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Maryvonne Pettorelli (Traducteur)
EAN : 9782864246107
161 pages
Editions Métailié (08/03/2007)
3.96/5   13 notes
Résumé :

Une histoire de passion et de mort au cœur de Rio au XIXe siècle. Enfermés dans l'univers clos d'une corvette, Bom-Crioulo, grand noir au physique troublant, et Aleixo, jeune mousse charmeur, courent vers une aventure hors du commun.

Ce roman écrit en 1895 surprend par sa modernité. L'exigence naturaliste d'objectivité, d'observation s'accompagne de scènes dramatiques et violentes visant à montrer les inclinations contradictoires qui pous... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Les vagues déferlent sur le pont, l'océan se fait sauvage, l'écume blanchâtre lèche le sol lavé des pêchés de ce bas-monde. Les matelots alignés par vents et marées, la vieille corvette rentre à son port. Les marins débarquent, les bars seront bruyants cette nuit, les femmes sortent leurs sourires en plus de leurs parures. Nuit de sueur. A son bord, reste Bom-Crioulo, un colosse ébène, la sueur luisante, le regard troublant. Les muscles saillants, cette machine dans la tête, le cuirassé noir, machine sourde et tempête, le corps fier, leitmotiv, nuits secrètes. A son bord, le jeune Aleixo, charmeur et charmant mousse, le corps fragile d'un éphèbe dans la nuit brésilienne. Un regard, un sourire, sur un quai humide, la sueur brûlante. Saudade.

Bom-Crioulo promène son jeune protégé, le bel et innocent Aleixo. Là où avec les autre marins je m'engouffre dans la Rue de la Soif, le "couple" s'enfuit dans les méandres des ruelles, sombres et silencieuses, odeurs de pisse et chaleur moite, jusqu'à la Rue de la Miséricorde. Une petite chambre dans une mansarde, louée par une grosse portugaise, l'âge fanée mais encore belle, le début d'une belle histoire. de regard, déshabille-toi, de toucher, retourne-toi, de désir, la sueur coule, de plaisir, la jouissance s'écoule. Là où d'autres verraient deux bêtes consommer le délit du péché, j'y vois un profond amour de la part du cuirassé noir, le genre d'amour qui se passe de mots, délices silencieux, et qui se joue dans la profondeur des yeux.

Mais qu'on se le dise, le roman d'Adolfo Carminha n'eut pas un chaleureux accueil, contrairement au mien. La littérature sud-américaine est souvent virile, empreinte d'une grande violence. Celle-ci ne déroge pas à la règle, la virilité est différente, la violence reste sous-jacente, mais pour contrebalancer ce flot de stupre, j'embarque sur le pont, affrontant les déferlantes qui renversent les hommes et les sentiments, à l'exception de ce beau cuirassé noir. Parce que le roman n'en reste pas moins tabou pour l'époque. Écrit en 1895, l'auteur ose parler ouvertement d'homosexualité masculine et le sexe devient même des moments de pure poésie. Et même si le Brésil a libéré cette année-là l'ensemble de ses esclaves noirs, Bom-Crioulo garde en nous, lecteur passionné de mer et d'Amérique du sud, cette image forte d'un esclave entre coups de fouets et émancipation. Bref, pour une fois je vais donner mon avis personnel, j'ai trouvé que cette Rue de la Miséricorde est un grand roman qui navigue entre plusieurs eaux.
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Encore une "short tale" pour me remettre de quelques pavés indigestes.

J'adore les histoires de marin, parce qu'elles me font rêver, voyager, découvrir.

Parce le vent y souffle plus librement.
Parce que, comme disait Anne Sylvestre:
"Dans la marge de mes chansons
Je mets des voiliers
Sans raison..."

Mais là ! C'est un coup de vent dans la mâture, un fameux roulis dans la flache du conformisme, un coup de semonce dans la bonace...

Un choc.

Un récit court mais fort. Étonnant et percutant. Qui plus est, datant de 1895!

Bom Crioulo, ancien esclave noir, marron et... marin de seconde classe sur un navire de guerre, tombe passionnément amoureux d'Aleixo, un très jeune mousse aux yeux bleus et aux airs de fille. Il en fait son giton et l'emmène dans une chambre d'amour louée par une opulente portugaise goûter les fruits d'une passion aussi torride qu'interdite.

Un air du Benito Sereno de Melville métissé de l'Othello de Shakespeare qui annoncerait le Querelle de Brest de Genêt...

Rien que ça !

J'ai dévoré, admiré, vibré.

Même si la fin de la nouvelle ramène cette passion à une vision normalisatrice et range commodément le marin noir dans la catégorie des meurtriers jaloux, le vent qui souffle sur le récit est celui d'un désir impérieux, d'une liberté absolue et dérangeante.

Merci au Bison et à Rabanne, prescripteurs éclairés de ce livre court, rare et étonnant.
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Traduit du portugais par Maryvonne Lapouge Pettorelli.

Ce roman a été écrit en 1895

Le Brésil venait de libérer l'ensemble des esclaves noirs , quand l'auteur Adolfo Caminha a publié ce roman.

L'écriture de ce roman n'est en rien datée malgré son ancienneté.

le principal intéressé de l'histoire, dont l'auteur nous conte les aventures, les sentiments et les pensées qui occupent son esprit ; est un Grand Noir du nom d'Amaro engagé dans la Marine.

Amaro, surnommé Bom-Crioulo (bon noir), magnifique individu ébène de 1m80 qui dans toute la "splendeur" de ses 30 ans va tomber "raide dingue" amoureux d'un jeune éphèbe "blanc et rose" comme une jeune donzelle.

Tout est puni de coups de fouets sur les bâtiments de la Marine, que ce soit la masturbation , où l'homosexualité, qui elle est considérée comme une scandaleuse anomalie.

Histoire d'amour au masculin, virile où la violence et l'intensité des sentiments bousculent les conventions de l'époque.

Cela n'en reste pas moins une belle histoire où la jouissance et le plaisir s'invitent , mais aussi, la jalousie, la colère et la fureur.

La Marine est bien égratignée au passage.

Ce roman surprend par sa modernité, l'ai lu avec plaisir.

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Trouvé sur un étalage, ce livre m'a attiré car pour une fois, un roman brésilien ne mettait pas en scène des individus mâles bardés de centaines de maîtresses et de femmes chargées de centaines d'amants. le roman démarre comme un livre qui traite d'aventures et de marine. Puis, on y évoque la condition des Noirs et la discipline de fer qui règne à bord. L'auteur publia ce document en 1895. Il avait du démissionner de la marine pour avoir entretenu une liaison avec une femme d'officier. Puis on s'oriente vers de la littérature gay (Good As You) avant la lettre, mais du niveau du roman de gare. Finalement, il me semble qu'il ne s'agisse que d'une grosse farce malgré ce qu'en disent les critiques brésiliens qui prétendent que faire du héros noir un homme intelligent habile et valeureux qui plus est homosexuel assumé était déjà suffisant. C'est bien écrit et il y a de beaux passages sur la folie que suscite la jalousie. Idéal pour la plage ou le train. Une fois refermé, c'est déjà oublié.
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Lu en 2021. Une oeuvre de la littérature classique brésilienne très avant-gardiste, puisque l'auteur parlait ouvertement d'homosexualité...
Rue de la Miséricorde raconte une passion tragique, interdite et secrète au sein de la marine marchande portugaise, au 19e siècle. Une histoire d'amour contrarié entre un marin de seconde classe de trente ans, noir et ancien esclave. Ce récit nous offre également un aperçu très réaliste de l'ambiance qui régnait sur ces navires et tout ce qui gravitait autour (hiérarchie, règlement, joies et déconvenues du métier de marin).
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
La glorieuse et vieille corvette était loin désormais - et que c'était dommage ! - d'évoquer le fier bâtiment de jadis, allègre et pittoresque, vraie galère de légende chevauchant légère et blanche, sereine, en haute mer, la croupe des vagues...
Elle était différente, si différente avec sa coque noircie, ses voiles moisies, sans plus rien du bel aspect guerrier qui faisait, aux temps bénis de son commerce avec les océans, l'enthousiasme de tous. En la découvrant au loin sur l'immensité bleue, on aurait dit à présent le spectre fantastique de quelque bâtiment pirate. La vieille carcasse flottante était toute changée, sans trace de la blancheur limpide et triomphale des voiles, sans plus rien de la peinture originelle de la carène.
Elle s'en venait cependant - esquif de mauvais augure - sur les eaux brésiliennes, elle s'en venait, quasiment lugubre et l'allure paresseuse, semblable non plus maintenant à quelque échassier énorme, immaculé, cinglant la plaine liquide, mais, lourde, lente, pareille à une chauve-souris géante et apocalyptique, les ailes largement déployées sur la mer...
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Le hasard, disons-le tout net, avait voulu que Herculano, la veille au soir, soit surpris par un autre matelot alors qu'il se livrait à un acte fort laid et déprimant de la nature humaine. On l'avait trouvé, debout et seul contre le bastingage, en train d'agiter le bras dans une posture obscène, en un mot, de se livrer contre lui-même aux atteintes les plus honteuses.
Un petit mulâtre, qui avait l'habitude de rôder, la nuit tombée, pour espionner les faits et gestes de ses camarades, courut appeler Sant'Ana et les deux compères s'approchèrent en craquant une allumette, "pour voir"... Les éclaboussures d'un crachat brillaient encore, toute fraîches, par terre : Herculano, venait bel et bien de commettre un crime, crime de lèse-nature, non prévu par le Code, en répandant sur le pont stérile et sec la semence génératrice de l'homme.
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Le ciel s'était complètement enténébré, et le vent, qui fraîchissait, sifflait sinistrement en rafales dans le gréement, avec la force colossale de titans invisibles. La mer et le ciel se confondaient dans l'obscurité, formant autour de la corvette une seule masse sombre qui la pressait de tout côté, à croire qu'elle allait être engloutie corps et biens sous les eaux et les nuées... De grandes vagues roulaient altières, qui rugissaient sous la quille et dansaient à la proue une gigue effrayante et vertigineuse chaque fois que le navire plongeait, toute sa coque dans l'eau, au risque de se fendre par le milieu...
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Pas la moindre ouverture sur le paysage ne rompait la monotonie du pâté de maisons : rien, à part le roulement des premiers tramways et une voix par-ci par-là, le timbre haut. Il planait une forte odeur d'urine, agressive comme les exhalaisons d'une pissotière, qui asphyxiait, empoisonnait l'atmosphère. Les rayons du soleil levant frappaient les vitres de reflets obliques, réveillant les habitants, teintant la façade des maisons de balafres d'or, animant le granit des portails d'éclats de cristal, et blessant la vue comme les fulgurations d'un réverbère ; et l'on commençait déjà à sentir une morne chaleur, une tiédeur débilitante, un début de moiteur.
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La masse impressionnante de nuages qui avait tout à l'heure surgi de loin là-bas, vers le sud, s'amoncelait maintenant de plus en plus, déployant dans le ciel d'étranges reliefs de la couleur du plomb annonciateurs de tempête, telle une énorme barrière qui se serait soudain dressée entre la corvette et l'horizon. Les rayons d'un soleil, déjà à demi voilé filtraient tristement à travers les nuages, s'irisant, comme une sorte d'auréole, d'une écharpe brillante et multicolore, qui tombait dans la mer.
L'averse était imminente.
- Au cacatois et au perroquet ! hurla l'officier de quart.
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