C'est dans un ouvrage exigeant que
Mona Chollet nous explique ce qu'elle entends par « tyrannie de la réalité ». Pour cela, les sujets traités sont vastes, sans forcément qu'il y ait de lien entre les différents chapitres, mais ce choix se tient, on voit ou
Mona Chollet veut en venir. L'autrice tente de définir son sujet par des jeux d'oppositions, la réalité dépasse ce que l'oeil permet de voir. Trop plein de réalité d'un côté, consommation, objets, absence de sens au travail et de l'autre le rêve, le mystère, la part d'ombre de la vie, son épaisseur.
De nombreux auteurs sont convoqués mais aussi, pour leur côté terre à terre « ancré dans la réalité », le magazine « Elle » pour son obsession d'une plastique parfaite de nos corps, ses produits miracles « en pot » ou encore le designer
Philippe Starck, enfermé dans le monde des objets « durables » et ses faux semblants écologiques.
Parmi les auteurs cités, on retrouve souvent
Flaubert et son chef d'oeuvre «
Madame Bovary ». Dans cette oeuvre romanesque, Mme Bovary veut fuir sa réalité provinciale, elle rêve de ville, de bals, d'amants… le rêve est un thème récurrent dans l'ouvrage de
Mona Chollet. «
Belle du Seigneur » d'
Albert Cohen est mise en parallèle, destin tragique d'un couple amoureux.
Elle cite aussi souvent l'auteur
Bernard d'Espagnat et son «
Traité de physique et de philosophie ». Un monde qui dépasse les apparences, une physique quantique pleine d'espoir, loin d'une vision mécaniste de notre univers ou on pourrait tout expliquer.
On retrouve aussi souvent cités le géographe
Augustin Berque, le philosophe
Jean Baudrillard, et le formateur et fin connaisseur du monde du travail
Jean Sur. Bien d'autres auteurs judicieusement cités servent à illustrer le propos dans des contextes forts différents. Les notions de travail, d'écologie, de consommation, de sens, reviennent régulièrement.
L'écrivain à succès
Michel Houellebecq n'est pas ménagé. Ses ouvrages sont censés refléter notre époque, mais ils sont trop prévisibles, truffé de clichés. L'auteur est ancré dans la réalité, sans chercher à la dépasser, ses livres sont sans espoir, sombre.
Plusieurs films sont cités, notamment des films français parlant d'amour, de romance, de drame.
En définitive
Mona Chollet se bat contre la tristesse prosaïque de notre monde, englué dans
la société de consommation, la publicité, les objets sans âme. Ce monde veut nous faire croire que tout peut s'acheter selon nos désirs. Nous ne sommes pas des numéros, le discours publicitaire s'adresse aux individus, aux masses, à nous de devenir des personnes riche de nos singularités, ayant nos propres goûts, des convictions, des exigences, et sachant faire nos choix de façon lucide. Dans ce monde on peut encore rêver d'amour, chercher l'aventure, l'imprévu, s'émerveiller de ce qui peut nous arriver de non planifié dans nos vies.
Une lecture exigeante, avec une autrice engagée qui doute, qui cherche, et qui nous fait grandir avec elle.