J'ai aimé le côté "documentaire" (ça se passe dans la région parisienne des années 50), l'écriture efficace, le ton parfois décalé, et cet humour en filigrane qui n'épargne personne, même pas l'auteur lui-même. Un livre à offrir ou recommander
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Je m'en allai dans la ville, à l'aventure, ou plutôt à la recherche de la demeure d'Héloïse. En cours de route, mon regard fut attiré par une banderole à l'entrée d'un stade :
GRAND TOURNOI DE FOOTBALL,
COUPE DES TROIS FUSILLÉS
Il me vint à l'idée que c'était une curieuse façon de commémorer ainsi un souvenir à coups de pied.
(Au musée de l'asperge - Mai 1953).
A l'entrée d'un faubourg d'Amsterdam, j'ai lu avec une surprise mêlée de plaisir les initiales NRF sur un panneau publicitaire. Ainsi l'Édition française et, dans une certaine mesure, la littérature française étaient partout présentes.
Mais en y regardant de plus près, il m'a fallu déchanter. Il s'agissait d'une fabrique de radiateurs et non point d'une fabrique de romans.
Comme c'est regrettable !
(Tourisme chez les autres - juin 1953)
La viande n'est pas mon fort. Je m'étais souvenu d'avoir vu quelques mois plus tôt chez un boucher de mon quartier, rue Daguerre, une immense pancarte portant ces mots :
GRANDE DÉBÂCLE SUR LE VEAU
Cette courte phrase s'était inscrite dans ma mémoire, ce qui prouve, si c'est nécessaire, l'efficace de la réclame. J'étais allé là en me disant que la débâcle continuait peut-être. Le calicot avait été enlevé. Pour mettre un terme aux questions gênantes du patron, j'avais montré du doigt, à tout hasard, un petit tas mou et blême.
- Ah, ça, c'est un morceau bien placé, m'avait-il dit.
Tant mieux.
A la réflexion, je m'aperçois que j'ai été mis bien souvent à la porte dans ma vie ; cela tient sans doute à ma mine rebutante, un peu dégoûtée. J'en arrive à m'étonner d'avoir encore quelques amis.
Ah, j'allais oublier de mentionner qu'étant petit j'ai assidûment fréquenté la fête à Neu Neu...
Durant les années qu'elles sont restées ensemble, les trois filles n'ont jamais manqué de se rendre tous les samedis après-midi au cimetière de Pantin sur la tombe de leur mère, elles n'ont jamais manqué non plus, le samedi soir, d'aller au bal Wagram où d'ailleurs elles ont trouvé un mari, l'une après l'autre. Lucien n'était pas accoutumé à cette solitude ; une nuit il a ramené chez lui une ivrognesse qui tenait un oeillet fané à la main. Et ç'a été une suite de grandes scènes d'ivresse et de scandale. Il l'appelait alternativement "p'tit poulet" et "sale pouffiasse". Des locataires vertueux se sont plaints au propriétaire qui, d'une façon générale, a renoncé à s'occuper de ce qui se passe dans son immeuble. La Bretonne a envoyé un billet non signé au commissaire de police. On ne sait ce qui serait produit si les choses ne s'étaient pas dénouées d'elles-mêmes, ainsi qu'il arrive souvent. La soûlarde est allée à l'hôpital, elle était poitrinaire comme Yvette. Lucien en a sûrement éprouvé du chagrin, mais c'est quelques jours après qu'il a été écrasé par l'automobile.
(Lucien, mon voisin).
Chronique de Laurence Goullieux : Henri Calet
Laurence Goullieux, directrice de la Bibliothèque Municipale de Liévin, évoque la vie et l'oeuvre de l'écrivain Henri Calet. le site internet de la Bibiothèque Municipale de Liévin :...