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EAN : 9782073057778
Gallimard (04/04/2024)
4.25/5   28 notes
Résumé :
Par l'auteur d'En bas, qui fait l'admiration d'Henri Michaux, voici un savoureux récit mi-autobiographique mi-fantastique, qui emprunte à l'alchimie (du noir au blanc en passant par le rouge) la symbolique de son parcours. C'est un roman d'initiation ou d'apprentissage, mais à la vieillesse : comment trouver le bon rythme de la vie quand on a 99 ans, qu'on n'a jamais compris rien à rien, et qu'on est enfermé dans une sorte de Disneyland délavé, univers asilaire que ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Ce n'est pas l'arthrose ni le poids des ans qui m'oblige à m'incliner devant les avis enthousiastes et éclairants de mes coreligionnaires steka, batlamb et Lutopie.
C'est avant tout mon enclin vers ces littératures de l'imaginaire, mon respect du droit d'ainesse et du patrimoine qui me poussent à ravaler ma petite déception à la lecture d'un si attendu chef-d'oeuvre.

Pièce maitresse de la collection « L'Age d'Or » chez Flammarion, dirigée en son temps par le traducteur de Lewis Carroll, Henri Parisot, ce livre cumule la rareté avec l'attrait de la curiosité.
Edition originale, dans le sens qu'elle a paru chez nous, traduit directement de l'anglais par Parisot, avant n'importe où ailleurs.
Elle finira sans doute par reparaitre, débarrassée de ses ayants droits, le sexisme en littérature s'étant à présent inversé.
( les excellentes éditions Fage sont occupées à rassembler toute son oeuvre )
Bref, cela reste un livre définitivement pour le moment « à redécouvrir ».

Roman classé comme « surréaliste », ses deux premiers tiers appartiennent au genre du « réalisme magique », ce qui parait normal, vu qu'il a été rédigé au Mexique…
Puis une tentation eschatologique proche du Jour d'Après prend soudainement notre auteure, laissant votre serviteur enluné d'effroi, perdant de vue le délicieux humour britannique qui le changeait de ses considérations sur la vieillesse, alors directement confronté avec les affres de celle de ses parents (dont je vous passerais volontiers les détails).

Alors que l'on est tous recouverts sous les mots en -isme et en -phobe, on ne pourra sans doute pas taxer ce livre de faire de l'âgisme ; bien que l'affection pour la vieillesse de Leonora Carrington n'aurait sûrement pas supporté son expérience physique, on ne peut que se laisser entraîner dans son phantasme personnel, ricanant de l'éternelle ingratitude des générations neuves pour leurs aïeules.

Afin de mieux comprendre, voici une lettre à Henri Parisot, préface de son livre publié en 1945 « En Bas » (merci à steka pour sa retranscription) :

« Cher Henri, merci de votre lettre – Je suis d'accord qu'on publie En Bas MAIS croyez moi qu'il n'y a eut aucune « mal entendu » entre nous – Vous n'avez peut-être pas compris mon irritation que je ressent encore, Je ne suis plus la jeune fille Ravissante qui a passér par Paris, amoureuse -
Je suis une vieille dame qui a vecue beaucoup et j'ai changée – si ma vie vaut quelque chose je suis le resultat du temps – Donc je ne reproduirais plus l'image d'avant – Je ne serait jamais petrifiée dans une « jeunesse » qui n'existe plus – J'accepte L'Honorable Décrépide actuelle – ce que j'ai à dire maintenant est dévoilé autant que possible – Voir à travers le monstre – Vous comprenez ça? Non? Tant pis. En tout cas faites ce que vous voulez avec cette fantôme - avec le condition que vous publiez cette lettre comme préface -
Comme une vieille Taupe qui nages sous les cimetières je me rends compte que j'ai toujours étais aveugle – je cherche à connaître le Mort pour avoire moins peur, je cherche de vider les images qui m'ont rendus aveugle -
Je vous envoie encore beaucoup d'affection et je vous embrasse à travers mon Ratelier (que je garde a côté de moi la nuit dans une petite boite bleu ciel en plastique)
JE N'A PLUS UNE SEUL DENT
Leonora
P.S. Si les jeunes me disent maintenant qui j'ai l'esprit jeune je m'offence -
J'ai l'ESPRIT VIEILLE
Tachez de comprendre ça - »

Beaucoup reste à dire sur cette grande dame de l'art du 20ème siècle, nous laissant caresser cette sublime couverture de son infortuné compagnon Max Ersnt, heureux d'avoir longuement creusé la poussière afin d'en extirper cette possible pièce de musée.
D'autres visites sont d'ores et déjà programmées…
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Est-ce que les vieilles dames dérangées dérangent ?

Si oui, que faire ? Faut-il continuer à s'occuper d'elles ? Est-il raisonnable de les loger chez nous dans une petite maison au fond du jardin ? Ne serait-il pas préférable de les installer dans le poulailler ? Non, cela ne se fait pas. Ne pourrait-on pas considérer la question de leur réserver une place dans une institution pour personnes âgées, réservées aux dames, comme un couvent par exemple ? Quoique, nous pourrions aussi bien leur proposer de rejoindre une secte, ou les inscrire dans un camp de travail contre leur volonté, pourquoi pas ? Non, cela non plus ne se fait pas. En vérité, nous pourrions tout aussi bien les envoyer à Buckingham Palace, tenir compagnie à la Reine. Mais elles seraient peut-être plus en sécurité sur une autre planète. Tant qu'elles sont envoyées - ailleurs -, on peut tout aussi bien les envoyer nulle part. Cette décision, de leur faire quitter le domicile familial, cette décision qu'elles ne prennent pas, c'est pour leur bien n'est-ce pas ? Après tout, n'ont-elles pas toujours rêvé de partir, de voyager ? Ne s'agit-il pas de les aider à réaliser leurs rêves, à visiter la Laponie ? N'est-il pas logique que pour qu'elles puissent voir la neige et les traîneaux tirés par les chiens, il faut qu'elles abandonnent leurs chats et leur maison ? Et si elles sont plus terre à terre, plus casanières, si elles n'éprouvent nulle envie de voyager ? Si elles préfèrent la routine de la sempiternelle conversation à l'heure du thé ? Autant leur donner matière à réflexion, non ? Alors, autant les envoyer dans l'institution où elles auront la compagnie d'autres vieilles dames. Mais les vieilles dames ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être ... Il arrive qu'elles ne soient pas si vieilles qu'il n'y paraît, il arrive aussi qu'elles ne soient même pas des dames. Il arrive encore qu'elles se transforment ... en sorcières par exemple. À partir du moment où l'on se permet de s'en prendre aux vieilles dames, les vieilles dames se permettent tout ... Alors méfiance ...
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Par l'alchimie de la littérature, Leonora Carrington se transforme en vieille dame avant l'heure. Son avatar, Marion Leatherby, nous entraîne dans une suite de péripéties héritées du nonsense à l'anglaise. On voit ainsi notre héroïne nonagénaire être abandonnée par sa famille dans une maison de retraite très particulière, qui parodie l'enseignement de certains gourous mystiques. Mais à la faveur d'un récit dans le récit, le voile va se lever sur des phénomènes occultes, qui renversent littéralement le monde. Une chance pour les vieilles pensionnaires de l'hospice de s'arroger les attributs de la jeunesse, en se rebellant avec dynamisme et exubérance contre l'ordre établi. La partie noire de l'oeuvre (humour noir, s'entend), annonce une oeuvre au blanc plus apaisée, à l'image de la Laponie dont Marion espère un jour contempler la pâleur lunaire.

La nouvelle lune fait justement partie des attributs d'Hécate, déesse grecque de la magie. Celle-ci se révèle sous la forme dorée de la reine des abeilles et entraîne vers l'accomplissement de rites alchimiques. La pierre philosophale est ici un Graal détaché du monde chrétien, une relique autour de laquelle gravitent des puissances issues de la mythologie grecque ainsi que des racines celtiques de Carrington (transmises par une autre vielle dame : sa grand-mère, à laquelle elle rend sans doute hommage ici). Il faut se donner les moyens d'entendre l'autre-monde, et le cornet acoustique éponyme capte l'écho lointain du Dieu Cornu des peuples nord-européens. L'héroïne de Carrington devient ainsi la championne d'un paganisme syncrétique, face à l'obscurantisme empêchant la vie de se transformer.

Le cornet acoustique symbolise aussi le lien affectif entre Marion et la délirante Carmilla, dans les traits de laquelle on peut reconnaître la meilleure amie de Carrington, la peintre Remedios Varo. Il permet une meilleure entente, et donc une plus grande complicité. Y compris avec le lecteur.

A la faveur des retournements fantaisistes du récit et du globe terrestre, Carrington change en or tout ce qu'elle touche. Un humour cosmique !
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Si vous cherchez des images de Leonora Carrington, vous tomberez fort probablement sur les portraits qu'a réalisés d'elle la photographe Lee Miller (une élève de Man Ray) dans la maison de Max Ernst en Ardèche à la fin des années 30. Vous y verrez une fort belle jeune femme dont le regard révèle à la fois sensibilité et détermination. Suite à l'arrestation et à l'internement de Ernst par la police française, d'abord comme citoyen allemand, puis comme opposant au régime nazi, Leonora s'approcha fort dangereusement des portes de la folie, expérience dont elle fit ultérieurement le récit dans le remarquable « En bas ».
Mais Leonora ne pouvait se contenter d'être une « muse » surréaliste, sa personnalité disposant de nombreuses ressources ; et de cette détermination que j'ai évoquée plus haut …
Leonora Carrington était peintre et sa rencontre avec le mouvement surréaliste fut bien sur déterminante pour le reste de sa carrière qui se continua au Mexique où l'on retrouve nombre de ses fresques. Et puis Leonora avait l'imagination fertile avec aussi un véritable talent pour l'écriture dont ce merveilleux « Ear Trumpet » est l'expression la plus achevée. Sans doute un des plus beaux romans surréalistes que l'on puisse trouver. Où l'imaginaire, l'onirisme et l'humour s'entremêlent harmonieusement pour notre plus grand plaisir.
Voilà, il ne vous reste plus qu'à tomber à votre tour amoureux de Leonora, avec ce chef-d'oeuvre unique en son genre.
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Un livre loufoque à souhait qui nous pénétrer dans les pensées de vieilles dames qui ont une logique qui défie toute raison. L'une veut s'enfuir à 99 ans en Laponie et se tricoter une veste avec les poils de ses chats pour fuir la maison de retraite où sa famille se propose de l'enfermer jusqu'à la fin de ses jours, son amie écrit à des inconnus dont elle a relevé le nom dans un annuaire parisien...Un univers déjanté où il fait bon promener son imaginaire , un humour noir et grinçant qui donne à réfléchir sur notre propre façon d'aborder la vieillesse et bien sûr la nôtre en l'occurrence!
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
« Le Cornet Acoustique » est un récit de Leonora Carrington traduit et édité dans la collection « L’Age d’Or » dirigée par Henri Parisot (1974, Flammarion, Le Terrain Vague, 246 p.). Le texte fait partie de l’« Œuvre Ecrit » en tant que « Récits », soit le tome 2 (2022, Fage, 432 p.).
Ce deuxième volume des œuvres complètes écrites est consacré aux récits écrits entre 1940 et 1974. Ils sont introduits par une préface de Jacqueline Chénieux-Gendron. A mon avis, il manque, dans les trois tomes de ces œuvres, une partie bibliographique qui resitue les différents écrits. Le tout comporte « Histoire du Petit Francis », « En bas », « La Porte de Pierre » et « Le Cornet Acoustique ». Ce sont donc des univers stupéfiants de magie, truffés de passages où s'engouffrent toutes les autres réalités. Certains étaient encore inédits, par la suite de tribulations diverses des divers manuscrits. C’est particulièrement le cas pour « Histoire du Petit Francis ».
Dans la réédition du NYRB « The Hearing Trumpet » (2021, New York Review of Books Classics, 224 p.) le texte traduit en anglais par Antonia Lloyd-Jones est suivi par une postface de Olga Tokarczuk. Il comprend également des illustrations en noir et blanc du fils de Carrington, Pablo Weisz Carrington. Dans sa préface, Olga Tokarczuk, qui entre temps a reçu le Prix Nobel, précise même qu’elle a lu le texte, ignorant initialement qui était Leonora Carrington. Elle indique ensuite que l’écriture de son « Sur les ossements des morts », traduit par Margot Carlier (2012, Noir sur Blanc, 302 p.) est indépendant de sa lecture. Et pourtant ce dernier roman commence par « Je suis à présent à un âge et dans un état de santé tel que je devrais penser à me laver soigneusement les pieds avant d’aller me coucher, au cas où une ambulance viendrait me chercher en pleine nuit ».
Pour comprendre l’écriture de Leonora Carrington, il faut remonter à sa biographie. Et là encore il existe deux périodes. La première est décrite dans « Leonora » de Elena Poniatowska, en espagnol (2011, Seix Barral, 512 p.), puis traduit par Claude Fell (2012, Actes Sud, 448 p.). Réciproquement, Leonora illustrera « Lilus Kikus », un roman de Poniatowska en espagnol (2012, Editorial Trifolium, 54 p.) sur une petite fille Lilus Kikus, grandie trop vite, qui remet le monde à l’endroit dans son esprit en colimaçon.
La seconde, plus récente, prend en compte cette histoire mexicaine. C’est « The Surreal Life of Leonora Carrington » de Joanna Moorhead, en anglais (2019, Virago, 336 p.).
La période de vie au Mexique est pour Leonora Carrington, celle du deuil et du renouveau. Les séquences pénibles de la période français, puis espagnole, en compagnie de Max Ernst sont loin. Elle a compris que le mariage de Max Ernst avec Peggy Guggenheim ne marcherait jamais. Elle l’écrit dans le « Post-Scriptum » qui termine « En Bas ». « Je ressentais qu’il y avait quelque chose de faux dans la relation de Max et Peggy. Je savais qu’il n’aimait pas Peggy, et j’ai encore ce côté puritain, on ne doit pas être avec quelqu’un qu’on n’aime pas ». A Mexico, elle rencontre le photographe hongrois Imre « Chiqui » Weisz (1911-2007) ancien compagnon de route de Robert Capa. Elle l’épouse et ils ont deux enfants, Pablo et Gabriel.
Elle entre alors dans une période de créativité intense. Avec Remedios Varo, elle trouve « une intensité du pouvoir de l’imagination qu’(elle) n’avait pas rencontré ailleurs ». Les deux femmes ont commencé à étudier la Kabbale, l'alchimie et les écrits mystiques des Mayas post-classiques. Cette période couvre la mythologie des cultures anciennes du Moyen-Orient, de l'Europe occidentale et de l'Angleterre. Au cours de ces temps, les hommes ont brutalement anéanti les sociétés matriarcales, remplacées par des structures patriarcales. C’est une révélation pour ces deux femmes, qui ont toujours voulu être libres. Dans ses peintures, Leonora Carrington a commencé à incorporer ces thèmes et mythes mythologiques dans son art, créant des couches énigmatiques et riches de sens et de symbolisme féministe.
Puis l’activisme politique de Leonora Carrington s'est poursuivi tout au long des années 1960 et 1970. En 1972, elle participe à la fondation du mouvement de libération des femmes mexicaines et elle organise de nombreuses réunions d'étudiants dans sa résidence. C’est lors de ces réunions que Roberto Bolaño a pu la croiser, ce qui explique son peu d’attention, alors qu’il est plus intéressé par l’écriture de Remedios Varo, par opposition, alors que Leonora peint. Elle part ensuite dans les années 80 vivre à New York, dans une petite chambre individuelle au sous-sol du quartier de Gramercy Park, pas très loin de Greenwich Village. Elle avait choisi de vivre sous le niveau de la rue car c'est là qu'elle se sentait en sécurité et elle était très contente de son cadre modeste. Elle publie alors « The Debutante and Other Stories » avec une Introduction par Sheila Heti et une Postface par Marina Warner (2017, Silver Press, 168 p.). Silver Press est alors un nouvel éditeur féministe, c’est son premier ouvrage publié.

« Le Cornet Acoustique » est sans doute le récit le plus connu de Leonora Carrington. La trame est relativement simple. Une vieille femme Marion Leatherby, quatre-vingt-douze ans, vit avec son fils Galahad, sa femme Muriel et l'un de leurs cinq enfants qui est toujours à la maison. Son amie Carmella lui offre un cornet acoustique afin qu’elle puisse entendre ce que l’on dit, surtout du mal, autour d’elle. Cela va changer la vie de ces deux femmes âgées, qui vont apprendre que les enfants voudraient les placer dans une maison-hospice et donc bouleverser leur train-train quotidien. L’esprit surréaliste dans lequel est écrit ce roman bouleverse également sa trame. On part très vite, de digression en digression vers un récit de type « nonsense » dans lequel la logique est bousculée par le comportement, à la fois des protagonistes, et aussi par le mode d’écriture. C’est ainsi que le récit va être globalement scindé en deux parties. La première étant la vie même de ces deux femmes âgées et leurs réactions face à la mise en maison de retraite. La seconde, initiée à partir d’une lettre à propos d’une nonne enfermée dans une tour « Doña Rosalinda Alvarez della Cueva » s’embarque sur des considérations de pouvoir entre la domination patriarcale de l’Eglise et le pouvoir féminin. On rappelle que Leonora Carrington, dans sa période mexicaine a été une fervente promotrice, avec Remedios Varo, d’un surréalisme typiquement féminin.

Donc on commence « Le Cornet acoustique » en croisant Marion Leatherby et sa meilleure amie Carmella qui vivent dans un pays hispanophone non précisé. Cette dernière « écrit des lettres » à des gens qu'elle n'a jamais rencontrés et les « signe avec toutes sortes de noms romantiques, jamais les siens ». C’est surtout à Paris depuis qu’elle « a dérobé au consulat l’annuaire du téléphone de Paris » Sa dernière lettre est « adressée à un Monsieur Belvédère d’Oise Noisis, rue de la Roche-Potin à Paris (11e) ». On ne sait si ce monsieur, au si joli nom, lui répondra. Marion vit avec son « arrière-petit-fils Galahad la plupart du temps dans l’arrière-cour ». Galahad et Muriel, son épouse ont cinq enfants, dont le plus jeune Robert a vingt-cinq ans et vit avec ses parents. Cohabitation qui a l’air de bien se passer du point de vue de Marion. « Cent vingt ans d’âge n’est pas tellement vieux si l’on considère cela d’un point de vue biblique ». Tout est finalement une question de relativité. Einstein l’avait déjà écrit. Mais ce que voudrait Marion, le rêve de sa vie ce serait d’aller en Laponie, « me promener dans un véhicule trainé par des chiens laineux ». Le seul problème, ce sont ses deux chats Marmeen et Tchatcha, qu’elle peigne tous les jours, en réservant les poils pour faire un tricot. Elle en a déjà « rempli deux pots à confiture du joli poil doux ».
Carmella offre à son amie un superbe cornet acoustique (« hearing trumpet ») qui donne le litre au récit. « Il était très joli avec des incrustations de motifs floraux d’argent et de nacre, et il se recourbait splendidement comme la corne d’un bison ». Il faut préciser que Marion à l’oreille dure, et « une courte barbe grise que les gens conventionnels trouveraient répugnante », mais sa vue est bonne.
Au premier essai du cornet, elle espionne son arrière-petit-fils et femme. À sa grande horreur, elle apprend qu'ils prévoient de l'envoyer dans une maison de retraite. « Le Gouvernement a créé des hospices pour les personnes âgées et infirmes […] On aurait dû s’en débarrasser depuis longtemps »
La maison de retraite est en fait beaucoup, beaucoup plus étrange que Marion n'aurait pu l'imaginer. « Leur hospice s’appelle « Le Puit de la Lumière Fraternelle » », dirigé par le Dr et Mrs Gambit. Le bâtiment principal est en fait un château, entouré de divers pavillons aux formes incongrues. Il semble comporter, en outre, plusieurs cours, des cloîtres, des « fontaines stagnantes, couvertes de nénuphars », avec des arbres, dont « un colossal sapin bleuâtre » et des arbustes, et même des pelouses où elle pourra participer « à des sports organisés ». Les habitations ressemblent à « un chalet suisse », ou une « pendule à coucous », ou encore « un faux agaric rouge à tâches jaunes ». « Une des fenêtres était seulement représentée sur un mur de la cabane et n’avait vue sur rien, ni vers le dedans ni vers le dehors ». Il y a aussi « une tente de cirque » et « un igloo d’Esquimau ».Les directeurs dissimulent mal l’avarice et l’hypocrisie des directeurs qui s’épanouiront avec la création des « EHPAD » privés.
Leonora Carrington est en pleine période d’étude des thèses de George Gurdjieff (1877-1949) et John Harvey Kellogg (1852-1943). Le premier prône « Le travail sur soi » qu’il qualifie de « Quatrième Voie » avec des techniques empruntées aux fakirs, moines et yogi. On lui doit « L'Annonciateur du bien à venir » (1933, L'Originel, 98 p.), traduit par Serge Tro
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Pour ma part, j'estime que le temps est sans importance et quand je pense aux feuilles d'automne et à la neige, au printemps et à l'été, aux oiseaux et aux abeilles, je me rends compte que le temps est effectivement sans importance ; et pourtant les gens attachent une telle importance aux horloges. Par contre, je crois à l'inspiration ; une conversation inspirée entre deux personnes ayant entre elles une mystérieuse affinité, peut apporter plus de joie dans la vie que ne le ferait la pendule la plus coûteuse.
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Je suis sûre que ce serait très agréable et très salutaire pour les humains de n'être soumis à aucune autorité. Il leur faudrait penser par eux-mêmes au lieu que ce soit la publicité, le cinéma, la police et les parlements qui leur disent ce qu'il convient de faire et de penser.
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Le jour où Carmella me fit présent d'un cornet acoustique, elle aurait pu prévoir les conséquences de sa générosité. Carmella n'est pas ce que j'appellerais une fille malicieuse ; il se trouve seulement qu'elle possède un curieux sens de l'humour.
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Que pensez-vous du Puits de la lumière Fraternelle, demandais-je. Il me fait peur.
LE PUITS DE LA LUMIÈRE FRATERNELLE, est évidemment quelque chose de d'extrêmement sinistre. Non pas, je le suppose, un lieu de réunion pour vieilles dames occupées à moudre les céréales de leur petit déjeuner, mais quelque chose d'inamicalement sinistre.
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