Ce tome contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2001. Cette histoire met en scène des personnages apparus pour la première fois dans l'épisode 25 de la série "Sandman", en avril 1991 (scénario de
Neil Gaiman, dessins de Matt Wagner, encrage de
P. Craig Russell). le scénario est d'
Ed Brubaker, les dessins de
Bryan Talbot, l'encrage de
Steve Leialoha, et la mise en couleurs de Daniel Vozzo. Les couvertures ont été réalisées par
Dave McKean.
Après les événements de Sandman 25, Charles Rowland et Edwin Paine (des fantômes d'adolescents) ont décidé de s'installer dans une cabane construite dans un arbre, dans un quartier désolé de Londres. Ils se sont décrétés détectives et ont ouvert une agence, dans leur cabane.
Par un beau matin d'automne, Marcia (une jeune femme à la rue) vient les trouver pour leur demander leur aide, sur une affaire de meurtres. Plusieurs jeunes à la rue ont été retrouvés à l'état de cadavre desséché. Edwin Paine et Charles Rowland commencent par se rendre à la morgue pour constater par eux-mêmes l'état du dernier cadavre en date. Puis ils se rendent sur les quais où un vieux marchand de journaux leur conseille d'aller voir Mad Hettie (Henrietta).
L'épisode 25 de la série "Sandman" était sympathique et suggérait qu'Edwin Paine et Charles Rowland s'en allaient vers de nouvelles aventures. Avec le succès grandissant de la série "Sandman", plusieurs miniséries ont vu le jour sur des personnages divers et variés comme Destiny, Merv Pumpkinhead, Agent of D.R.E.A.M, Thessaliad, The Corinthian ou Petrefax, ou même des séries de longue durée comme "The dreaming", ou l'exceptionnel Lucifer de
Mike Carey.
Cette minisérie attire l'oeil du lecteur de comics car elle est réalisée par un scénariste qui a depuis révélé tout son potentiel sur des séries comme "Captain America", "Criminal", ou encore "Fatale", un dessinateur moins connu, mais tout aussi habile (The tale of one bad rat ou Alice in Sunderland ou encore Luther Arkwright), sans oublier l'encreur attitré de la série "Fables" de
Bill Willingham.
Effectivement,
Ed Brubaker s'avère l'homme de la situation : il tricote une enquête policière en utilisant les capacités fantomatiques limitées des personnages, sans oublier l'apparition d'un ou deux personnages de la série "Sandman". Si Edwin Paine et Charles Rowland n'acquièrent pas une forte personnalité, leurs actions et réactions sont conformes à la définition de leur personnage.
Brubaker joue un peu avec les capacités fantomatiques (les adultes ne prêtent pas attention à ces 2 jeunes gens), et ils passent par une phase d'apprentissage. L'enquête tourne autour d'un mystère impliquant l'ignoble Gilles de Rais, et d'un immortel fort sympathique issu de la série "Sandman". Si les crimes sont bien réels, le récit ne sombre pas dans une ambiance gore, et les personnages restent positifs. le lecteur peut anticiper plusieurs retournements de situation, mais pas tous.
Le lecteur apprécie donc un récit policier bien troussé, tricoté avec pour seule ambition de divertir en respectant la tonalité de l'univers de Morpheus, sans son aspect introspectif et tourmenté. L'histoire s'étoffe grâce aux dessins impeccables de
Bryan Talbot.
Steve Leialoha a adapté son encrage aux crayonnés de Talbot, respectant la finesse de ses traits, et sa forme de ligne claire (encrage très éloigné de celui qu'il réalise pour les dessins de
Mark Buckingham.
Les dessins de
Bryan Talbot sont pour beaucoup dans le plaisir de lecture. Dans la première page, le lecteur reconnaît immédiatement les 2 personnages, mais ils progressent dans un tunnel souterrain assez noir (= pas de visuels très marquants). La deuxième page commence par une case occupant les 2 tiers de la page, avec une vue en contreplongée de la cabane dans l'arbre : superbe de détails, belle texture des arbres, des façades réalistes en arrière-plan.
De séquence en séquence, le lecteur éprouve le plaisir de pouvoir plonger son regard dans chaque endroit, dessiné avec détail et crédibilité. Ainsi les dessins de
Bryan Talbot donnent de la consistance à l'ameublement de la cabane en bois, au bazar indescriptible du refuge de Mad Hettie, aux rues de Londres et ses usagers (il y a même des sikhs en fond d'une case), à un campement de fortune dans un délaissé du métro londonien, aux sous-sols d'une demeure seigneuriale, etc.
Talbot sait conserver une apparence de jeune adolescent pour Edwin Paine et Charles Rowland. Cette attention portée à transcrire avec conviction l'âge des protagonistes peut sembler normal, mais souvent les artistes éprouvent de grandes difficultés à représenter des enfants qui ne soient pas des adultes miniatures, ou des personnes âgées qui ne soient pas des adultes, avec juste des rides en plus. Ici le lecteur prend plaisir à voir la marque des années sur Mad Hettie, et sur Marjorie Blumfield.
"Deadboy detectives" ne constitue pas un récit indispensable, et n'apporte pas un éclairage inattendu sur des personnages secondaires de la série Sandman.
Ed Brubaker sait utiliser les créations de
Neil Gaiman à bon escient, en respectant leurs caractéristiques et leur imaginant une aventure adéquate, sous forme d'enquête.
Bryan Talbot bénéficie de l'encrage soigneux de
Steve Leialoha, et réalise des dessins méticuleux et denses, donnant corps au récit.