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sur 1832 notes
Que dire de cet ouvrage ? Même avant de l'avoir terminé, je me suis rejeté à l'assaut de ses premières pages. Tel un guerrier dont l'orgueil déchiré l'oblige à retourner à un combat perdu d'avance, je n'ai pu m'empêcher de recommencer cet ouvrage. Troublé par ces mots, je ne pouvais demeurer vivant sans en comprendre davantage le sens. Et encore aujourd'hui, le sens profond du livre m'échappe. J'ai le sentiment de ne pas en avoir finit avec ce livre. Cette sensation m'est familière avec certaines oeuvre d'art, devant lesquelles il m'est impossible d'être rassasié, devant lesquelles je ne peux dire: "j'ai saisi", ou "j'en ai assez". Chaque fois que je regarde ces oeuvre, je sens que quelque chose m'échappe. Je les quittes quelques minutes, puis, obsédé, je reviens les contempler. Ce livre est du même ordre : il est inépuisable. Sous ces mots, je vais uniquement vous donner un aperçu bref de l'absurde Camusien car un approfondissement se traduirait en un échec tant il est profond. Puis, je vous parlerai de mon ressenti personnel au contact des phrases de ce chef-d'oeuvre.

Camus aborde en effet la tragédie de l'homme, qui consiste en l'incapacité de sa raison à cohabiter avec le monde. le monde n'obéit pas à la rationalité humaine. C'est ici que nait l'absurde. Car "l'absurde naît de la confrontation de l'appel humain avec le silence déraisonnable du monde." Très concrètement, il est absurde pour un homme de vivre tout en sachant qu'il mourra. La raison ne convient pas au monde car "comprendre le monde pour un homme, c'est le réduire à l'humain, le marquer de son sceau."

Confronté à cette alarmante situation, l'homme envisage des solutions. L'une d'entre elle est le suicide. En effet, si l'absurde provient de la confrontation entre la raison humaine et le monde, supprimer un des comparé revient à supprimer le comparant, donc le problème. Si la raison n'est plus, l'absurde n'est plus car il n'y a plus de confrontation entre la raison et le monde. Cependant, selon Camus, le suicide ne serait en aucun cas une suite logique à cette équation car il reviendrait à annuler sa résolution, et non à la résoudre. Si j'essaye de trouver la somme de 1 et de 1, et que je supprime un des deux chiffres, je ne peux prétendre avoir trouvé la solution. Aussi, accepter le suicide revient à accepter l'absurde en se précipitant vers lui. Si je suis confronté à l'absurde car, atteint d'une maladie mortelle, ma raison peine à trouver un sens à ma vie; alors, me suicider revient à me précipiter vers l'absurde.

La solution s'exprime donc dans la révolte lucide de l'homme. La suite logique à l'absurde que l'homme doit emprunter est une révolte consciente contre ce mal. Car, "pour un homme sans oeillères, il n'est pas de plus beau spectacle que celui de l'intelligence aux prises avec une réalité qui le dépasse." En continuant à vivre, mais avec une certaine distance vis à vis du monde, l'homme ne se résigne pas à l'absurde : il s'adapte. Certes, ce n'est pas une solution qui apporte un bonheur aussi important que si l'absurde n'existait pas, mais c'est la meilleure possible. Camus "transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort" car il peut "se sentir désormais assez étranger à sa propre vie pour l'accroitre et la parcourir sans la myopie de l'amant". La révolte Camusienne est même meilleure que l'ignorance à l'absurde. Tel l'habitus de Pierre Bourdieu, l'âme consciente de l'absurde saura plus heureuse et plus libre que l'ignorante. Connaître ses limites, c'est mieux vivre avec. Connaître la structure structurée dans laquelle je vis, c'est pouvoir mieux la rendre structurante. Une révolte consciente face à l'absurde est donc synonyme de liberté.

Vous l'aurez compris, la partie concernant la révolte est plus floue, certes, mais elle est vraiment intéressante. Pour les personnes familières à la philosophie, Camus utilise la dialectique Hegelienne. J'expose, je m'oppose, je dépasse. J'expose, ma raison ne correspond pas au monde, je choisis de m'opposer (suicide), je dépasse l'opposition et je me révolte...

Si je discutais avec mes amis, j'aurais dis de ce livre que c'est un "banger". J'ai rarement ressenti de telles sensation avec un livre. Il est d'une richesse inouïe et a un champ d'action passionnément large. Camus ne pond pas juste un essai sur l'absurde, il illustre ses dires chez des auteurs, avec des exemples concrets, notamment le fameux Mythe de Sisyphe. Cependant, lors de quelques passages, la pensée de Camus m'échappe totalement. Je n'arrive pas à saisir ce qu'il veut dire et je demeure dans le flou. Je pense que cela provient d'une incompatibilité de références culturelles. La pensée de Camus est très riche et ses phrases sont très précises et intelligente. Dans quasiment chaque chapitre, il est possible de trouver des citations à poster sur instagram incrustées sur une photo de coucher de soleil... Ca fait réfléchir... Sé profond...
Je vous conseille profondément cet ouvrage, ce classique, qui n'est pas aussi abrupte que ça pour ce qu'il contient (Kant, je te vois).

Luc
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La chair de l'absurde.

Tout au long de sa vie, Albert Camus reste attaché à cette philosophie de l'absurde. Selon lui, il n'y a au fond qu'un seul problème philosophique concret : "le suicide". Face au "rien" qui nous entoure, nos êtres sont avides de force. Chaque être est confronté à la dure réalité de son aventure, le chemin est parfois sinueux ou sans sens particulier mais la vie, si difficile qu'elle est, vaut la peine d'être vécu. Et c'est à nous autres de donner sens à la vie.

La réflexion de Camus repose sur deux questions fondamentales : Comment pouvons-nous exister sans utilité ou signification? Et comment pouvons-nous élaborer un sens? L'illustration du propos s'élabore par un symbolisme pur, à savoir le Mythe de Sisyphe. Considérant la destinée de Sisyphe, lequel est condamné à pousser une pierre au sommet d'une grande montagne, il sait que l'idée de mourir n'effleure pas Sisyphe. Il y a certes la facilité de songer au sens "absurde" de notre existence, mais au-delà de cela Camus s'essaye à une autre analyse. À savoir, se laisser habiter par l'absurde.

Il y a derrière la perspective corruptible de cette finalité, une victoire, et cela même lorsque le châtiment s'applique. le Mythe de Sisyphe s'inscrit sans aucun doute comme une vaste confrontation entre la vocation humaine et le silence démesuré du monde. L'Étranger d'Albert Camus en avait esquissé la toile, et l'oeuvre présente nous la fait désormais figurer en chef-d'oeuvre. Au fond l'âpreté d'aucuns ne pourraient remettre en cause l'analyse, elle demeure sur une ligne constante faite de rigueur et de profondeur.
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Le Mythe de Sisyphe est le premier essai publié par Albert Camus, pilier du cycle de l'absurde, ce livre est bien que appartenant aux premiers ouvrage de Camus, essentiel pour la compréhension de l'oeuvre du futur prix Nobel. Il éclaire profondément le cycle de l'absurde, et contient tout ce qui permettra de comprendre le cycle de la Révolte. Comme dans Caligula en effet, la fin de l'oeuvre s'ouvre sur une introduction à la révolte, et Camus insiste sur la logique qu'il y a de passer de la réalisation de l'absurdité de monde à la révolte contre celle-ci.

Le début de l'essai est très claire, où Camus expose ses postulats. Dans ce monde moderne, la mort de Dieu Nietszschéenne est actée, et évidemment la vie après la mort. L'absurdité du monde surtout l'est également. C'est le décalage entre les désir infinie de l'homme et la résistance du monde au désir du monde, c'est cette irréconcibialité qui ouvre la réflexion de Camus. le postulat de base, c'est que la vie n'a pas de sens.

Ce qu'il y a de marquant dans cette oeuvre, c'est la rigueur de Camus. Un refus de tout rennoncement de la raison humaine, pas de "saut" de la raison, que ce soit par la foi en Dieu, l'acceptation de l'incompris. Et si le désir de tout vivre par sa tête me semble critiquable, le refus des compromis dans la réflexion me semble admirable.
Camus est intransigeant dans la recherche de vérité. Il y a surtout un désir d'unité entre la philosophie qu'il développe et la manière de vivre. Cette honnêteté qui le fera rompre avec le partis communiste Algérien puis avec Sartre.

D'autres ont déjà résumé bien mieux que je ne le ferai tout les découlement logiques de l'essai. En notant un passage étonnamment lyrique au chapitre traitant de l'image du conquérant. L'analyse d'une partie de la pensée de Dostoievski et de Kafka à la fin du livre et vu par le penseur absurde aide à les comprendre avec un plus de profondeur.

Bref, on peut tout à fait ne pas partager les postulat de Camus, en pleine occupation allemande, mais le développement de sa pensée à partir de ceux-ci reste intéressant pour comprendre un auteur majeur du XXème siècle.
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Un essai magistral
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Livre très compliqué à appréhender pour les néophytes philosophes.
Mais la question posée est bien trop intéressante pour lâcher cet ouvrage. Face à la perception de l'impossibilité d'un sens à la vie devant l'inéluctabilité de la mort, faut-il continuer à vivre ou se tuer ?
Et comment l'homme absurde, conscient de son destin, peut-il réellement avancer dans ce monde qui se bande les yeux pour ne pas voir sa finitude ?
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Vraiment très intéressant. Ouvre de nouveaux champs de réflexion sur le sens de la vie. Une révélation !
Je conseille en complément l'excellent film "La femme des sables" de Hiroshi Teshigahara (1964).
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L'un des meilleurs livre philosophique que j'ai lu. Cette notion d'absurde est tellement actuelle qu'il faudrait que tout le monde le lise. L'absurdité dans l'art et à travers des personnages comme Don Juan est clairement expliqué. J'ai très apprécié, c'est le raisonnement sur Kafka et ses oeuvres. L'espoir dans la vie est une illusion. Critiques des philosophes de la phénoménologie. Comment donner un sens à la vie ? Rester dans l'absurde...
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Absurde
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Le mythe de Sisyphe se déploie non pas sur des lieux physiques, mais sur des lieux intellectuels, à travers les oeuvres d'illustres prédécesseurs. L'essai de Camus prend forme, pour reprendre la métaphore de Bernard de Chartres, en se haussant sur des épaules de géants : Heidegger, Nietzsche, Jaspers, Chestov, Kierkegaard, Dostoïevski, Husserl, Sophocle, Kafka. Camus prend le parti, dans le but de nous rendre les oeuvres plus vivantes et plus tangibles, sa pensée plus intelligible et plus accessible, de nous offrir des portes d'entrée, par le biais notamment des protagonistes principaux de ces oeuvres, éléments essentiels au déploiement de sa pensée : Zarathoustra pour Nietzsche, Don Juan pour Kierkegaard, le Hamlet de Shakespeare, cité par Chestov, Kirilov pour Dostoïevski, Oedipe pour Sophocle, Joseph K., K. et Gregor Samsa pour Kafka, et évidemment Sisyphe, raconté par, entre autres, Homère.
En faisant de ces protagonistes des éléments du décor de son essai, des fils d'Ariane cheminant vers sa pensée sur l'absurdité de l'existence et la nécessaire révolte qui doit en découler, Camus aplanit les écueils de l'aventure herméneutique. En procédant par analogie entre les aventures vécues par les héros cités dans le texte et les vicissitudes de l'existence humaine, il permet au lecteur de suivre plus facilement les méandres de sa pensée. Ainsi, Camus sait se faire bon pédagogue en intégrant et assimilant différents éléments à son oeuvre, nous rendant la lecture plus accessible et plus riche.
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a lire
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