C'est avec émotion que j'ai découvert cette magnifique BD écrite en deux tomes. Je vais vous en expliquer la raison. En août 1989, j'étais à Katmandou et c'est dans une petite librairie internationale, perdue dans le vieux quartier de la capitale, que j'ai découvert l'existence d'Alexandra David-Néel. Je ne me rappelle plus si c'était au rayon bouddhisme ou au rayon montagne, d'ailleurs je ne me rappelle plus très bien si les livres étaient vraiment classés. Il y régnait une sorte de désordre envoûtant. Je me souviens qu'il y avait aussi dans cette librairie des livres de Frison-Roche, dans leur version originale.
Le temps est passé, près de trente ans plus tard, il y a quelques mois, à la faveur d'un café lecture organisé par la médiathèque de ma commune, autour de quelques BD récentes, j'ai renoué avec cette auteure, poursuivant cette rencontre insolite, mais je dois avouer, presque avec honte, ne rien avoir encore lu d'elle.
Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, Alexandra David-Néel est une écrivaine et exploratrice convertie très jeune au bouddhisme, passionnée de philosophie et d'orientalisme, devenue célèbre pour être la première femme occidentale ayant réussi en 1924, l'exploit de pénétrer à Lhassa, capitale du Tibet, à l'époque interdite aux étrangers.
Le récit commence en 1959, lorsque cette femme à l'existence étonnante a déjà quatre-vingt-onze ans. On pourrait donc s'étonner que l'ouvrage commence presque à la fin de sa vie, je dis presque..., puisqu'elle va vivre jusqu'à près de cent un ans. Le récit va justement balayer les dix dernières années de la vie d'Alexandra David-Néel à Digne-les-Bains, dix ans où Marie-Madeleine Peyronnet, fut la secrétaire particulière de la célèbre exploratrice. Le récit démarre au moment où l'écrivaine la fait entrer à son service. Marie-Madeleine Peyronnet a alors vingt-neuf ans.
Mais c'est à travers les yeux et les mots de Marie-Madeleine Peyronnet, la narratrice, que se déroule l'histoire d'une rencontre où vont être convoqués tous les souvenirs de voyage de l'exploratrice, un peu comme si on déballait les vieilles malles stockées dans le grenier de la grande maison de Digne-les-Bains. La BD alterne avec grâce et originalité entre les témoignages du passé et la relation des deux femmes au quotidien, sous le toit de cette vieille et immense bâtisse appelée Samten Dzong, qui signifie en tibétain : « la forteresse de la méditation ». Les deux auteurs, Fred Campoy, Mathieu Blanchot ont réussi à donner à cette alternance entre passé et présent un éclairage subtil et harmonieux. Et j'ai beaucoup apprécié cette touche complètement décalée qui traite les images du passé avec des couleurs très vives et contrastées alors que les scènes du présent, c'est-à-dire les séquences d'une fin de vie, sont enrobées de sépia, couleur qui, dans la norme, est réservée aux souvenirs. Mais comment rester dans la norme aux côtés d'une femme aussi extraordinaire !
Autant le dire tout de suite, cette rencontre improbable ne fut pas de tout repos durant les premiers jours de la cohabitation. Alexandra David-Néel, personnage érudite et fascinante, avait un caractère bien trempé. « Cette femme est un génie, mais elle est impossible à vivre ! ». C'est une des meilleures amies de l'exploratrice qui l'avoue volontiers, résumant par cette phrase sans doute un peu hâtive la personnalité qui s'en dégage au premier abord.
Mais c'est sans compter sur la personnalité de Marie-Madeleine Peyronnet, qui lasse des reproches que la vieille dame lui lance sans cesse à son encontre, finit par se rebiffer. Il n'en fallait pas plus pour que l'écrivaine, confrontée dans sa vie aventureuse à bien des périls, apprécie à sa juste valeur cet esprit combatif et décide d'adopter sa dame de compagnie de tout son cœur. Dès lors les deux femmes vont se respecter et s'apprécier.
Dans ce lieu clos qu'est Samten Dzong, où grouillent araignées et rats qu'il ne faut surtout pas éradiquer, les deux femmes vont très vite apprendre à se connaître... Une relation insolite, faite de fous rires, de critiques, de colères, mais aussi de tendresse en filigrane, va naître entre ces deux femmes que tout semble opposer. Et c'est dans cette forme d'apprivoisement que les souvenirs les plus intrépides, aux confins des hautes altitudes himalayennes, vont surgir. J'ai vu notamment surgir avec plaisir ce magnifique épisode où elle pratiqua le toumo, suite à l'enseignement d'un lama, consistant à sécher sur son corps un drap trempé dans la rivière, par la seule concentration de son esprit.
Le récit donne la part belle à leur rencontre. D'ailleurs, ce roman graphique est directement adapté du livre de souvenirs écrit par Marie-Madeleine Peyronnet en 1973. Et l'existence exceptionnelle d'Alexandra David-Néel est revisitée ici, à travers la relation fidèle et non moins tumultueuse des deux femmes.
J'ai trouvé cette manière originale de nous faire entrer dans les pas de cette exploratrice hors du commun.
Le récit du premier tome s'achève et nous n'avons qu'une hâte, celle de nous engouffrer dans celui du second tome. Nous restons comme suspendus à un fil haletant et ceux qui ont déjà lu cette BD comprendront ce petit clin d’œil...
À la fin de l'ouvrage, il y a une très belle annexe historique, qui nous parle de « l'intrépide exploratrice du Pays des Neiges », c'est une biographie agrémentée de photos cette fois sépia, que j'ai trouvé particulièrement émouvantes. À défaut de pouvoir retourner prochainement dans cette vieille librairie de Katmandou, je sens un rêve à portée de mains : lire au plus vite des ouvrages de cette femme au destin exceptionnel.
Commenter  J’apprécie         330
J'ai beaucoup entendu parler d'Alexandra David-Neel mais je n'ai pas encore eu l'occasion de la lire. Un de ses livres m'attend sagement sur les étagères. De passage chez les beaux-parents, posée sur un bureau, il y avait une BD, Une vie avec Alexandra David-Neel. Il fallait absolument que je la lise !
Au début, on fait connaissance avec Marie-Madeleine, une jeune fille qui, en 1959, entre au service d'Alexandra David-Neel, la célèbre auteur et philosophe et restera à des côtés pendant plus de 14 ans. Les deux femmes ont un sacré caractère, aucune ne se laisse marcher sur les pieds.
On alterne passé et présent, moments de plus en plus complices entre elles et des souvenirs d'Alexandra pendant ses voyages. J'ai beaucoup aimé les dessins, surtout ceux, colorés, du passé, qui nous immergeaient complètement dans un autre pays avec les coutumes (et costumes) d'époque. Une petite biographie de la célèbre voyageuse à la fin permet de se faire une idée plus précise sur cette grande femme. A poursuivre bien évidemment avec le tome 2... et un livre de David-Neel.
Commenter  J’apprécie         372
Avec de la tendresse, de la justesse, de l'humour et un peu d'amertume, Une vie avec Alexandra David-Néel propose un voyage dans le temps et dans l'espace d'un personnage qui marquera à jamais le monde de l'exploration.
Lire la critique sur le site : BDGest
Un voyage culturel au cœur du destin d’une femme bouleversante.
Lire la critique sur le site : BulledEncre
Ce premier opus réussit à vous tenir en haleine non pas par l’intrigue, car nous connaissons assez rapidement la fin des histoires qui nous sont racontées, mais par deux quotidiens.
Lire la critique sur le site : Bedeo
Si l'objectif de ce volume est de donner envie de découvrir la vie et les textes d'Alexandra David-Neel, le pari est parfaitement gagné.
Lire la critique sur le site : BDGest
Une très belle lecture que je vous recommande sans hésiter un instant. Un beau voyage, de belles rencontres et une belle aventure nous attendent dans cet album.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Les récits de l'exploratrice, une vraie découverte pour l'occident, inspirent cette bande dessinée très proche de la réalité.
Lire la critique sur le site : Culturebox
L'aube nouvelle est d'une incomparable beauté... Tout dort autour de moi, seuls les oiseaux qui nichent par centaines dans les arbres de la jungle commencent à voleter de-ci, de-là, leur gazouillis est charmant. Ces harmonieux concerts sont les seuls divertissements musicaux qui nous ont été offerts par la nature et pour notre plus grande joie !
Madame, il y a à peine quelques jours que je suis auprès de vous et vous n'avez cessé de me commander et de me parler sur un ton que je ne supporterai pas une seconde de plus !
Souvenez-vous de ce que vous m'avez dit à Aix-en-Provence : "Savez-vous au moins faire des ouvrages de dame ? Car chez moi vous n'aurez absolument rien à faire"... De mon côté, je vous ai fait savoir immédiatement que je n'avais aucune instruction, aucune culture !
Si vous m'aviez dit que je devrais vous aider à faire des travaux d'orientalisme , je vous aurais répondu aussitôt : "Ne comptez pas sur moi ! Je n'en ai ni la capacité ni le goût ! La vue d'un stylo me fait horreur !" (...)
Et permettez-moi de vous dire qu'en dépit de tout cela, je suis d'ores et déjà attachée à votre personne... Mais je vous demande instamment de bien vouloir me parler sur un autre ton et me donner le temps d'assimiler quelques mots de sanskrit et de tibétain, si toutefois j'y parviens !
Maintenant, si tel est votre désir, je peux quitter immédiatement votre maison !
De toute évidence, si Alexandra a été très dure, quelquefois, même cynique, c'était une vraie femme de cœur, d'une très grande sensibilité et surtout une femme intellectuellement intègre !
L'aube nouvelle est d'une incomparable beauté... Je fais, dans la rosée de ce matin splendide, le tour du parc. Tout dort autour de moi, seules les oiseaux qui nichent par centaines dans les arbres de la jungle commencent à voleter de-ci, de-là. Leur gazouillis est charmant.
Ces harmonieux concerts sont les seuls divertissements musicaux qui nous ont été offerts par la nature et pour notre plus grande joie. (...)
Cette fraîcheur, ces chants d'oiseaux, ce magnifique décor de verdure, de montagne et de ciel bleu me donnent le courage d'affronter cette nouvelle journée !
Nous avons reçu aussi des hippies absolument remarquables ! Ce qu'Alexandra appréciait chez eux, c'est qu'ils étaient épris de grande culture... ce désir d’apprendre, de connaitre, faisait plaisir à voir. Ces dialogues-là, qui se prolongeaient souvent très tard dans la nuit, n'ont jamais fatigué Alexandra, Elle était heureuse de voir que, parmi cette jeunesse très critiquée, il existait tout de même certains sujets dignes d'intérêt !