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Gérard Piloquet (Traducteur)Michel Le Bris (Préfacier, etc.)
EAN : 9782752905550
658 pages
Phébus (05/05/2011)
4.25/5   51 notes
Résumé :

Une biographie qui serait aussi, à sa façon, le plus fabuleux roman qui se puisse rêver. Et la redécouverte d'un des plus fascinants personnages de l'histoire du siècle passé : Sir Richard Burton (1829-1890), aventurier (il est le premier à atteindre La Mecque déguisé en pèlerin), explorateur (il découvre les sources du Nil), érudit (on lui doit la première traduction non expurgée des M... >Voir plus
Que lire après Un diable d'homme : Sir Richard Burton ou le démon de l'aventureVoir plus
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Richard Burton, traducteur des Mille et Une nuits non expurgées, de textes orientaux érotiques, premier européen à entrer, déguisé en afghan, à la Mecque, premier à entrer, pire encore, non déguisé, à Harar, lieu sacré d'où les étrangers ne sortent pas vivants, pratiquant 40 langues, initié au soufisme, pratiquant l'hypnose et enfin, découvreur des sources du Nil.
Obligée que je suis par honnêteté de convenir qu'il n'a pas vraiment découvert les sources du Nil, ni son accompagnateur Speke non plus, et que ces recherches qui ont passionné les géographes du XIX siècle viennnent de trouver une issue ( mais, est elle la dernière ?) en 2005, car il y a de multiples sources du Nil blanc.

Fawn Brodie , née dans une famille mormone, nous donne une bibliographie très détaillée de la vie de Richard Burton. La préface de Michel le Bris met en évidence son caractère énigmatique, d'où, passionnant.
Extravagant, anti-victorien, original, exceptionnel, homme à part, un diable, un démon, un génie.
Pourquoi se précipite-t-il en Afrique ? Fawn Brodie pense que la perte de gens aimés ( pour Bruce, orphelin, puis veuf, pour Burton, décès de sa mère, pour Livingstone, mort de sa femme) en est le moteur .
C'est un militaire, passionné par l'Orient, puis par l'Afrique, et expérimentateur passionné de la plupart des perversions humaines.
Borges dit de lui qu'il expérimenta « toutes les manières d'être un homme que connaissent les hommes ».

Mais sous l'Angleterre victorienne, son érotomanie est bien évidemment mal vue : s'il parle de pratiques sexuelles, c'est qu'il y a participé. S'il mesure la longueur du pénis des hommes d'Afrique, c'est qu'il doit être un peu homosexuel… et aussi pédophile ...et pourquoi pas assassin. S'il a visité un bordel homosexuel de Karachi, s'il décrit avec précision les rites de castration, d'infibulation, de scarification, de sacrifices humains, les « mille et une inventions de l'homme pour tuer, avilir, faire souffrir, rendre fou », c'est qu'il est concerné.
Mais pourquoi ?
Parce que, pour Burton, rien de ce qui est inhumain n'est étranger à l'homme. D'autres explorateurs se sont contentés de ne rien voir, de ne rien essayer de comprendre. Lui, si.
Comment vous sentez-vous après avoir tué quelqu'un? » lui demande-t-on le jour de son mariage. Richard Burton réplique :
« Oh, le mieux du monde, et vous-même ? »
Il est, aussi, selon le Bris, « négociant persan, médecin hindou, marchand arabe, derviche initié, consul, époux attentionné », fou de voyages.

Burton, l'explorateur.

Fawn Brodie nous raconte ses démêlés célèbres avec Speke, avec qui il part depuis Zanzibar vers le lac Tanganyika. Autant Burton, peu regardant à la morale, même s'il condamne la pratique, peut communiquer avec les trafiquants d'esclaves arabes, autant Speke, qui aime chasser et dépecer les bêtes, ne peut que se sentir exclu. Alors ce dernier part seul, prétend avoir vu, de ses yeux vu, la source du Nil, rentre à Londres en catimini et pense triompher, sauf que, pas de chance pour les pauvres types, non seulement il a trahi Burton, il a essayé de triompher seul mais il s'est trompé sur les latitudes…. Et se suicide.
Burton, lui, consul à Fernando Poo (l'actuelle Guinée Equatoriale)en profite pour remonter le fleuve Niger, pour escalader la montagne camerounaise, pour aller dans le royaume redouté d Abomey, puis au Nigéria, et au Gabon, avant de revenir à Londres, enfin consul à Damas, dans cet orient qu'il connaît si bien.
Dire aussi qu'Isabel, sa femme, a passé plusieurs mois à brûler ses écrits par trop brûlants.
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Dépaysement spatio-temporel garanti avec cette passionnante biographie par laquelle on se laisse happer et dans laquelle on s'enfonce comme dans une jungle redoutable et inexplorée, dans un mi-temps du 19ème siècle où le monde recelait encore des secrets et des terres inconnues au conquérant occidental.
C'est un joli tour de force de la part de l'auteur d'avoir réussi à habiller de chair et de vie un homme qui, toute aventureuse que soit sa vie et toute imposante que soit sa production littéraire, n'a laissé derrière lui que peu de traces de sa personnalité profonde et de ses zones d'ombre, son épouse ayant mis le feu à ses écrits les plus intimes et ses narrations les plus compromettantes afin de tenter de sauvegarder par -delà la temps la respectabilité de son image de gentleman.
Peine perdue, tout au long de sa vie cet homme aura senti le soufre, et ce parfum exhale de chaque page de cette biographie vibrante et très immersive, de l'Inde coloniale aux confins inconnus des sources du Nil, des cités interdites aux mécréants de la Mecque et de Harar aux comptoirs moites de Zanzibar et du Brésil, autant de contrées sous domination anglaise que le lecteur a la sensation de découvrir en même temps que Sir Richard Burton, voire de souffrir avec lui des mille souffrances dues à la chaleur, l'épuisement, la nature hostile et autres dangers ahurissants de ces voyages vers l'inconnu.
Mais le bonhomme n'a pas que le seul attrait de l'explorateur ni le livre celui de l'aventure : ce qui colle le lecteur au récit, c'est d'abord la force d'un caractère aussi attirant que répulsif, très loin des codes victoriens, ne serait-ce que parce qu'il a grandi en France (shocking) et se sentira toujours plus proche du monde arabe que de ses compatriotes britanniques. Rétif à la tiédeur et à la retenue, impulsif, puissant, Burton est un type doué d'une capacité d'apprendre phénoménale, curieux de tout savoir des espaces comme des hommes qui les habitent, et prêt à tout pour satisfaire cette curiosité : apprendre près de quarante langues et dialectes, se faire passer pour un autre, enfreindre les ordres, marcher des semaines entière dans des contrés hostiles puis, quand il ne pourra plus marcher, passer du défrichage des terres à celui des grands textes orientaux avec une attirance particulière pour les plus sulfureux.
Ajoutez à cela une improbable Madame Burton mi- bigote mi-pétroleuse, des trahisons et des amitiés hors normes au sein du petit monde des explorateurs, quelques vers sauvés des flammes qui laissent apparaitre en creux une âme plus torturée et profonde que ne le montre son personnage social : un diable d'homme, en somme.
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On doit à Richard Francis Burton un paquet de choses. Il l'est l'un des premiers Européens non musulman à pénétrer dans la Mecque et le premier à décrire la ville. Il se rend également à Harar, quatrième ville sainte musulmane. Il découvre le lac Tanganika auquel il attribue - par erreur - la source du Nil. Il réalise une traduction complète des Mille et Une Nuits et du Kama-Sutra. Il écrit une foultitude de bouquins dont les études ethnologiques comptent encore aujourd'hui parmi les meilleures et les plus pointues. Bref, pour son époque, Burton estun phénomène. Et à cette époque victorienne un peu guindée, un phénomène, ça ne passe pas très bien.

En effet, Burton a un caractère bien trempé. C'est par défi vis-à-vis de cette société trop chaste qu'il décide de traduire les Mille et Une Nuits (qui est beaucoup plus violent et sexuel que les jolis contes qu'on veut bien nous raconter) et le Kama Sutra (qui est bien plus qu'un simple recueil de jolis dessins suggestifs). C'est par défi qu'il met sa vie en jeu en se déguisant en pélerin pour rentrer dans la Mecque. Par toutes ses actions, Burton a fait montre d'une redoutable modernité pour son époque.

La biographie s'attarde également sur les relations qu'il entretient avec ses contemporains. Deux personnes sortent du lot. John Hanning Speke, avec qui il entreprit une expédition aux sources du Nil et Isabel Arundell, une femme de dix ans sa cadette qui deviendra son épouse. Burton s'est farouchement opposé à Speke lors de l'expédition qu'il en gardera une rancoeur tenace. A tel point qu'il s'entêtera dans sa position de considérer le Tanganiyka comme source du Nil alors que Speke, lors une expédition ultérieure pourtant scientifiquement moins précise, considérera à juste titre que le lac Victoria est la véritable source. Malgré cette haine farouche entre les deux hommes, on sent derrière la carapace de Burton une humanité et un respect profond pour Speke. Ces sentiments paraîssent surtout quand Burton apprend la mort de Speke lors d'un accident de chasse la veille du débat qui était sensé les opposer à la Royal Geographic Society.

La relation avec son épouse est également paradoxale. Il force la main d'Isabel pour le mariage, ce dernier contrevenant à la volonté de la famille Arundell. Si elle éprouve pour son mari une fascination sans bornes, lui n'est pas fondamentalement expressif. Il lui impose même de s'adapter à ses volontés de voyages. Sur la fin de sa vie, quand la maladie fait son oeuvre et que l'aide de son épouse devient indispensable, Burton laisse alors apparaître l'amour qu'il lui porte. La biographie fait également d'Isabel Burton plus qu'un personnage secondaire. Beaucoup de références sont tirées de la biographie écrite par l'épouse de Burton après la mort de ce dernier. En revanche, Fawn Brodie fait une réflexion plus poussée sur l'adoration que portait Isabel à son mari. A tel point qu'elle brûla de nombreux écrits de son mari pour que ne reste que le meilleur de Burton au risque de perdre de précieux écrits dont une traduction d'un ouvrage indien qui traitait de pédérastie.

Cette biographie est un formidable moyen de connaître le personnage complexe de Richard Francis Burton. Fawn Brodie livre au moyen de recherches et de références multiples et pointues un portrait complet, profond et précis d'un homme qui a complètement marqué la deuxième moitié du 19è siècle britannique par une modernité révolutionnaire.
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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"La mâchoire d’un démon et le front d’un dieu."

C'est ainsi que le chétif Swinburne décrivait Richard Francis Burton, précisant cependant:
«Pas la moindre gentillesse dans le regard. Ses mâchoires puissantes, son menton dur, lui donnent l’air d’être capable du pire.»

Sans même parler de ses invraisemblables compétences martiales et intellectuelles, le capitaine Burton, Dick, est avant tout un beau gars bien bâti, regard pénétrant, port altier, bronzage agricole, moustache de conquérant et épaules quadrangulaires.
Un gars hyper-virile qui en impose tout de suite, et pas con avec ça .
Fawn McKay Brodie, magnétisée par son sujet, dresse un bilan passionnant de la vie de ce géographe et linguiste parlant une quarantaines d'idiomes, explorateur libertin, bretteur exceptionnel, pionnier de l'ethnographie, écrivain de talent et remarquable traducteur, un humaniste de cape et d'épée qui un jour tonna: "Mieux vaut l'or, que la géographie!".
Comme d'autres, ses vieux jours ne seront pourtant pas tout-à-fait épargnés par le racisme colonial de son époque puritaine, déjà penchée sur le XIXème siècle.

La vie de Burton se lit comme le roman que Kipling ou Conrad n'ont jamais osé écrire, mais s'achève dans la grisaille d'une relation contradictoire avec son épouse dévouée, Isabel Burton, bigote pudibonde sous l'influence de laquelle le fringuant explorateur s'enkystera dans une existence bourgeoise, et qui brûlera d'inestimables manuscrits pour laver la postérité de son défunt mari…
La vieillesse est un naufrage comme disait l'autre, et si on veut avoir la classe internationale jusqu'au bout, mieux vaut partir comme un prince - c'est-à-dire assez tôt, de préférence célibataire, et le sabre au clair.

"Prototype personnel de Dieu, mutant à l’énergie dense jamais conçu pour la production en série. Il était le dernier de son espèce: Trop bizarre pour vivre mais trop rare pour mourir…" (Raoul Duke).

Tel fut Richard Francis Burton.

p.s.: Seul film potable avec Dick au générique, "Aux sources du Nil", de Bob Rafelson.
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Richard Burton est sans aucun doute l'un des personnages les plus singuliers ayant vécu sur Terre. Aventurier né, toujours prêt à expérimenter et découvrir, il a voyagé tout autour du monde à une époque où le moindre déplacement était une épreuve. Et sa vie privée étant à la hauteur de ses exploits publics, sa biographie ne pouvait qu'être extraordinaire. Fawn Brodie fait de cette biographie un des plus formidables romans d'aventure qui soit. Idéal pour les baroudeurs en manque de lecture.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Cet homme restera à jamais une énigme. [...] Le public du temps retint surtout l'aventurier, ses incroyables exploits, sa folle témérité, la façon dont il pénétra seul, déguisé en arabe dans la Mecque et Médine, toutes deux interdites, son équipée à Harar, sa quête des sources du Nil, et cette fureur, en lui, qui toujours le précipitait un peu plus loin, vers «l’inconnu immense». C'est oublier qu'il fut d'abord un savant, d'une fabuleuse érudition : dans les domaines qui furent les siens, aucun homme de son temps n’accumula un savoir comparable. A ce titre, il serait plutôt à ranger au x cotés d'un Darwin, d'un Lyell, d'un Frazer. Sans conteste un linguiste génial, qui ne parlait pas moins de quarante langues ou dialectes. Le grand pionnier de l'anthropologie culturelle. Un traducteur hors pair, à qui l'on doit une somptueuse édition des Mille et une nuits. Un superbe écrivain, auteur de quarante-trois récits de voyage, sans parler de multiples grammaires et lexiques de dialectes indiens ou africains. Un poète, dont le Kasidah a été par certains comparée aux Robâ 'iyat d'Omar Khayyâm. Un archéologue, qui le premier eut l'intuition de l'origine hittite des inscriptions de la pierre de Hamath. Un conteur extraordinaire, selon tous les témoins, dès qu'il s'agissait d’évoquer les fastes et les horreurs de l'Orient. Un précurseur de Havelock Ellis et de Freud, fasciné par les pratiques et les perversions sexuelles de toutes les époques et civilisations, qui accumula sur le sujet une immense bibliothèque. Un éditeur (clandestin) de textes érotiques - a une époque ou le moindre écrit licencieux vous expédiait droit en prison. En même temps, un soldat intrépide, avide de gloire et de combats, auteur d'un manuel révolutionnaire d'entrainement à la baïonnette. Un redoutable escrimeur, le meilleur d'Angleterre, disait-on. Un diplomate qui sema bien souvent la panique au Foreign office. Un espion, génie du déguisement. Un chercheur d'or et un spéculateur effréné. Un maitre soufi et un voyou de bas étage. Un géant. Que l'on dirait sorti tout droit de la Renaissance, à la fois savant universel, philosophe et conquistador.

[extrait de la préface]
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Telle est ma morosité que je commençais à me demander si cette quête des sources du Nil n’était pas tout bonnement une poursuite effrénée de quelques chimères.
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Partir pour un lointain voyage dans des contrées inconnues compte, me semble-t-il, parmi les plus heureux moments de l'existence. En se libérant d'un seul sursaut des entraves de l'habitude, de la chape de plomb de la routine, de la tunique des égards et de l'esclavage du chez soi, l'homme se sent tout à coup inondé de bonheur. Dans ses veines le sang circule aussi prestement que du temps de son enfance.. De nouveau point l'aube de la vie...
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L'aspect le plus saisissant et le plus significatif de Burton, c'est son incessante quête d'identité, laquelle se manifeste par une fuite hors de soi, une projection empruntant de multiples voies depuis les mensonges de l'enfance, le refuge à l'âge mûr dans les langues étrangères, le déguisement et la traduction, et pour finir dans la prodigieuse accumulation d'un savoir très spécialisé (les pratiques sexuelles). Jamais il n'eut de foyer,et jamais de pays. Jamais il ne s'établit dans une profession, ni même se prévalut ou tira gloire de sa nationalité
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Fais comme ton humanité te l'ordonne
N'attends d'applaudissements de personne excepté toi-même;
Il vit et meurt avec la plus grande noblesse
Celui qui établit et suit lui-même ses propres lois
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