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Ce livre a quasi vingt ans et ça se sent. Il a été écrit avant tous ceux qui ont fait le succès de Mona Chollet. C'est sans doute pour cela qu'on peut y lire les prémisses de Chez soi et tout le discours engagé qu'elle continue de porter dans Sorcières comme dans Beauté fatale.
C'est cruel alors d'écrire que j'ai trouvé le style moins abouti, le parti-pris anticapitalisme bien convenu, la collation d'exemples et références moins fouillée. Car enfin, on ne peut reprocher à un auteur d'avoir une pensée moins mûre dans un des livres qui précède ceux où elle nous a convaincus. C'est peut-être aussi que le propos est bien plus général. Là où les autres auront un thème resserré, la « réalité », ça brasse large et Mona Chollet l'envisageant tant sur le plan politique, économique, littéraire que personnel, on s'éparpille un peu. Il y a aussi que depuis, rien n'a changé que pour empirer et que ce discours a été repris par beaucoup. On a donc l'impression doublement funeste d'un propos désespérant et alarmiste rabâché mille fois sur une situation un peu plus grave et caricaturale encore que ce qui est décrit.
Ceci posé, et puisque j'assume d'avoir fait la fine bouche, il y a beaucoup de passages très intéressants dans ce livre à commencer par le postulat de départ qui nie au discours institutionnel, marchand ou expert de détenir une vision complète de ce qu'est le monde. Dénonçant les discours de rationalisation qui cherchent à culpabiliser les rêveurs, les slogans marketing qui jouent sur nos envies d'immatériel pour nous faire consommer des biens marchands, Mona Chollet démontre le danger de se laisser enfermer dans cette seule dimension du monde. « Croyant se hisser à une position d'une hauteur souveraine, on s'est mis hors-jeu. L'homme moderne a développé une vision, celle d'un monde disloqué en entités sérielles et sans mystère, qu'il croyait enfin sérieuse mais qui est biaisée dans ses fondements mêmes. Il s'est engagé à un train d'enfer sur une voie de garage. »
Avec Montaigne, Bachelard, Italo Calvino, Miguel Benasayag, Nicolas Grimaldi notamment, elle redonne sa place à la rêverie, à la solitude, à la littérature aussi comme autant de moyens d'être capable de rencontrer l'autre, d'être en lien avec le mystère, de tisser le réel d'autre chose que son seul aspect tangible. Elle fait du rêve une composante de la liberté, un moyen d'échapper à l'arbitraire mais aussi une manière d'entrer en relation avec la nature : « le rêve est le rituel par lequel l'homme et la Terre renouvellent leur engagement mutuel. »
Confortée dans mes rêveries, assurée d'être profondément en résonnance avec le monde à mesure que j'en quitte les endroits les plus bruyamment insupportables, je sors de cette lecture sinon enthousiaste au moins bercée par la conviction réconfortante de tracer un chemin inconnu mais pertinent.
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La tyrannie de la réalité. Comment définir la réalité ? Est elle partagée ? Commune ? Au nom et par qui est elle partout proclamée, imprimée, calibrée, mondialisée ? L'aliénation du productivisme à marche forcée est un fait. On cloisonne, on fractionne, on additionne, on soustraie, on amasse, on emploie, on jette, on trie, on achète surtout. On achète et on vend. On salarie, on licencie.On étalonne, on préjuge, on copie, on répète. On réduit, on se contracte, on se replie.
On achète des idoles, en boite, en flacon, en chiffon.On compense, on se rassure….
On vend son âme au diable, on devient des mercenaires au travail. On s'isole. La réalité est elle une valeur ? Une loi ? Est elle objective ? Hypnotique ? Quelle est la différence entre une chimère et le Rêve ?… Comment comprendre le monde dans lequel nous évoluons ? Comment répondre à ce monde qui ne tourne pas rond,  ? Rien n'est dissociable. Tous est lié. La physique quantique nous l'apprend. Mais cette notion avec celle du réchauffement climatique sont et visiblement resteront pour des organismes adeptes et défenseurs du consumérisme et du productivisme ( tout est lié on le rappelle...) des concepts non intégrables… ( oui tout est lié...) .
Imaginer, penser, rêver, flâner, s'aventurer, partager, prendre son temps, reprendre son souffle ...non intégrables. Douter ...s'interroger… ?
Ne pas penser en masse mais individuellement. Se grouper, s'entraider, échanger. Nécessité. Penser une totalité. Penser l'intelligence de cette totalité.
Le vieux monde s'éteint. Il faut inventer, explorer, changer d'angle, de position. Se définir. pour être capable de faire face à la réalité. La réalité qui nous habite et que nous habitons. Ils nous le disent, nous l'écrivent...Les poètes, les philosophes, les scientifiques…
Gaston Bachelard, Annie le Brun, Augustin Berque, Miguel Benasayag, et tant d'autres…
S'interroger.
Rêver, imaginer, penser, prendre le recul nécessaire, s'arracher à la pesanteur d'une réalité tyrannique et normative qui nous cloue les ailes au plancher du normatif.
Si tout est lié... les poings, les pieds les mots, les idées. Alors comment s'élever ?
L'essai de Mona Chollet ne vous donnera pas toutes clés, mais de nombreuses pistes salutaires.
A chacune et à chacun de faire son chemin, en évitant des chemins tout tracés qui nous exposent à la tyrannie d'une réalité saturée.
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Cet essai traite des rapports poreux et interactifs du réel et de l'imaginaire nécessaires à la création et à la vie pleinement vécue. Des dangers de l'immersion totale dans un univers issu du scientisme du 19 ème siècle, encore privilégié de nos jours : stérilité, dépression, agressivité en sont les conséquences.
Cette étude rigoureuse est menée à travers des évènements politiques contemporains et la littérature, Flaubert et Houellebecq notamment.
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Le titre de cet essai iconoclaste m'a charmé d'emblée et je me suis dépêché de céder à la tentation de le lire avant que celle-ci ne disparaisse dans les sables de l'été...
En s'appuyant sur des discours politiques ou médiatiques se réclamant de la sacro-sainte « réalité », Mona Cholet déconstruit habilement cette notion. Elle commence par marteler à quel point le rêve éveillé demeure une nécessité fondamentale pour l'être humain.
Ensuite, par effet de miroir, elle démontre (statistiques à l'appui) que notre rythme de vie actuel limite de plus en plus l'espace-temps que nous pouvons consacrer à cultiver notre jardin secret. Elle saisit l'occasion pour rappeler les divers mouvements sociaux revendiquant la conservation des acquis liés au contrat de travail. Ces derniers étant bel et bien qualifiés de « privilèges coupés de la réalité du marché » par les vrais privilégiés (patrons et rentiers) qui eux profitent à fond du capitalisme postindustriel.
Le propos est brillant, la présentation des arguments imparable et une conclusion unique semble s'imposer : « Les pouvoirs dominants prennent le citoyen pour un idiot et celui-ci n'est pas capable de s'en rendre compte ». Seule Mona Chollet qui est si intelligente et tellement cultivée a tout compris...
J'avoue que j'ai été ébloui par les premiers chapitres. Mais, en poursuivant la lecture de cet opus d'une densité incroyable, j'ai logiquement fini par me lasser : trop de savoir étalé sans limites dilue la substance du message que l'autrice aimerait sans doute faire passer.
J'ai eu l'impression que Mona Chollet a pris beaucoup de plaisir à rédiger ces inextricables trois-cents pages, mais qu'il s'agit davantage d'un monologue avec elle-même que d'un dialogue avec ses lecteurs.
Or, qui sont ces derniers ? Probablement pas la majorité du corps électoral : les ouvriers et les employés qui triment 50 heures par semaine dans les transports et au travail. Ceux-ci utilisent leur maigre temps libre pour amener leur enfant au sport, faire les courses et inviter les grands-parents au repas dominical...
Aussi bien du fait de la disponibilité mentale que par le niveau socioculturel qu'il requière, cet essai s'adresse plutôt aux rares bénéficiaires du système capitaliste qu'elle cloue pourtant au pilori : les professions libérales, les enseignants et autres privilégiés cultivés. Et cela à condition qu'ils soient dotés d'une sensibilité de gauche...
La brillante Mona Chollet (et je le dis ici sans cynisme) dresse le tableau accablant d'une société malade qui ne cesse de se tromper elle-même et s'étourdit dans la consommation pour oublier qu'elle est condamnée.
Alors, à la page 281 j'ai refermé définitivement ce livre. En effet, celui-ci nous met face à l'abîme, mais sans proposer de pistes pour en sortir. À quoi bon ?
Avec son intelligence hypertrophiée, l'essayiste ne parviendra pas à adoucir la réalité que justement elle dénonce. Son discours ne véhicule pas le moindre projet à même d'impulser une évolution sociétale. Car s'il suffisait de savoir où le bât blesse pour pouvoir agir, nous serions tous des vecteurs de changement. Depuis longtemps.
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« […] Peu d'idées sont autant galvaudées que celle de réalité. Des hommes politiques, des chefs d'entreprise, des économistes, des intellectuels, des romanciers la brandissent comme un argument terroriste, définitif, censé couper court – à peu de frais – à toute discussion. Mais ne faudrait-il pas examiner de plus près ce que recouvrent ces invocations ? Après tout, la question est sérieuse : la réalité serait-elle inéluctablement dans le camp des réactionnaires ? » (p. 12)

À cette question cruciale, hélas, réponse n'est pas fournie. Ou alors, elle est suggérée entre les lignes, en montrant que la « réalité » à laquelle nous sommes exposés n'est pas saisie et restituée mais construite de toutes pièces, imposture !, par le pouvoir à l'usage du salarié-consommateur-spectateur, de l'individu – pas de la personne – dûment intégré dans la masse. Au lieu d'y répondre, l'essayiste s'attelle à deux tâches complémentaires sans doute plus ambitieuses, mais jamais énoncées explicitement : tenter de déconstruire (l'impératif de) la réalité dans le plus grand nombre de domaines où il/elle se manifeste, et par là même revaloriser, dans ces domaines, l'approche contraire, qui n'est pas le rêve mais la rêverie, en d'autres termes l'approche possible du rêveur, que l'on se gardera de qualifier de « doux ».
Le champs est vaste : du monde du travail à la physique quantique, de la littérature (Madame Bovary vs. Belle du Seigneur et jusqu'au Grand-imposteur du réalisme contemporain : Michel Houellebecq) à la société du spectacle, du militantisme à la solitude, de la nature au « fantasme d'autarcie érotique » [cf. ma « supercherie de l'autosuffisance affective »], du centralisme à la consommation, et j'omets sans doute quelques autres domaines, victimes eux aussi de la construction pernicieuse d'une certaine « réalité »...
Les rêveurs donc, capables de corroborer une autre vision, critique et salutaire, du monde : qui sont-ils ? Mona Chollet excelle ici dans une méthode hétérodoxe et transgressive en diable, à laquelle j'adhère absolument, qui consiste à convoquer tour à tour la littérature et l'actualité, Italo Calvino et Robert Walser et le magazine « Elle » et le catalogue « Good Goods », Gaston Bachelard le philosophe et Bernard d'Espagnat le physicien, des penseurs politiques comme Jean Baudrillard, Jean Sur, Michel Foucault et un poète comme Mahmoud Darwich, des anciens, comme Montaigne et Descartes et des contemporains comme Annie le Brun, et puis Flaubert, Flaubert si souvent... Ces sauts révélateurs de concordances inattendues – et naturellement de goûts variés et éclectiques – sont toujours stimulants, mais au prix d'une évolution débridée des propos, sans l'aide au pauvre lecteur égaré d'un quelconque énoncé de plan, ni même par les intitulés des chapitres et sous-chapitres, aussi poétiques que peu suggestifs...
Le lecteur qui envisagerait d'expérimenter la rêverie comme moyen de rompre l'ensorcellement (!) maléfique des réalités toutes construites aurait des chances d'être saisi à intermittence par la fulguration d'idées convaincantes grâce à leur évidence soudaine, ou bien de se reconnaître dans des pensées qui étaient déjà les siennes, et qu'il découvre à l'improviste tellement mieux exprimées. J'ai expérimenté les deux, et c'est toujours le cas pour moi avec Mona Chollet. Mais le système possède de sérieuses limites, eu égard à la gravité et complexité des sujets traités, qui requièrent de lui un état d'éveil et de concentration à toute épreuve. le risque est donc fort de se laisser bercer par une prose très plaisante en laissant fuir la précision de chaque énoncé et surtout l'étendue de ses conséquences.
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C'est dans un ouvrage exigeant que Mona Chollet nous explique ce qu'elle entends par « tyrannie de la réalité ». Pour cela, les sujets traités sont vastes, sans forcément qu'il y ait de lien entre les différents chapitres, mais ce choix se tient, on voit ou Mona Chollet veut en venir. L'autrice tente de définir son sujet par des jeux d'oppositions, la réalité dépasse ce que l'oeil permet de voir. Trop plein de réalité d'un côté, consommation, objets, absence de sens au travail et de l'autre le rêve, le mystère, la part d'ombre de la vie, son épaisseur.

De nombreux auteurs sont convoqués mais aussi, pour leur côté terre à terre « ancré dans la réalité », le magazine « Elle » pour son obsession d'une plastique parfaite de nos corps, ses produits miracles « en pot » ou encore le designer Philippe Starck, enfermé dans le monde des objets « durables » et ses faux semblants écologiques.

Parmi les auteurs cités, on retrouve souvent Flaubert et son chef d'oeuvre « Madame Bovary ». Dans cette oeuvre romanesque, Mme Bovary veut fuir sa réalité provinciale, elle rêve de ville, de bals, d'amants… le rêve est un thème récurrent dans l'ouvrage de Mona Chollet. « Belle du Seigneur » d'Albert Cohen est mise en parallèle, destin tragique d'un couple amoureux.
Elle cite aussi souvent l'auteur Bernard d'Espagnat et son « Traité de physique et de philosophie ». Un monde qui dépasse les apparences, une physique quantique pleine d'espoir, loin d'une vision mécaniste de notre univers ou on pourrait tout expliquer.

On retrouve aussi souvent cités le géographe Augustin Berque, le philosophe Jean Baudrillard, et le formateur et fin connaisseur du monde du travail Jean Sur. Bien d'autres auteurs judicieusement cités servent à illustrer le propos dans des contextes forts différents. Les notions de travail, d'écologie, de consommation, de sens, reviennent régulièrement.

L'écrivain à succès Michel Houellebecq n'est pas ménagé. Ses ouvrages sont censés refléter notre époque, mais ils sont trop prévisibles, truffé de clichés. L'auteur est ancré dans la réalité, sans chercher à la dépasser, ses livres sont sans espoir, sombre.

Plusieurs films sont cités, notamment des films français parlant d'amour, de romance, de drame.

En définitive Mona Chollet se bat contre la tristesse prosaïque de notre monde, englué dans la société de consommation, la publicité, les objets sans âme. Ce monde veut nous faire croire que tout peut s'acheter selon nos désirs. Nous ne sommes pas des numéros, le discours publicitaire s'adresse aux individus, aux masses, à nous de devenir des personnes riche de nos singularités, ayant nos propres goûts, des convictions, des exigences, et sachant faire nos choix de façon lucide. Dans ce monde on peut encore rêver d'amour, chercher l'aventure, l'imprévu, s'émerveiller de ce qui peut nous arriver de non planifié dans nos vies.

Une lecture exigeante, avec une autrice engagée qui doute, qui cherche, et qui nous fait grandir avec elle.
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Un ouvrage daté de 2006 dense et riche en références qui nous rappellent comment le réalisme est dans nos vies une valeur qui prend de la place.
Mona Chollet nous invite à rêver le réel et nous propose une lecture du monde qui n'impose pas le seul prisme de la réalité. Elle nous engage aussi à prendre conscience de cette tyrannie pour y faire face et se réapproprier l'espace, le corps, la politique, l'économique, etc...
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Relecture constante dont les vibrations résonnent encore depuis la première lecture. Il y a des livres qui font cet effet, un coup de gueule plus doux que du trop de réalité d'Annie Lebrun, mais tout aussi pertinent! Un hymne pour un retour au rêve et à l'imaginaire non pas comme fuite mais comme pas de côté libérateur pour aborder le réel autrement, avec plus de légèreté ou simplement un regard critique autre. Invitation à prendre du recul sur la réalité telle qu'on nous la présente, tel qu'on nous force à la consommer comme la seule version possible. Bouteille d'oxygène qui depuis tourne dans mon ancienne école d'art et qui m'accompagne au quotidien. J'ai plié les pages dont les passages me percutaient, me grandissait, me soulageait ou les trois à la fois...C'est quasi toute l'édition qui s'en trouve cornée, sur les deux coins de page parfois même dans les deux sens (double cornages si d'autres personnes le font elles verront de quoi je parle^^)
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