Je fais souvent de belles rencontres sur les réseaux sociaux littéraires que je fréquente...
Cathy Borie en fait partie ; après une première découverte avec
de la poussière et du vent, je poursuis l'exploration de son univers romanesque avec
Nos vies comme des brindilles, un roman intimiste, familial et plus encore.
Chez
Cathy Borie, il y a d'abord des titres qui interpellent et dont on retrouve la signification profonde dans le récit, au fur et à mesure de la lecture ; on ne se demande jamais pourquoi le livre s'appelle comme ça, cela devient une évidence : «
nos vies, comme des brindilles, emportées par la rivière de nos chagrins rassemblés ».
Il y a aussi cette écriture particulière, irréprochable, travaillée, subtile et fluide avec des phrases interminables ; et ce n'est pas donné à tout le monde de faire de longues phrases qui fonctionnent, que l'on peut lire sans en perdre le fil, que l'on peut dire à voix haute sans s'essouffler car tout y est précis, rythmé, à la virgule près. Quant aux passages dialogués, ils sonnent juste et naturel.
Les titres des chapitres sont dans la logique du titre du roman, souvent poétiques, toujours évocateurs, rappelant parfois des chansons, des proverbes, dans une intertextualité propre à l'auteure qui rejoint parfois celle des lecteurs. Parmi l'univers référentiel de
Cathy Borie, j'ai retrouvé avec bonheur
Baudelaire,
Rimbaud,
Anouilh ou encore
Léo Ferré...
J'apprécie cette recherche, ce raffinement et en même temps ce naturel, cette (fausse) impression de facilité.
Au départ, je n'étais pas très emballée par cette histoire familiale ; l'auteure nous raconte par le menu la vie de Rafaël, son enfance, son adolescence, ses amours, ses désamours, ses doutes, ses choix, ses rapports avec ses proches, sa vie professionnelle, « presque soixante années si banales pour la plupart » ... Nous le voyons fonder une famille, élever ses enfants, voir mourir ses parents... Il a un côté bobo, néorural. En fait, son récit ne m'apprend rien : sa vie, c'est un peu notre vie à tous, qui n'a rien d'extraordinaire. Ce personnage principal devient même très agaçant à toujours se demander « quel prix nous sera demandé pour un tel bonheur ? ».
Mais
Cathy Borie a su anticiper cet effet de déjà vu, déjà connu, déjà expérimenté et captiver l'attention de ses lecteurs. Son récit a un cadre avec l'effet d'annonce du prologue quand le narrateur s'exprime à la première personne, dans une tonalité très différente du côté factuel de l'histoire qui va nous être racontée ensuite. Les lecteurs ne perdront donc jamais de vue que la narration qui va suivre est faussement omnisciente, qu'il s'agit en fait d'une catharsis. Ainsi
Cathy Borie verrouille l'attention, ménage un effet de suspense et captive son lectorat jusqu'à l'épilogue.
Je ne peux guère aller plus avant dans mes commentaires sous peine de trop en dévoiler.
Cathy Borie, à travers le parcours et les choix de son personnage masculin, a choisi de ne pas soulever des questionnements, de ne pas porter de jugements mais simplement de poser des faits et d'exposer des sentiments et des ressentis. Ces vies racontées en détail vont nous parler, nous correspondre... ou pas ; chacun de nous est le produit de tant de brindilles, tant de fragments, tant d'intuitions, tant de spiritualité (au sens de dégagé des contingences matérielles) ...
En conclusion : à
Cathy Borie, merci ; à vous tous, lisez ses livres...