L'enfance fait le devenir du soi ?
1992, Villepinte.
Bénédicte est chef serveuse. Elle est accompagnée dans la vie par Rudy, son petit ami.
Ça c'est la Bénédicte, femme accomplie. Mais derrière cette femme qui semble forte se cache la petite Bénédicte.
Oui cette femme dont l'enfance était difficile voire intolérable souvent !!
1976, Reims.
Bénédicte a sept ans. Avec son frère Philippe, ils sont souvent seuls.
Leurs parents travaillent de nuit.
Lorsque qu'ils sont présent, son père les violente et va jusqu'à commettre des actes intolérables envers Bénédicte !
Quant à sa mère sa préférence va vers l'alcool. Elle se noie entre alcool et tentative de suicide dont sa fille va être témoin.
La seul petite ombre de joie dans la vie de Bénédicte est sa grand-mère maternelle, qui lui donne tout son amour.
C'est avec une parfaite maitrise de l'écriture et une petite touche d'humour que l'auteur offre ici le témoignage de son enfance.
A travers les mots, elle sait faire passer l'émotion au lecteur, les sensations, les actes qu'elle a subis.
Des descriptions parfois choquantes, horribles, si bien décrite que le lecteur ne peut pas douter un instant de leurs réalités.
Et il n'aurait aucune raison car tout est vrai !!!
Mettant parfois de la légèreté dans son récit Bénédicte Chapart crée une certaine distance avec son lecteur, ce qui permet à sa narration de ne pas tomber dans le mélo !
Un magnifique témoignage qui ne vous rendra pas insensible.
Une plume magnifique et un récit inoubliable à découvrir de toute urgence !!!
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Extrait de "La comtesse rouge"
"Nouvelle école, nouvelles copines, je suis encore présentée à la classe comme la petite nouvelle.
En dehors de l'école, je passe mon temps à écouter la B.O de Grease sur mon mange disque, Olivia s'égosille pendant que Philippe et moi improvisons des chorégraphies volantes.
Nous nous entraînons sans relâche dès que nous avons un moment de libre. Nous sortons au cinéma voir "La cage aux folles" avec nos parents, et c'est un moment juste parfait, avec Michokos à l'entracte. Les acteurs sont prodigieux, et l'histoire nous ressemble.
Sur le chemin du retour, maman cherche une pharmacie de garde ; "c'est urgent" dit-elle. Papa fait le tour de Reims, puis se gare, la lueur des néons éclaire la rue. Il pleut, l'eau ruisselle sur le pare-brise, je colle ma tête contre le carreau froid, la buée l'envahit.
- Bébé, tu veux bien y aller ? me demande Maman en me tendant un billet.
- Oui, mais je prends quoi ?
- De l'aspirine, et.. Elle hésite un instant, " Des lames s'il te plait."
Je refuse d'y aller, trop c'est trop, des lames, bah oui...
bien sûr des lames de rasoir, pour se tailler encore les veines.. il est hors de question que j'y aille !
Je ne bouge pas, je ne réponds pas, je simule l'apnée du cerveau, l'embolie des oreilles, l'infarctus de la mâchoire, le cancer fulgurant, puis sous la menace, je m’exécute et je finis par demander au pharmacien, les yeux humides, ces maudites lames de rasoir.
Nous avons passé une belle soirée, mais une fois de plus, elle gâche tout, comme ça d'un coup, je finirai encore ma nuit en pleurs à guetter l'arrivée des pompiers, en chaussons dans la cabine téléphonique.
Je viens d'avoir dix ans. "
"Le nouvel an arrive, on ne fait jamais rien, j'ai horreur d'embrasser des gens à minuit, je trouve cela crétin.
On s'embrasse tous, comme des dingues, "Bonne année, bonne santé ", on passe au suivant, on se fait attraper par des inconnus qui vous bisent, qui vous touchent, c'est faux cul et naze, je déteste.
On souhaite du bonheur à tout le monde, en sachant très bien qu'il n'arrivera sûrement pas, ça me gêne, quand je bosse ces soirs-là, je sors fumer avant la minute fatidique, et je reviens quand les cotillons sont par terre. "
"La comtesse rouge"