e bientôt muet

                                     pour Anne
             janvier-décembre 2020

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4

seuls nous sommes – seul
je suis quand
j’entends la machine à café
et te vois
                       en pensée à nouveau assise
sur ton tabouret vermillon face à ton lot
de points-virgules ; toi et moi
dans l’indivision des jours ;
                                            seule
unique
prêt à me lever
malgré
l’air froid qui entre par la fenêre entrouverte
ton soutien-gorge vert absinthe qui me plaît
tant à l’abandon sur un bras
                                     du fauteuil
à chwal
ce réveil chinois à dix yuans
dont la sonnerie réveillerait les morts
tandis que je rêve
                        éveillé
aux yeux doux du buffle
qui se roule dans les herbes
et m’apprête – sans le comprendre encore –
                                                                       à repartir
personne ne sait bien où
ni comment

p.14

                                     pour Anne
             janvier-décembre 2020

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2

alors je m’suis dit
devant mon amoureuse – toute belle
qui sortais
de notre chambre comme si tu
partais à l’autre bout du monde
en Nouvelle-Zemble ou aux Amériques
                                             t’en allais comme
ça en socquettes noires
et en slip blanche
les seins nus que j’appelle
par jeu les petits faons
« les jumeaux d’une gazelle qui paissent
                                                au milieu des lis »
comme si nous étions
dans la Bible
chassés du paradis comme nous le fûmes
                                                                  jadis (hier)
et moi ce matin j’étions pas trop
endormi
dans notre lit matrimonial
j’avions si grand plaisir
à te voir passer devant le store
de la fenêtre entrouverte – et alors
oui je m’suis dit
ça y est c’est reparti
j’va écrire à nouveau un poème et
le v’la

p.12

                                     pour Anne
             janvier-décembre 2020

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1

e bientôt muet déjà
apparu deux fois depuis
                                      Été (II)
« seins scintillent
tilleul »
             et
l’insistance des zoiseaux
« le geai » – pourquoi – peut-être
                                                  une rime
peut-être pas
pour les cyprès ou pour la neige
ma gaîté car la nuit nageait sous
les étoiles comme
sur ton tee shirt
ô-ma-plus-que-reine-à-tout-jamais
t’ai vue te lever ce matin
et par quoi tu as commencé ce 15
                                                         janvier
comme à peu près tous les matins
depuis un bon demi
siècle : t’asseoir sur le bord du lit
nue te pencher
            en avant
pour enfiler tes socquettes
noires puis ta bath slip blanche
et t’en aller comme ça pimpante
dans l’monde

p.11

                                     pour Anne
             janvier-décembre 2020

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3

oui je zyeute tes premiers pas
dans le jour qui se lève
car on est là pour ça
tant qu’on est là
prêts à un dernier dernier tour de manège
j’remonte à chwal
au grand galop dans d’l’herbe qu’est
soyeuse comme tes cuisses
puis j’en aperçois un vrai
– enfin – le chwal peint qui caracole
à fresque sous des azurs
à peine assombris
par nos cauchmars et qui trône
depuis jadis (hier) sur la commode
où un ange
en bois doré nage
le crawl dans un cendrier que tu as volé
dieu sait où
à côté des figurines de deux zamoureux
toi et moi
enlacés sur un scooter qui file
                   vers des hexamètres
épicuriens gravés dans du papier toilé
vous pouvez vérifier
c’est sur le mur
à main gauche quand tu tires la poignée de la porte
et disparais

p.13

on se demande parfois
comment ça marche
la poésie
ici tout a commencé non par un hiatus
comme " des chansons voltigent partout
des groseilles " au point
qu'on en oublie ce que font les groseilles
non
tout a commencé
par une image – mon amoureuse
au réveil enfilant ses socquettes
noires – et à l’instant je suis à Vladivostock
en pensée ce matin du 15 janvier
2020
à la fois ici
et là-bas
en vrai ce mois d’avril 2006
dans cet hôtel de passage où nous étions face
au Japon – toi
nue – sauf
les socquettes – épluchant un pamplemousse
j'aurais parié avoir écrit
que les soquettes étaient blanches
le pamplemousse
était rose
comme les groseilles comme
les carafons et pourquoi pas les godillots