ai du coup manqué pas mal d'allusions au passé de l'auteur, mais rien de dramatique - plutôt une sorte d'effet de suspens à l'envers, qui me donne d'autant plus envie de découvrir comment il en est arrivé là.

Là, ce sont les Bat d'Af, les bataillons d'infanterie légère d'Afrique, formations disciplinaires où étaient envoyés après leur sortie de prison des soldats condamnés pour divers crimes et délits. Vol et désertion, en l'occurrence, pour Julien Blanc, qui s'y retrouve à l'âge de 22 ans et y gâchera, sous l'implacable soleil marocain, ce que l'on considère généralement comme les plus belles années d'une vie.

Pas de réel misérabilisme pour autant, dans son récit : de la rancoeur, de la colère, du désespoir face à cet univers sans pitié où la force seule fait loi -, la force hiérarchique des officiers et sous-officiers sur les soldats, la force physique et psychologique des forts sur les faibles -, où règne à chaque étage l'asservissement de l'homme par l'homme et l'avilissement le plus bas.
De la haine, parfois, violente, face à certains abus odieux - tels cet homme vendu par son ancien protecteur à un sous-off brutal qui le conduira au pire.
Mais une réelle tendresse, aussi - pour les opprimés, pour les rebelles, pour ceux dont la force alimente la bonté, et même pour ceux dont la faiblesse justifie certaines lâchetés. Une volonté de comprendre les ressorts des uns et des autres, de ne pas juger, un besoin viscéral de trouver l'humanité dans la fange, et d'aimer malgré tout.

Cette sensibilité exacerbée, curieuse des autres autant que de soi-même, qui n'épargne ni le meilleur ni le pire, fait de ce texte un témoignage particulièrement percutant, beau et horrible à la fois, servi par une langue qui sait habilement aller du plus poétique au plus cru. Sans fausse pudeur, sans artifices.

Plus encore que le destin de l'auteur, c'est le destin de tous ces hommes croisés dans le malheur, ressuscités le temps de quelques pages, donnés à voir, à entendre, à sentir, avec truculence et sensibilité, qui m'a le plus accrochée - le plus touchée. Julien Blanc parle des autres peut-être encore mieux que de lui-même, peuplant le récit de sa vie de seconds rôles fugitifs à la force remarquable.

Une très belle découverte.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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critiques presse (2)
Lexpress
03 décembre 2012
Comme Jules Vallès, Francis Carco et Jean Genet, Julien Blanc écrit avec ses tripes, son coeur et sa gouaille désenchantée.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
11 avril 2012
D'un bout à l'autre de ces pages qui tiennent autant du témoignage que de la littérature, Julien Blanc regarde les hommes et le monde sans pathos. A la juste hauteur. Sans jamais être dupe de rien, d'aucune faiblesse ou d'aucune lâcheté. Son écriture acérée donne à voir et à entendre les êtres qu'il croise sur sa route, bons ou mauvais.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je ne répéterai jamais assez que le bataillon était l’image en réduction mais fidèle du monde. Le monde s’entre-tue, alors qu’il pourrait vivre heureux ; les bataillonnaires se battaient, alors qu’ils auraient dû se serrer les coudes afin que le malheur eût moins de prise sur eux. Comme dans le monde, méchanceté, brutalité régnaient naturellement.
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Quand aux cadres, qui sont les plus forts, ils ont peur eux aussi. Alors, ils mêlent la patrie (la pauvre patrie des joyeux...) à leurs despotiques Garde à vous ! ou sans ça la cabane ! La patrie veut que les supérieurs vous courbent sous le joug d'une discipline idiote.
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Il se calma une seconde, puis recommença de donner des coups de reins, de tenter, avec des roulements affreux de la sclérotique, de fléchir bras et jambes pour les détendre brusquement et se libérer de l'étreinte rude de ses camarades dont il avait peut-être conscience. Ils tenaient bon, eux. Veyron prit la place du caporal sur le ventre de Cécel où il se maintint par miracle en équilibre. L'ébriété le gagnait.
- A dada sur mon bidet, quand il trotte il fait des pets, chantait-il, d'une voix fausse, au-dessous du timbre.
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