Un verre, puis deux, puis trois. le soir de préférence, mais pas que. À la maison, bien sûr. À l'abri des regards...ou presque.
Ninon, huit ans, s'aperçoit que sa maman a un problème. Son petit-frère Louis s'interroge lui aussi à de nombreuses reprises. Mais "il ne faut pas en parler. C'est un secret, OK?". Sauf que, tous les jours, la maladie de leur maman prend de la place dans leurs vies. Un poids que Ninon n'arrive plus à accepter et qui se transforme progressivement en angoisses, colères et honte.
L'autrice s'est inspirée de son vécu pour nous livrer, avec pudeur, cette histoire dans laquelle l'impuissance est le fil conducteur.
Ce qui sidère dans ce # roman graphique, c'est le manque de prise en compte de la parole des enfants. Quand Ninon essaie de prévenir un adulte, celui-ci ne la croit pas et pire...la culpabilise! Quand Ninon cherche à secouer sa maman, elle est seule, dans le huis-clos familial, à entrer en rébellion. Son père et son petit-frère, résignés, ont, eux, intégré la maladie.
L'autrice nous montre aussi à quel point les enfants sont de véritables éponges. Devant un petit-frère apeuré, Ninon devient la figure protectrice "si on reste ensemble, tout ira bien". Toutefois, la détresse l'envahit elle aussi : l'autrice l'exprime grâce à de saisissantes métaphores graphiques. La mère, bestiale sous l'emprise de l'alcool, devient ainsi rhinocéros. le père prend, lui, les traits d'un ours à un moment clef. Enfin, Ninon apparaît en souris/ratte en proie aux doutes puis à la rage.
Les enfants trinquent souligne la dualité des parents. Une mère dépressive, la seule du ménage à travailler, mais une mère dans le déni de sa maladie et d'une grande violence verbale. Un père, certes désemparé, mais laissant les choses empirer.
Et le dessin ? Un code couleur simple, en rose et bleu, qui illustre avec sincérité les maux de Ninon.
Car à huit ans, on ne trouve pas toujours les mots et certains souvenirs sont plus difficiles à effacer que d'autres.