Il y a livres et beaux, voire très beaux livres. Paris Typographie de
Marguerite Chaillou, publié par Les Arènes, fait résolument partie de cette dernière catégorie. Avec ses quelques 700 superbes illustrations, dont la majorité en double page, cet ouvrage broché est dès les premières pages un plaisir pour les yeux.
Marguerite Chaillou nous y invite à découvrir différents quartiers de Paris en s'arrêtant sur les innombrables exemples de typographie dont la capitale regorge, très souvent inconnus ou ignorés du public. D'emblée, la double page consacrée à l'obélisque nous donne une meilleure idée de la façon dont l'auteure a choisi de partager avec le lecteur ses plus belles trouvailles parisiennes : chaque photo est accompagnée d'un texte soigneusement choisi : texte explicatif, poème (de
Théophile Gautier ou
Guillaume Apollinaire, par exemple), citation, chanson, comptine enfantine ou encore calligramme (genre de poème image typographique). Ainsi, au-delà des simples polices de caractères aux noms parfois mystérieux que nous utilisons dans notre traitement de texte ou notre application de messagerie, nous apprenons en quoi consiste réellement la typographie.
Au fil de ses promenades, on remarque les lettrages de l'Empire du quartier Haussmann, les belles mosaïques des commerces des galeries du Palais Royal ou encore les monogrammes élégants des immeubles haussmanniens et des symboles du luxe français.
Les stèles du Père-Lachaise semblent avoir particulièrement retenu l'attention de l'auteure. Les tombes et les mausolées de personnages célèbres ou de parfaits inconnus affichent toujours de superbes monogrammes et surtout un panel typographique très riche allant du style néogothique à l'Art Nouveau, comme en témoignent les nombreux clichés sélectionnés.
Justement, nous voici dans le XVIème arrondissement construit au tournant du siècle, en pleine expansion de l'esthétique Art Nouveau. Sur les enseignes des cordonneries, brasseries, tabacs et surtout dans les célèbres bouillons, était utilisée la police Arnold, emblème de la Belle Époque. Elle reviendra à la mode dans les années 70 sur bon nombre de vinyles hippies !
Les néons de
Pigalle et les enseignes cosmopolites des innombrables établissements japonais, juifs, chinois et indiens trouvent aussi leur place dans ce livre. Selon que l'on traverse
Pigalle le jour ou la nuit, le spectacle est totalement différent. Quand la nuit tombe, les néons happent les visiteurs. Il y en a de très beaux, d'autres racoleurs ou vieillissants mais tous racontent l'histoire de ce quartier sulfureux connu dans le monde entier. Comme le disait
René Fallet, «
Pigalle c'est la poésie de la nuit noire crevée par le battement d'enseigne des coeurs électriques ».
Pour illustrer son propos sur le street art,
Marguerite Chaillou n'a pas hésité à se joindre à un groupe de graffeurs qui lui apprendront à réaliser son premier tag. Ceux de la Maison des Frigos (spot libre pour le graff) valent vraiment le détour. C'est l'occasion pour le lecteur de se familiariser avec ce qu'est réellement l'art du graffeur et notamment les « wildstyles » représentant la discipline reine du graff. Ces graffitis, enchevêtrés et décoratifs, offrent une calligraphie particulièrement esthétique et ne sont lisibles que par les initiés.
La visite de Paris se termine sous les pavés ou plus précisément, dans le métro et, plus étrange encore, dans les catacombes du Val-de-Grâce. Là aussi, l'auteure a su trouver les plus beaux noms et ornements de stations du métro parisien d'origine en emblématique carrelage de porcelaine, à la typographie si reconnaissable. Plus surprenants, au fond des catacombes, des lettrages du XIXème siècle, témoins des divers travaux de consolidation réalisés au fils des décennies ou encore des signatures et dessins au fusain réalisés par les troufions de l'armée du Val-de-Grâce.
J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette multitude de curiosités typographiques disséminées dans notre capitale. Les photos sont magnifiques et les textes mis en page de manière très harmonieuse permettent de mieux apprécier toute la beauté et la richesse de la typographie au fil des siècles.
Merci à Babelio et aux Éditions Les Arènes de m'avoir permis de découvrir ce très beau livre original.