Il y a une grande injustice dans la procréation.
Celles qui n'arrivent pas à enfanter et celles qui avortent. C'est ce qui créait des romans comme La Servante Ecarlate où l'on pousse au plus grand vice l'appropriation des corps qui peuvent donner la vie.
Ou comme ce roman de Violaine de Charnage, où une femme qui désire à la folie un bébé, kidnappe et séquestre une autre sur le point d'avorter.
L'avortement est sujet à polémique et questionne souvent sur le sujet du bien et du mal, sur est-ce que la vie dans la vie doit éclipser l'autre ?, est-ce que les femmes ne sont sur Terre que pour enfanter ?, Doit-on considérer le foetus comme vivant ?, etc…
C'est un pur hasard si je tombe sur ce roman quelques temps après lu La Chambre de Lactation de Soulier, où une femme qui désire tant avoir un enfant, séquestre un géniteur. C'est le pur hasard si j'ai lu il y a quelques semaines la nouvelle Les Règles du Corps du recueil
Lapin Maudit de
Bora Chung et que j'avais fait la remarque entre le remake de Faux-Semblants avec Rachel Weizs, le film Horloge de Alexis Jacknow et la dernière saison de American Horror Story que la maternité a le vent en poupe. Je serais bien curieuse de savoir pourquoi ? Peut-être que est-ce la volonté de se réapproprier son corps et que seule la maternité nous empêche encore de le faire ? Entre celles qui veulent des enfants et ne peuvent pas : elles ne contrôlent donc pas leur corps. Et les autres que la société a « kidnappé » et « séquestré » sous le joug du patriarcat se soumettant au rôle de pondeuses? Vaste question…
Evidemment, certaines ont la chance de pouvoir choisir mais ici on parle de celles qui n'ont pas cette aubaine.
Le roman commencera assez classiquement comme un thriller horrifique avec des psychopathes. Mais peu à peu, il deviendra abyssal et organique comme un Cronenberg, et parfois étrange comme un
David Lynch : un roman visuel donc, qui utilisera le gore de manière très intelligente et soignée. En effet, j'ai ressenti plusieurs niveaux de lecture car les quatre protagonistes sont complexes et attachants. Pas vraiment de méchants, même la plus déséquilibrée me paraîtra touchante. Au début, on jugera le couple : de simples fanatiques « pro-vie » qui reflètent souvent l'hypocrisie de la religion : les mêmes qui se passionnent pour la chasse et votent pour la peine de morts. Mais Cherry est beaucoup plus délicate que cela. Elle possède ce que toute mère possède : l'Amour Inconditionnel. Certes, elle est une psychopathe (mais on est dans un roman d'horreur, alors ce n'est pas les Bisounours). Et Terence bien que soumis à son épouse, tente de se rattacher à la raison.
Mandy représentera celle dont le corps n'appartient plus. Elle se battra pour récupérer son corps, comme les féministes se battent depuis des décennies. Il sera attaché, souillé, détruit, maltraité, humilié et même lorsqu'elle réussira à se le réapproprier, l'ultime bassesse et la folie de Cherry le profanera dans l'inimaginable… Je préfère vous prévenir pour les âmes sensibles, Mandy va prendre cher. Elle représente ses milliers de femmes partout dans le monde…
Josh, l'anti-social, l'anti-consumériste, le sociopathe qui prépare le chaos, le suicidaire qui ne veut pas se soumettre, se retrouvera confronté à l'inconcevable : celui d'un être désireux de vivre plus que tout.
D'autres détails du roman sont incroyables, comme l'histoire de la chienne et de sa portée, comme les cauchemars arachnides ( me faisant penser à la sculpture "maman" de
Louise Bourgeois ou au symbole de maternité derrière le FaceHug du Xénomorphe du film Alien, qui enfante dans le corps des hôtes à leur insu avec violence.) Et encore d'autres évènements que je ne peux dévoiler sinon je vous priverais de surprises autant détonantes que étonnantes.
Dans tous les cas, si vous aimez Cronenberg, Soeurs de sang de Brian de Palma, le film Grace de Paul
Solet ou Eraserhead, si vous avez aimé la nouvelle Les Règles du Corps de
Bora Chung, je vous conseille ce riche chef-d'oeuvre de l'horreur sur le thème de la maternité.