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EAN : 9782715233119
384 pages
Le Mercure de France (13/09/2012)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Le comte de Bussy-Rabutin, Grand du royaume de France né en 1618, cousin de Mme de Sévigné, avec laquelle il partage passion et talent pour l'écriture épistolaire et mémorialiste, a guerroyé à travers l'Europe à la tête de son régiment, a survécu à la Fronde et aux complots les plus divers, puis vit l'existence des courtisans auprès du vieillissant Louis XIII et du jeune Louis XIV. Il passe cependant ses trente dernières années en Bourgogne, exilé dans son château p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Edition présentée & annotée par Daniel-Henri Vincent


ISBN : 9782715233119


Roger, comte de Bussy-Rabutin, est avant tout connu pour deux raisons : son cousinage avec l'incomparable épistolière que fut Mme de Sévigné (née Marie de Rabutin-Chantal) et son roman satirique à clefs, "Histoire Amoureuse des Gaules", qui, publié contre le gré de son auteur par une amie indiscrète, lui vaudra les foudres de Louis XIV, peu satisfait de découvrir, étalées dans ces pages frondeuses, les amours un peu trop ostensibles de la Cour. Mais Bussy est l'auteur de bien d'autres textes, parmi lesquels des "Mémoires" qui couvrent son enfance mais s'arrêtent à son exil en son domaine de Bourgogne, où il passera les dix-sept dernières années d'une existence à la fois tumultueuse et minée par l'aigreur.

Le mot est jeté : l'amertume de Bussy, y compris lorsqu'il relate sa jeunesse insouciante et ses folies de jeune homme, atteint un degré des plus sombres, sourd, poignant, dont on ne sait trop s'il précéda ou non le sentiment de paranoïa qui naît de l'ensemble du discours. Dans ses "Mémoires", le comte de Bussy-Rabutin affirme n'écrire que la vérité, celle-ci lui fût-elle peu flatteuse à son encontre. Il est vrai que, lorsqu'il évoque sans détour certains épisodes ayant pour héroïnes les maîtresses plus âgées qui l'initièrent au sexe, on ne fait pas plus gaillard - et même, n'ayons pas peur des mots, plus mufle. Mais la grande question de son intégrité repose sur les sentiments réels qui le lièrent à Louis XIV et à sa Cour.

Homme de guerre valeureux, ce qu'on ne saurait lui dénier, Bussy ambitionnait une carrière glorieuse dans les armées royales. Il s'y distingua en maintes occasions - sur ce plan, ses "Mémoires", dont Daniel-Henri Vincent a pourtant élagué pas mal de passages trop techniques, ne sauraient que ravir l'amateur - mais toujours, pour une raison ou pour une autre, se vit maintenu dans l'ombre et encore plus souvent privé de sa solde et de ses pensions. Il en tient pour principal responsable Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, l'un des généraux les plus remarquables du Roi-Soleil, qui, dès leur première rencontre, se serait, selon l'intéressé, pris d'aversion pour Bussy dont il jalousait les dons militaires. Au fil des pages, Turenne devient l'obsession de Bussy, une espèce de Némésis moustachue et emperruquée qui, à force de rapports orientés et profondément injustes rendus à Louis XIV, aurait causé la perte définitive du comte aux yeux du monarque.

L'auteur, on le sent, est sincère : il ne doute pas un seul instant de l'influence néfaste de Turenne sur son destin. Mais il évoque aussi à ce sujet le prince de Condé et, de quelque façon qu'on retourne ses malheurs financiers, on découvre toujours un officier supérieur - et surtout un courtisan bien plus obséquieux et plus rusé que lui, l'innocent Bussy, toujours implacablement franc du collier - pour s'en aller conter les pires ragots au monarque à la seule fin de briser la carrière militaire du malheureux. Alors, forcément, on finit pas s'interroger : que voulez-vous, cela semble trop beau pour être vrai ... Seule alternative : si les choses se sont réellement passées ainsi, alors, forcément, le comte de Bussy-Rabutin fut hanté toute sa vie par la plus acharnée des malchances.

Ou bien ... Ou bien ... Ou bien Louis XIV, prévenu en cela par le cardinal de Mazarin, aurait vu très jeune en Bussy le prototype même de l'aristocrate qu'il devait garder en respect pour préserver la paix intérieure de son règne, à savoir le rebelle-né, insolent, se morguant sans complexe devant la couronne fermée, s'estimant pour autant d'aussi bonne race que les Bourbon, et positivement incapable de ne pas se répandre, par la grâce d'une plume cruelle et incisive, en discours et propos si moqueurs, si subversifs aussi qu'il convenait par tous les moyens de lui imposer silence.

Nous laissons au lecteur le soin de se faire son opinion, à l'issue de ces trois-cent-quarante-trois pages non dépourvues d'intérêt mais qui, nous l'avouons, se ressentent du rapprochement inévitable avec la joyeuse et méchante "Histoire Amoureuse des Gaules." A lire cependant pour l'intérêt incontestable du témoignage sur les guerres de ce temps. Et à approfondir par la lecture d'une correspondance particulièrement riche qui nous restituera peut-être le "vrai" Bussy qui, dans ses "Mémoires", se plaint de tout et de tout le monde sans guère convaincre, ce qui finit par lasser le plus accommodant. ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Henry de La Tour, vicomte de Turenne, était un homme entre deux tailles, large d'épaules, lesquelles il haussait de temps en temps en parlant : ce sont de ces mauvaises habitudes que l'on prend d'ordinaire faute de contenance assurée. Il avait les sourcils gros et assemblés, ce qui lui faisait une physionomie malheureuse. (En un mot, il n'avais point l'air d'un héros, quoi qu'il en eût l'âme.)

Il s'était trouvé en tant d'occasions à la guerre qu'avec un bon jugement qu'il avait et une application extraordinaire au métier, il s'était rendu le plus grand capitaine de son siècle.

A l'ouïr parler dans un conseil, il paraissait l'homme du monde le plus irrésolu ; cependant, quand il était pressé de prendre son parti, personne ne le prenait ni mieux ni plus vite.

Son véritable talent, qui est à mon avis le plus estimable à la guerre, était de bien soutenir une affaire en méchant état. Quand il était le plus faible en présence des ennemis, il n'y avait point de terrain d'où par un ruisseau, par une ravine, par un bois ou par quelque éminence, il ne sût tirer quelque avantage.

Jusqu'aux huit dernières années de sa vie, il avait été plus circonspect qu'entreprenant ; mais voyant que la témérité était à la mode, il ne se ménagea plus tant qu'il avait fait ; et, comme il prenait mieux ses mesures que les autres, il gagna autant de combats qu'il en donna.

Sa prudence venait de son tempérament et sa hardiesse de son expérience.

Il avait une grande étendue d'esprit, capable de gouverner un Etat aussi bien qu'une armée. Il n'était pas ignorant des belles-lettres ; il savait quelque chose des poètes latins et mille beaux endroits des poètes français ; il aimait assez les bons mots et s'y connaissait fort bien.

Il était modeste en habits et le paraissait même en expressions à ceux qui n'y faisaient pas assez d'attention ; mais il avait dans le coeur une vanité sans égale.

Il s'était fait des manières de parler toutes particulières pour satisfaire à cette passion. Quand il avait commencé un discours par : "je ne sais si j'oserais vous dire", il en disait des merveilles ; et parce que cela lui paraissait choquer la modestie qu'il affectait si fort, il disait, par exemple, en parlant de lui : "Je vous assure que quand on était jeune, on faisait fort bien cela." Il se traitait à la troisième personne afin de se pouvoir louer comme l'aurait fait quelque autre. Il parlait peu, il écrivait mal.

Jusqu'à quarante-cinq ans, il s'était contenté d'être gentilhomme, d'une ancienne maison. Véritablement il s'en lassa et voulut être prince. Dans les brouilleries de la Cour, en 1648, quatre ou cinq maisons de gentilshommes crurent que le temps était propre pour faire valoir leur chimère de principauté. Celle de La Tour en fut une. Mais leurs visions n'ayant pas été suivies d'un heureux succès, celle du maréchal de Turenne se réveilla en 1661. Le duc de Bouillon, son frère, étroitement uni dans le conseil avec le cardinal Mazarin, et lui, à la tête de la principale armée, se trouvaient en état d'obtenir un brevet de princes. Ce fut alors que le bâton de maréchal, que Monsieur de Turenne avait autrefois souhaité comme la borne de son ambition, lui parut au-dessous de sa naissance. Il en témoignait un si grand mépris qu'on l'appelait "Monsieur le Maréchal" quand on voulait lui dire une injure ; et cette ridicule vanité était fondée sur ce qu'il prétendait que ses prédécesseurs avaient été souverains de Boulogne et comtes d'Auvergne, et que la principauté de Sedan appartenait à sa maison par sa mère, toutes lesquelles prétentions étaient mal fondées. Cependant la considération où il était autorisait ces chimères ; mais ce rang ne fut pas d'abord tellement établi, qu'il ne le tînt dans des contraintes extraordinaires. Comme il n'osait encore laisser sortir sans les reconduire la plupart des gens de qualité qui lui rendaient visite, il leur escroquait cette civilité en faisant semblant d'avoir affaire dans son cabinet, à peu près dans le temps qu'il jugeait qu'ils voulaient s'en aller, et il n'en sortait que quand on lui disait qu'ils étaient partis. Son orgueil lui faisait prendre en gré toutes ses contraintes et il était esclave de sa grandeur. ... [...]
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[...] ... Entre autres gens de qualité qui grossissaient cette petite Cour, il y avait un gentilhomme de Bourgogne de la maison Duprat, appelé Jumeaux. Il n'était ni beau ni bien fait mais il était jeune, gai, brave et il avait bien de l'esprit : tout cela nous avait fait amis. Il était capitaine de cavalerie. Sa compagnie, qui était en Champagne en quartier d'hiver, l'avait attirée à Châlons aussi bien que moi et les mêmes raisons de plaisir l'y retenaient. Nous logions et nous couchions ensemble, et de là nous n'avions point de secrets l'un pour l'autre ; il sut que j'étais amoureux de mademoiselle de Romorantin aussitôt que je m'en aperçus, et parce que je voulus lui donner un emploi conforme au mien, de peur qu'il ne condamnât ma faiblesse, je le persuadai de s'attacher à une dame de la ville fort jolie. Pour moi, je m'étais sottement embarqué sans faire de réflexion et je ne reconnus les difficultés de mon entreprise que quand je presque en état de ne pouvoir prendre d'autre parti.

Mademoiselle de Romorantin avait vingt ans et je n'en avais pas dix-sept. J'avais l'esprit fort jeune et elle l'avait extrêmement fait pour son âge ; il ne laissait pas d'être enjoué. Elle aimait les discours un peu gaillards ; elle entendait tout, pourvu que les paroles fussent honnêtes. Elle était naturellement bonne et civile, mais sa mère, qui ne cessait de lui dire qu'elle était princesse, la contraignait si fort qu'elle en était bien moins aimable. Quelquefois, au plus fort d'une conversation où elle était dans son naturel, il lui venait en pensée que peut-être se familiarisait-elle trop et que cela pouvait faire tort à son rang. Et là-dessus, elle se redressait et prenait un sérieux qui la rendait incommode et qui troublait la joie de la compagnie. C'est le défaut que causent ordinairement ces chimères ; car d'un gentilhomme qui serait quelquefois agréable et divertissant, s'il ne voulait être que ce que Dieu l'a fait, elles font toujours un prince ridicule.

Mademoiselle de Romorantin était comme cela. Elle eût été adorable si elle n'eût voulu être que demoiselle mais sa vision des principautés la faisait haïr et ne lui attirait que des respects forcés, que la considération où était son beau-père dans la province arrachait à ceux qui avaient besoin de lui. Pour moi, cela ne me faisait point de peine, je lui rendais plus de devoirs comme à ma maîtresse qu'à une reine que je n'aurais point aimée.

Je l'appelais "mademoiselle" et elle m'appelait "mon cousin." Du reste, elle était assez bonne princesse pour moi et je pense qu'elle n'était pas fort éloignée de comprendre sur mon sujet que l'amour égalait tout le monde. Mais sa mère, qui savait par sa propre expérience ce que peut faire une fille qu'on ne garde pas soigneusement, ne la perdait point de vue. Cependant ma princesse qui en faisait assez pour m'empêcher de la quitter, n'en faisait pas assez pour que je fusse content. J'avais de quoi satisfaire la vanité d'un Gascon, et même quelque chose de plus, mais pas assez pour remplir les desseins d'un homme fort amoureux et qui va au solide. Pendant que j'étais aussi embarrassé qu'on le peut être, il se passa des choses qui me firent prendre une résolution. ... [...]
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