« Por alla se viene la muerte,
Mientras que aqui, ay senora ! … Es la anarquia !
Se atrevieron a vivir
la libertad en la esperanza… »(1)
Cette chanson de
Serge Utge-Royo, où il dit vouloir apprendre de son « vieux compagnon », « dont la jeunesse est à la douane » m'a toujours foutu des frissons. La guerre d'Espagne est une période qui me fascine depuis des années. J'ai lu quantité de livres sur le sujet, des témoignages, des biographies, toujours dans le camp dit « républicain », même s'il s'agit pour la quasi totalité de femmes et d'hommes libertaires de la
Fédération Anarchiste Ibérique ou de la CNT. Des exilés pour la plupart. le père de l'auteur, lui, est resté en Espagne, condamné au silence par la dictature, la tristesse que son camps est été vaincu, par la peur peut-être.
Peut on rattraper le temps perdu, les silences, 20 ans après la mort de celui avec qui on voudrait échanger ? Quand les seuls souvenirs sont d'enfance, donc fragmentés, parcellaires ? Quand le silence fut le seul témoignage ? L'auteur entame ce dialogue avec son père disparu et choisi la littérature comme vecteur, comme outil de reconstruction de ce qui n'a pas été dit. Outil spéculatif, nourri des livres lus et qui offrent, éventuellement, des pistes, nourri des gestes et des mots dont la signification lui a peut être échappé.
Alfons Cervera explore à tâtons ces voies qui pourraient lui faire enfin comprendre ce père taiseux qu'il a suivi de village en village, de boulangerie en laiterie.
Véritable hommage à la littérature qui nous permet de voir l'invisible, d'entendre l'inaudible.
Véritable hommage aussi aux résistances et aux vaincu(e)s de cette guerre civile, celles et ceux qui furent contraint(e)s à l'exil, et celles et ceux qui furent condamné(e)s au silence. Ces vaincu(e)s qui avaient porté, peut être, cet autre monde du titre.
Cet autre monde qui est aussi, sans doute, celui du père de l'auteur, cet vie d'avant dont il ne dira plus rien, laissant derrière lui des souvenirs aux contours flous et incertains que le fils, en dépit du temps qui passe, tente de redessiner dans une « calligraphie fragile ».
Magnifique récit d'une profonde humanité, superbement traduit par
Georges Tyras.
(1)Là-bas, c'est la mort qui s'avance
Tandis qu'ici: Ah madame c'est l'Anarchie
La liberté dans l'espérance
Il ont osé la vivre aussi
Lien :
https://bonnesfeuillesetmauv..