Une biographie de plus à son arc, elle qui s'est fait une spécialité de cet exercice dans lequel elle excelle. Pour s'en convaincre il suffit de se reporter aux excellents ouvrages consacrés entre autres à
Stefan Zweig,
Romain Gary, Clara et
André Malraux,
Gala, et à travers elle
Paul Eluard et
Dali ...... par exemple.
Ici, elle met en parallèle les vies de
Joseph Kessel et
Maurice Druon mais, plus que sur leurs ressemblances, - ils ont en commun la passion d'écrire, ne l'oublions pas -,
Dominique Bona met l'accent sur les profondes différences qui les séparent, mais qui n'empêchent pas la complicité et l'immense tendresse qu'éprouvent l'un pour l'autre l'oncle et le neveu, neveu qui se laissera guider par cet oncle qu'il admire avant de prendre son envol.
Mais cet ouvrage "Les Partisans" met d'abord en avant l'élan patriotique qui les a conduits tous deux en Résistance, dès 1941, en compagnie de Germaine Sablon, jusqu'à rejoindre Londres courant 1942 où ils mettront leurs talents respectifs au service du Général de Gaulle et auront de conserve composé "le chant des partisans" hymne emblématique de la Résistance, dont Germaine Sablon sera la première interprète.
La vie trépidante et dangereuse à Londres donne lieu aux plus belles pages de cet ouvrage,
Dominique Bona, d'une plume inspirée, contant avec verve les péripéties de chacun des deux compères, mais surtout évoquant la figure lumineuse de Germaine Sablon au courage et à la détermination sans faille.
Cette femme énergique va s'investir tout d'abord dans des tournées de spectacles destinées aux troupes, puis désireuse de s'impliquer plus directement dans l'effort de guerre, elle s'engage dans une unité médicale ambulatoire, où de la frontière tunisienne jusqu'à la Bourgogne et la Franche-Comté, en passant par l'Italie, elle va se mettre avec ardeur au service des médecins et infirmières dans les ambulances des zones de combat, exécutant sans rechigner toutes les tâches qui lui seront confiées.
La parenthèse de la guerre refermée,
Dominique Bona va suivre les trajectoires si différentes de
Maurice Druon et
Joseph Kessel dues à leur vision profondément opposées de la vie.
Jef, le baroudeur risque-tout, généreux, excessif et angoissé, cherchant la confrontation violente avec les confins et les paysages bruts, ne tenant pas en place, se devant d'être partout et se sentant partout à l'aise, aimant le contact et attirant l'amitié, ce que l'auteur montre constamment avec bonheur.
Druon, quelque peu compassé et grandiloquent, coulé dès l'enfance dans un univers stable et bourgeois grâce à l'influence de son beau-père, féru d'Antiquité, se complaisant dans l'harmonie classique, aimant le luxe et les apparences et séduit par l'aristocratie.
Kessel a empoigné l'Afghanistan à bras le corps, et en a tiré son chef d'oeuvre "
les cavaliers" alors que
Druon, quant à lui, s'est contenté de le rêver, en contant les tribulations d'
Alexandre le Grand !
Mesure chez l'un,
Druon bien sûr, démesure pour l'autre, capable d'excès parfois très malvenus, comme de tout casser et de croquer du verre par exemple, après avoir trop bu !
Leur oeuvre respective leur ayant grand ouvert les portes
De l'Académie Française, Jef a enfilé avec désinvolture sa défroque d'académicien, alors que
Druon s'est coulé avec aisance et bonheur dans son habit rutilant. Voilà ce qui met particulièrement en évidence les profondes différences existant entre les deux hommes.
Pour passionnant qu'il soit, l'ouvrage souffre cependant d'un léger déséquilibre,
Dominique Bona n'ayant pas su ou pu, à mon sens, relier avec aisance, d'un chapitre à l'autre, les fils narratifs, hors la période de la guerre bien sur, où
Druon et
Kessel ont ensemble occupé le terrain.
Ce qui ne nuit pas à l'intérêt de l'ouvrage cependant mais lui retire quelque peu de sa force et de sa vitalité.