Malgré douleur, point son coeur n'a dévié
Malgré douleur, point son coeur n'a dévié..., en paraphrasant un vers du poème de
Paul Eluard : « Tout dire »
Coeur, courage, colère et puis Colette car
Albina du Boisrouvray, de par son tempérament, sa fantaisie et son caractère aussi entier qu'indépendant qu'elle acquiert dès une petite enfance compliquée si ce n'est abandonnée tant ses parents en sont absents, me rappelle étonnamment le personnage-double de la grande écrivaine française de la première moitié du vingtième siècle. Mais aussi la petite Adèle, si insolente et insupportable que les enfants en ont fait leur héroïne de BD préférée. Car Albina le fut et ne fut jamais à court d'une mauvaise blague ou d'une facétie alors qu'elle était la première de sa classe mais sûrement pas dans la case discipline ! La rebelle fréquente
Saint-Germain des Prés et découvre
Karl Marx, ce qui l'aide à décrypter le mode de vie trop oisif et égoïste de sa famille. Mais elle est mineure et ses tentatives d'émancipation sont entravées par son père tandis que sa mère entretient avec elle une relation toxique emprunte de jalousie. Mère qui se donne la mort sans avoir su donner d'amour à sa fille unique. Albina qui quand sa mère expire, ose mieux respirer. Elle n'a que dix-neuf ans. Et puis vient le mariage avec un beau pilote d'hélicoptère suivi de la naissance de son fils
François-Xavier en 1961. C'st la plénitude totale pour la jeune Albina. Mais la rupture intervient avec son mari et Albina rentre à Paris courant 1965, emmenant
François-Xavier sous le bras, pour reprendre ses études à La Sorbonne, forte d'un second baccalauréat obtenu à seulement 25 ans. L'aventure la tentant, elle part en Amérique du sud et fait des photos des reliques du
Che Guevara tué par l'armée bolivienne.
Françoise Giroud refusant de la faire entrer à l'Express, Albina se fait accueillir à bras ouverts par
Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur. Et puis elle entame une carrière de productrice de cinéma et remporte quelques beaux succès avec notamment le très beau film « L'Important c'est d'aimer » avec
Romy Schneider et
Jacques Dutronc, en 1974. Albina décroche d'autres beaux succès et il lui arrive aussi de jouer dans les films de ses amis. Pendant ce temps, l'enfant grandit, à savoir
François-Xavier, qui décroche ses deux baccalauréats réclamés par ses parents afin d'avoir le droit de devenir pilote d'hélicoptère, tout comme son père avant lui. Mais Albina rechigne et ruse à ce qu'il choisisse cette carrière, à cause des risques encourus et des accidents dont elle reçoit l'écho parfois trop proche. Elle souhaite plutôt qu'il poursuive ses études, histoire de reculer cette échéance d'un métier à risques réels qui ne lui plaît pas du tout. Mais rien n'y fait,
François-Xavier est encore plus têtu que sa mère et veut devenir pilote. Pour gagner encore un peu de temps, Albina l'envoie dans une université américaine de pilotage et
François-Xavier y réussit pleinement. Un jour il devient pilote pour Airs Glaciers, ce qui provoque l'angoisse chronique de sa mère, surtout lorsqu'elle apprend la mort prématurée de proches, victimes d'accidents ou de meurtres présumés, comme ce pilote d'hélicoptère que connaissait très
François-Xavier. le 25 décembre 1985,
François-Xavier part sur le Paris-Dakar pour y copiloter l'hélicoptère de la course avec Thierry Sabine, directeur du célèbre rallye. Albina ne sait pas qu'elle ne reverra plus jamais son fils bien que l'angoisse tenaille davantage ses entrailles et qu'elle ait tout fait pour qu'il renonce à ce choix où elle décelait un réel danger. Il était plutôt question qu'il pilote l'avion de son cousin Albert (de Monaco), du moins ce dernier lui en avait-il fait la demande mais que le jeune homme a déclinée au profit de Sabine. C'est le 14 janvier 1986 que
François-Xavier perdra la vie en même temps que quatre autres personnes que sur le coup, Albina ne mentionne pas, et parmi elles Thierry Sabine et Daniel Balavoine. Repliée dans une douleur extrême, elle revient juste sur les funérailles de son fils telles qu'elles se déroulent dans le Velais où le corps de son fils a été rapatrié et où il avait tellement d'amis. Sa mère y trouve une famille authentique et bénéficie d'un vrai soutien qui lui permet peu à peu de remonter la pente. Sans pour autant jamais accepter la mort de son fils ni faire vraiment son deuil. Mais elle doit se ressaisir et c'est en 1987 qu'elle accompagne
Bernard Kouchner au Liban pour y effectuer une mission humanitaire. Ainsi renoue-t-elle avec une vie à peu près normale en découvrant des malheurs qui quelque part ressemblent tellement au sien. Ensuite son intérêt et sa compassion se tournent vers les enfants prostitués en Thaïlande puis vers les enfants malades du sida aux Etats-Unis, lançant des programmes d'aide de nature pérenne et créant la fondation FXB qui s'occupe des prostituées asiatiques atteintes par le sida. Elle mène encore différentes actions pour les enfants colombiens porteurs du virus avant de partir en Inde pour y développer son action. Au fil des ans, des villages FXB surgissent aux quatre coins du monde pour accueillir les malades et leurs familles et pourvoir à leurs besoins vitaux. La fin du livre d'Albina du Boisrouvray ressemble à un bilan d'une vie déchirée par la mort terrible de son fils unique, dont finalement elle ne se remettra jamais mais qui a déclenché un vrai réveil humanitaire chez une femme dont la révolte était jusque-là plutôt brouillonne et stérile.
Femme libre et authentique, avec «
le courage de vivre », l'autrice livre un récit riche de révélations en expériences originales et aussi dramatique que quelquefois réellement drôle. C'est là son originalité et sa forme de philosophie. En conclusion, voilà une belle et sincère autobiographie en forme de coup de coeur, une confession pleine d'amour et de colère contre l'autorité parentale qui tournerait presque à la guerre avant de s'achever pour entamer un âpre et difficile combat pour trouver sa propre voie loin des chemins de la haute et trop riche bourgeoisie. Ce livre présente aussi un réel intérêt historique. Alors procurez-vous le d'urgence, il en vaut vraiment le détour.