Maria est amoureuse.
Elle le sait, elle le ressent.
Dans sa tête, dans son coeur, dans ses tripes.
Oui, elle aime. Cette fille qui lui a fait chavirer l'âme il y a 3 ans.
Car oui, Maria est amoureuse d'une fille. Et alors?
Alors, malheureusement, Maria habite Cambaron, un village ancré dans ses traditions.
Des traditions très dures et très masculines.
Comme celle du Carnaval Sauvage se déroulant à la fin des vendanges en Occitanie.
Cette fête païenne et dégradante où les hommes du pays, déguisés en taureaux, courent dans les ruelles afin de traquer et chasser de jeunes femmes.
Ces filles, après avoir été attrapées, finiront dans un bain d'excréments et de lie de vin afin d'accomplir le rite de ce glauque Carnaval .
Comment Maria pouvait-elle croire à vivre un tel amour dans une région si attachée à son passé folklorique et aux dynasties locales très dominantes?
Son amour ne l'aidant pas et à la suite d'un incident, Maria a préféré fuir à Lyon pour y étudier.
Laissant au passage son père alcoolique et vivant dans le souvenir de son épouse morte il y a des années.
Mais l'amour est plus fort que tout. Et au bout de trois ans, Maria décide de revenir à Cambaron pour reconquérir celle qu'elle aime et l'emmener avec elle loin de ce village pourri.
Mais les espoirs de notre héroïne seront vites déchus...
De ce CARNAVAL SAUVAGE, j'en suis sorti éreinté et fourbu.
Car j'ai été emporté par un flot de sensations et d'émotions fortes que l'auteur dispose tout au long du récit.
Les personnages sont superbement construits et on perçoit les qualités et leurs travers assez aisément.
MARIA, cette jeune femme libérée, prête à vivre sa passion au grand jour, torturée par la mort de sa mère et impuissante devant la déchéance de son père, est une héroïne émouvante et que l'on ne peut qu'aimer.
YANNOS, le papa, veuf inconsolable et père démuni face à sa forte fille, m'a également touché.
AGNÈS, l'amour de MARIA, fille du vigneron le plus renommé du village, me restera comme personnage ambigu.
Tout le contraire de son petit-ami, DORIAN, la star locale, le fils du boulanger qui ressort comme un pervers jaloux et extrêmement violent.
L'écriture est rigoureuse, dure, violente. Totalement en adéquation avec les faits relatés. On est essoufflé ou dégoûté après certains passages.
Pourtant le style est addictif, on veut savoir ce qu'il adviendra de MARIA donc les chapitres se suivent sans qu'on s'en rende compte.
Même s'il s'agit d'une extrapolation, les rites folkloriques de ce village de CAMBARON sont les éléments essentiels à ce roman.
S'imprégner de cette culture païenne et de s'imaginer sur place le soir de ce Carnaval est très intense et repoussant à la fois.
On est dégoûté de certains actes, on en est presque horrifié et honteux.
L'oeuvre de
PIERRE DE CABISSOLE est un roman d'amour, de passion, de vengeance sur fond de traditions, de rancoeur, de fausses bourgeoisies et de préjugés.
Avec des personnages forts, une intrigue sanglante et violente, une ambiance
malaisante et dégradante, l'auteur nous offre néanmoins un récit addictif, poignant, révoltant et pourtant lumineux.
Une excellente surprise littéraire.